Crise du Lévothyrox : « Rien n’a changé » depuis le scandale du Mediator, selon Gérard Bapt

Le changement de formule de ce médicament anti-thyroïdien avait causé des effets indésirables importants à près de 15 000 patients. Gérard Bapt, médecin-conseil de l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT) et 1er adjoint à Saint-Jean, déjà à l’origine du combat sanitaire contre le Mediator, réagit à ce rapport.

Que pensez-vous des conclusions du rapport rendu ce lundi à la ministre de la Santé ?

Les deux aspects positifs de ce rapport, c’est qu’il renvoie dans leur but d’une part les professeurs nocebo (ceux qui attribuaient les désagréments des patients à un effet purement psychologique, N.D.L.R.), qui étaient devenus des leaders d’opinion. Et d’autre part, il remet aussi à sa place la mission d’information de l’Assemblée nationale, qui avait réduit la crise du Lévothyrox à une simple crise médiatique. Le second intérêt, c’est qu’il pointe la responsabilité de l’Agence du médicament qui a décidé en mars 2017 d’un transfert obligatoire du Lévothyrox de l’ancienne vers la nouvelle formule, pour un produit qui était en situation de monopole et pour lequel il aurait fallu prendre les plus grandes précautions.

Les réformes après le scandale du Médiator de 2010 ont donc été vaines, selon vous ?

Il est consternant qu’après les réformes post-Mediator, on en soit réduits à constater l’absence de transparence, un manque de réactivité aux alertes et une absence de démocratie sanitaire. Si ce n’est un mépris pour les associations de patients. Rien n’a changé puisqu’on a laissé se développer à nouveau des crises comme celle-ci. Par ailleurs, le rapport est très discutable sur le contenu de ses propositions.

Justement, la mission propose de créer une plateforme d’information sur le médicament…

On se retient de sourire. D’une part car créer une ligne téléphonique pour les professionnels, franchement, ça n’existe pas déjà ? La loi santé que l’on a votée a créé le site internet sante.fr, un site public d’information sur la santé. Ce que propose la mission, c’est de fusionner deux sites, mais cela n’aboutira à rien à mon sens. Surtout si ça reste sous le contrôle exclusif du ministère et de l’Agence du médicament, si c’est toujours eux qui donnent des informations. (…)

Il faut enfin de la transparence, de la démocratie sanitaire et la prise en considération des associations. Vous savez que l’association française des malades de la thyroïde (AFMT, dont il est médecin-conseil, N.D.L.R.) n’a même pas été auditionnée par la mission. On a méprisé les associations dans cette affaire. (…) C’est quand même incroyable que des années après l’affaire Mediator, la ministre tienne une conférence de presse pour parler des résultats de cette mission. Sauf si elle annonce un changement de direction de l’agence, ça serait une information, j’attends de voir…

Appelez-vous à la démission du Dr Dominique Martin, qui dirige l’ANSM ?

Je réservais ça pour plus tard car on travaille aussi sur d’autres dossiers d’analyses de comprimés, mais là quand même… Je n’appelle pas à sa démission, mais je me dis que ça serait intéressant si la ministre de la Santé changeait la direction, car je lui reproche d’être le responsable de toute cette crise sanitaire du Lévothyrox.

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