Pesticides, le piège se referme

François Veillerette Pesticides: dans l’eau, l’air, les légumes et même l’intestin des bébés PARIS, 3 mai (AFP) – Que trouve-t-on dans le méconium, cette substance qui s’accumule dans l’intestin du foetus pour former les premières selles du nourrisson? Des pesticides – lindane, chlordane, malathion, DDT… – dont certains ne sont plus utilisés depuis des années mais restent bien présents dans notre organisme. Une étude menée en 1998 en Australie a mis en évidence la présence de trois pesticides en moyenne dans le méconium d’une cinquantaine de bébés, en quelque sorte contaminés avant la naissance. Une étude parmi plus de 300 répertoriées dans le livre de François Veillerette, Pesticides, ‘le piège se referme’. Si on n’a rien trouvé chez les bébés français, c’est simplement parce que l’on n’a pas cherché, a remarqué François Veillerette lors de la présentation jeudi de son livre. Fort peu d’études sur les pesticides et leurs effets sur la santé sont en effet conduites en France. Le premier objectif de François Veillerette dans ce petit livre documenté a donc été de porter à la connaissance du public des études publiées dans les revues scientifiques anglo-saxonnes, et peu connues en France. Le MDRGF (Mouvement pour le droit et le respect des générations futures) travaille depuis des années sur le lien entre pesticides, santé et pratiques agricoles. Pour la première fois, en août 2001, la publication par le MDRGF d’une étude tout à fait officielle de la direction de la santé de la Commission européenne a ébranlé le public français: on y lisait que la moitié des fruits, légumes et céréales consommés en France contenaient des résidus de pesticides, dont 8% à des doses supérieures aux limites maximales admises. Ce chiffre est sans doute supérieur à l’état réel de contamination moyenne des aliments, car les analyses ont ciblé des produits à risque, mais il est révélateur d’une tendance, souligne François Veillerette. Une étude conduite en 2001 par l’association néerlandaise ‘Stichting Natuur en Milieu’ n’est pas plus rassurante: 70% des 100 raisins de table grecs, italiens et français testés contenaient des résidus supérieurs au maximum toléré par la réglementation.Certes, il s’agit de faibles doses, pour lesquelles aucune étude ne peut établir de lien direct de cause à effet avec des maladies. Il faudrait pour prouver ce lien faire ingérer à une population test de faibles doses de pesticides pendant vingt ans ou plus, ce qui serait contraire à l’éthique. Mais en revanche, de très nombreuses études mettent en évidence le risque statistiquement accru pour des personnes exposées à un produit toxique de développer une maladie par rapport à une population témoin non exposée. Plusieurs pathologies (cancers, baisse de fertilité, anomalies congénitales) ont ainsi été mises en évidence pour les populations agricoles.Dès lors, il nous faut appliquer le principe de précaution et réduire fortement les doses de pesticides utilisées dans l’agriculture, estime François Veillerette. Il prône l’adoption d’une directive européenne, avec des objectifs chiffrés de réduction de l’utilisation des pesticides. Le Danemark a ainsi réduit de 47% l’utilisation de pesticides sur la période 1987-97, et la Norvège de 54% entre 1985-96 La France est le deuxième utilisateur mondial de pesticides après les Etats-Unis et le premier européen, avec une consommation moyenne de 100.000 tonnes par an. édition Terre Vivante, 159 pages, 12,50 euros). Volontairement passées sous silence, les informations concernant les ravages des substances cancérigènes contenues dans les pesticides sont enfin révélées au grand jour. On dénombre déjà des centaines de victimes chez les agriculteurs. Les consommateurs seront les prochaines victimes. Il aura fallu le cas de Dominique Marchal pour que l’un des plus gros secrets industriels soit enfin révélé. Cet agriculteur vosgien souffre depuis 2003 du syndrome myéloprolifératif, une multiplication anormale de plaquettes sanguines, responsable à terme, de leucémie aiguë. Or ce cancer assez rare est répertorié plus particulièrement chez les employés des raffineries, exposés au benzène. Les époux Marchal soulèvent alors la question : et si les pesticides qu’ils emploient depuis plus de vingt ans contenaient du benzène ? Ils interrogent les fabricants sans obtenir de réponse. Ils lancent alors une procédure judiciaire, qui au terme d’une analyse positive révélant la présence de benzène dans des bidons stockés sur l’exploitation agricole, qualifie le cancer de D. Marchal comme maladie professionnelle. Une victoire sans précédent qui a relancé le débat sur la toxicité des pesticides, pour les agriculteurs et pour les autres… La France, premier utilisateur de pesticides en Europe Déjà en 2001, la Mutualité sociale agricole (MSA) avait obtenu le retrait de produits à caractère cancérigène comme l’arsenic de soude, largement utilisé en viticulture. En 2005, les experts reconnaissent que les agriculteurs sont la population la plus exposée aux produits phytosanitaires (plus couramment appelés pesticides) utilisés pour combattre les mauvaises herbes (herbicides), les champignons (fongicides) et les insectes (insecticides). Grâce à des études épidémiologies le lien pesticide/cancer a, en effet, été démontré. Les conclusions sont claires : les agriculteurs développent des cancers spécifiques comme le cancer de la prostate, de l’estomac, la leucémie, les myélomes, le lymphome malin, les cancers cérébraux ou cutanés. Danger pour tous Les chercheurs révèlent également que les femmes travaillant (à la ferme) développent plus de cancers du sein. Du coup, certains experts s’interrogent enfin sur l’exposition de la population aux pesticides, car les agriculteurs ne sont pas les seuls utilisateurs de ces produits toxiques. Jardiniers professionnels et amateurs ne sont pas avares de pesticides. Et quand on sait que les molécules de pesticides sont également présentes dans beaucoup de produits domestiques, il y a vraiment de quoi s’inquiéter. À titre d’exemple et selon l’épidémiologiste Pierre Lebailly, un antimoustique en flacon qui diffuse pendant vingt nuits représente 2 000 fois la dose que vous absorbez en buvant une eau contaminée (source Bulletin des agriculteurs, avril 2005). Fruits et légumes toxiques Ainsi, notre terroir se révèle une source de pollution et de toxicité extrêmement dangereuse pour qui le cultive. Quid, dans ce cas, des consommateurs ? Ici encore, le constat est accablant. Une étude américaine a démontré, il y a quelques mois, que la concentration de pesticides retrouvés dans les urines d’enfants scolarisés dans le primaire diminuait lorsque ces derniers étaient alimentés avec des fruits et légumes bio. Quel dilemme pour qui veut suivre les conseils des cancérologues qui recommandent de manger environ 600 g de fruits et légumes par jour. Car les fruits et légumes les plus couramment consommés ne sont pas bio et sont de véritables réservoirs de substances cancérigènes qui à doses répétées, même si elles sont infimes, sont un véritable poison pour l’organisme. Se protéger du cancer en mangeant plus de fruits et légumes pour finalement avoir plus de risque de développer un cancer : la belle farce !

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