Déserts médicaux: le gouvernement préfère la télémédecine à la contrainte

POLITIQUE

18/01/2018 12:33 CET | Actualisé il y a 5 heures

Agnès Buzyn s’est opposée à une proposition de loi PS sur la liberté d’installation au moment où l’Assurance maladie négocie avec les médecins sur la télémédecine.

CHARLES PLATIAU / REUTERS
Déserts médicaux: le gouvernement préfère la télémédecine à la contrainte.

POLITIQUE – Deux salles, deux ambiances. A l’Assemblée nationale, ce jeudi 18 janvier, les députés débattaient de la liberté d’installation des médecins dans le cadre d’une proposition de loi socialiste. Un peu plus tard dans la journée, au siège de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, les médecins et l’Assurance maladie devaient acter le remboursement des actes de télémédecine au même niveau d’une consultation physique.

Dans les deux cas, la lutte contre les déserts médicaux était au coeur des discussions.

Depuis plusieurs semaines, le gouvernement, qui refuse aussi une suppression du numerus clausus dans les études de médecine a fait son choix: son penchant libéral lui fait refuser les mesures jugées coercitives à l’encontre des médecins. C’est ce que la ministre de la Santé Agnès Buzyn a rappelé à la tribune du palais Bourbon.

Réguler la liberté d’installation

Elle a balayé le texte déposé par le député PS de Mayenne Guillaume Garot: la mesure phare était « le conventionnement sélectif » des médecins. De quoi s’agit-il? Les médecins qui s’installent dans des zones déjà fortement dotées en praticiens ne pourraient pas être conventionnés ce qui signifie que leurs patients ne seraient pas remboursés. Ceux qui vont dans des déserts médicaux obtiendraient leur conventionnement.

 

« Face à la désertification, nous avons pas tout essayé. Nous n’avons pas essayé la régulation de la liberté d’installation », a estimé l’ancien ministre de François Hollande qui précise son développement. « La nation paye les études des jeunes médecins, la nation garantit ses revenus dans le cadre du financement de la sécurité sociale. Qu’y a-t-il de scandaleux à dire que la nation compte sur vous pour aller dans les zones qui ne sont pas surdotées », s’est-il demandé. Ces zones surdenses concernent, selon lui, 752 communes et 4 millions de Français.

« D’une façon générale, les zones surdotées sont urbaines et littorales et les zones délaissées suburbaines et rurales », constatait en novembre la Cour des comptes. La carte ci-dessous tirée de l’Atlas du conseil de l’ordre des médecins le confirme. Dans un rapport, le premier président de la Cour des Comptes Didier Migaud défendait ce « conventionnement sélectif », pointant au passage le manque d’efficacité des incitations financières créées par les gouvernements précédents.

CONSEIL ORDRE DES MEDECINS

Cette proposition était déjà portée en 2016 par le patron du groupe UDI Philippe Vigier. « Si la liberté de s’installer doit être préservée, on pourrait imaginer que là où il y a suffisamment de praticiens, que cette liberté soit dissociée du fait d’être conventionné », estimait récemment dans Le HuffPost le maire centriste d’une petite ville de la Sarthe qui a dû se tourner vers des médecins étrangers pour parer à la désertification.

Le groupe socialiste a reçu le soutien des parlementaires de gauche. A la tribune, Adrien Quattenens (France Insoumise) a notamment rappelé que des règles d’installations similaires existent déjà pour certaines professions médicales libérales comme les pharmaciens, les infirmières ou les kinés.

Le gouvernement cajole les médecins

Problème, les médecins généralistes ne veulent pas entendre parler de cette mesure qu’ils jugent coercitive. Avis partagé par le gouvernement et la majorité LREM quand bien même Richard Ferrand et Christophe Castaner étaient favorables au dispositif il y a encore quelques mois. « La solution ne peut pas provenir d’une mesure unique et démagogique », a taclé Agnès Buzyn.

La ministre a avancé un argument d’efficacité. « Ce dispositif a été mis en place en Allemagne il y a 25 ans. Si le conventionnement sélectif dissuade en effet l’installation dans les zones surdotées, il ne garantit pas que les médecins aillent dans les zones sous dotées. On assiste à une installation à la frontière des zones surdenses », affirme-t-elle.

Pour remédier à la désertification, le gouvernement compte sur le plan global mais modeste présenté en octobre. Il s’appuyait sur quatre piliers dont un va connaître un coût d’accélérateur ce jeudi: le développement de la télémédecine. Pour ce faire, la ministre veut s’appuyer sur les médecins libéraux qui commencent déjà à faire monter les enchères. Leurs syndicats négocient les modalités pratiques et les tarifs de la téléconsultation.

L’Assurance maladie est d’accord pour rembourser une téléconsultation au même prix que la consultation classique, soit 25 euros; il s’agit d’une revendication des médecins. Restent à déterminer les aides l’équipement. Objectif: doubler les actes en quatre ans. Alors qu’il y avait moins de 260.000 en 2015, le gouvernement table sur 500.000 en 2019, puis un million en 2020 et 1,3 million en 2021.

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