Levothyrox: « On nous empoisonne à petit feu »

Juliette Redivo, publié le , mis à jour à 
Une trentaine de victimes de la nouvelle formule du médicament Levothyrox se sont rassemblés vendredi 8 septembre devant l'Assemblée nationale pour demander le retour de l'ancienne formule.

Une trentaine de victimes de la nouvelle formule du médicament Levothyrox se sont rassemblés vendredi 8 septembre devant l’Assemblée nationale pour demander le retour de l’ancienne formule.

Photo Juliette Redivo

Des victimes de la nouvelle formule du Levothyrox se sont rassemblées vendredi devant l’Assemblée nationale pour protester contre de graves effets secondaires. Témoignages.

Ils ont fait le déplacement sans exubérance. Une seule pancarte, attachée au dos d’une femme, scande silencieusement: « Levothyrox: ma santé c’est pas d’la merck! », en référence au laboratoire Merck Serono, à l’origine du produit pharmaceutique. Ils sont une petite trentaine, surtout des femmes, à se retrouver, vendredi matin, devant l’Assemblée nationale pour protester contre la nouvelle formule du Levothyrox, mise sur le marché fin mars, qui a déjà fait l’objet de près de 5000 déclarations effets indésirables chez des patients.

 

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« Vous avez ressenti les premiers désagréments à quel moment? », « Vous aussi, vous perdez vos cheveux? » Les victimes, réunies à l’initiative de l’Association française des malades de la thyroïde, se conseillent et échangent des plans pour se procurer l’ancienne version de ce traitement, prescrit à 3 millions de Français.

Mercredi, la ministre de la santé Agnès Buzyn a refusé de revenir a l’ancienne formule du médicament. « Il faut qu’on nous entende! », revendiquent les manifestants, accompagnés par l’avocate et ancienne magistrate Marie-Odile Bertella-Geffroy. Celle-ci annonce une plainte contre X auprès du parquet du pôle de santé publique pour « mise en danger de la vie d’autrui, atteinte à l’intégrité physique, non-assistance à personne en danger ».

« La ministre se fiche de nous! »

Monia a créé un groupe Facebook pour aider les victimes.

Monia a créé un groupe Facebook pour aider les victimes.

Photo Juliette Redivo

C’est d’ailleurs pour conseiller les victimes que Monia a créé le groupe Facebook « Agir contre le nouveau Levothyrox ». Cette cadre administrative de 48 ans, qui souffre d’une hypothyroïdie depuis 12 ans, veut rassembler les victimes pour faire changer les choses. « Ils nous laissent mourir en silence. J’étais très sportive, je faisais du tennis et du footing, maintenant j’ai même du mal à conduire. La ministre de la Santé doit réagir, il faut remettre les deux produits en vente. Elle n’a pas été rassurante du tout, elle tente de minimiser les faits en disant « Ne vous inquiétez pas, ça va rentrer dans l’ordre », mais comment peut-elle dire cela à des personnes qui sont dépendants du médicament? Le gouvernement a les cartes en mains, nos vies en mains! »

« Je n’ose plus me faire de shampoings »

Pour Véronique, (à droite) la perte capillaire est l'effet secondaire le plus difficile à supporter.

Pour Véronique, (à droite) la perte capillaire est l’effet secondaire le plus difficile à supporter.

Photo Juliette Redivo

Véronique a arrêté de se laver les cheveux il y a un mois. « Je n’ose plus, je perds mes cheveux dès que je les brosse. Je ne me reconnais plus, regardez, j’ai tout perdu! », se désole cette femme de 65 ans. Elle relève ses cheveux courts, découvrant des zones dégarnies. « En décembre, je serai chauve », affirme-t-elle. C’est l’un des effets secondaires qu’elle subit depuis qu’elle a commencé à prendre la nouvelle formule du Levothyrox, il y a quelques mois. Elle souffre maintenant de douleurs aux mollets, de palpitations au coeur, de problèmes intestinaux, de diarrhée… « Je me suis dégradée peu à peu. J’ai cru que j’allais faire une crise cardiaque, que j’avais une phlébite ou que je devenais folle. C’est très handicapant, mais je ne peux pas arrêter, ce médicament est vital pour moi », ajoute-t-elle, désemparée. Cette femme souffre depuis 18 ans de la maladie d’Hashimoto, une maladie auto-immune provoquant une inflammation de la thyroïde.

« On nous prend pour des cobayes »

Chantal a dû arrêter son traitement ce matin pour être présente au rassemblement.

Chantal a dû arrêter son traitement ce matin pour être présente au rassemblement.

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Chantal, qui souffre de la même pathologie, a décidé de ne pas prendre son cachet de Levothyrox ce matin. Une première, pour cette retraitée de 67 ans. C’était la seule solution, dit-elle, pour pouvoir être présente aujourd’hui. « Je n’ai plus de thyroïde, je ne suis pas censée arrêter le médicament, mais il me met dans un état lamentable. Je ressens toujours une extrême fatigue, je n’émerge pas. Hier j’ai dû me coucher à 21 heures! Je dois m’asseoir après avoir débarrassé le lave-vaisselle… Ce n’est pas une vie, on nous empoissonne à petit feu, on nous prend pour des cobayes ! »

« J’oubliais des mots, je formais mal des phrases »

La nouvelle formule du médicament rend le travail de Cécile beaucoup plus compliqué.

La nouvelle formule du médicament rend le travail de Cécile beaucoup plus compliqué.

Photo Juliette Redivo

Insomnies, douleurs musculaires… Cécile, qui souffre d’une maladie thyroïdienne depuis 19 ans, ressent aussi tous ces effets secondaires depuis qu’elle a commencé à prendre la nouvelle formule. Le plus dur, pour elle, sont les migraines et les pertes de mémoire depuis juillet. « J’ai cru que j’étais Alzheimer… J’ai eu de gros troubles de la mémoire, je formais mal mes phrases, ne trouvais pas mes mots ». Très vite, son état de santé se répercute sur son travail: « J’oubliais des tâches, mes mails avaient des fautes d’orthographe, je faisais beaucoup d’erreurs d’inattention », énumère cette chargée de paie, âgée de 46 ans. Elle a finalement décidé de passer aux gouttes L-Thyroxine, en provenance d’Allemagne, pour stopper temporairement ces effets indésirables. « Ils sont passés… Mais pour combien de temps? »

« Je dois faire des pauses en marchant »

Henry, 72 ans, a des difficultés respiratoires depuis le nouveau Levothyrox.

Henry, 72 ans, a des difficultés respiratoires depuis le nouveau Levothyrox.

Photo Juliette Redivo

Henry, pense lui aussi bientôt passer par l’Allemagne ou la Suisse pour se procurer l’ancienne formule du Levothyrox, qui est toujours en vente. Ce retraité de 72 ans a subi une ablation de la thyroïde il y a cinq ans. Il décrit les effets indésirables comme « très invalidants ». « Je suis obligé de prendre des cachets pour dormir. J’ai dû m’arrêter trois fois sur le trajet pour venir ici, je n’avais plus de souffle. J’ai des crampes en mettant mes chaussettes le matin. J’ai du mal à aller me promener avec ma femme dehors… Je suis très inquiet pour la suite. »

« J’ai cru à une tumeur au cerveau »

Anne et Alain, 71 ans, sont venus en couple pour se renseigner.

Anne et Alain, 71 ans, sont venus en couple pour se renseigner.

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Un peu plus loin, Alain, un retraité de 71 ans, écoute les conversations des uns et des autres pour récupérer des informations. Ce n’est pas lui le malade, c’est sa femme, qui n’a plus de thyroïde depuis 30 ans. « J’ai vu un changement total chez ma femme, d’un coup. Elle est devenue dépressive, plus faible et plus malade », explique-t-il en la regardant, inquiet. « Je suis vraiment mal, j’ai des coups de fatigue depuis un mois, des migraines et j’ai même cru que j’avais une tumeur au cerveau », renchérit Anne, d’une voix enrouée. « Le discours de la ministre cherche à infantiliser les victimes. On ne se laissera pas faire, ça touche les victimes, mais aussi les proches », reprend son mari.

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