La condamnation de Monsanto confirmée dans l’affaire Paul François

Par Aude Massiot — 21 octobre 2020 à 17:17

Paul Francois au tribunal de Lyon, le 6 février 2019.
Paul Francois au tribunal de Lyon, le 6 février 2019. Photo Jeff Pachoud. AFP 

La Cour de cassation a rejeté ce mercredi le recours de la firme américaine, dans ce procès initié en 2007, et a ainsi donné raison définitivement à l’agriculteur empoisonné par le produit Lasso et aujourd’hui épuisé.

  •   La condamnation de Monsanto confirmée dans l’affaire Paul François

«C’est un soulagement», lâche l’avocat Me François Lafforgue. Par ces cinq petites lettres, «rejet», la Cour de cassation a mis fin, ce mercredi, au calvaire de l’agriculteur Paul François. Figure de proue des victimes des pesticides en France, cet ancien cultivateur en conventionnel passé en bio a obtenu gain de cause dans sa bataille judiciaire contre Monsanto, le géant américain de l’agrochimie racheté depuis par l’Allemand Bayer. Il aura fallu treize ans de lourdeurs administratives, de déceptions et surtout de longue attente – car la multinationale a maintenu jusqu’au bout sa stratégie de l’épuisement en faisant traîner les procédures – pour qu’un Paul François, épuisé, puisse enfin se dire officiellement «empoisonné» par le Lasso (désormais interdit).

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L’accident a lieu le 27 avril 2004 quand l’agriculteur inhale par accident les vapeurs de ce pesticide dans une cuve. Sa santé s’effondre brutalement et pour de longues années : amnésies, vertiges, bégaiements, crises semblables à de l’épilepsie, irritabilité, comas à répétition… Il passe près d’un an à l’hôpital, ballotté de service en service, jusque dans une unité psychiatrique. Comme il le raconte dans son livre Un paysan contre Monsanto (Fayard, 2018), un médecin l’a même soupçonné de se droguer. «Ces douze ans de combat ont bouffé ma vie, et celle de Sylvie [sa femme morte en septembre 2018 d’une rupture d’anévrisme, ndlr], qui m’a soutenu, a subi, et ne sera pas là pour en voir l’issue», relatait-il à Libération en février 2019.PublicitéFermer la publicité dans 11s

Aujourd’hui, l’affaire n’est pas tout à fait terminée. Le tribunal judiciaire de Lyon doit maintenant déterminer le montant de l’indemnisation que la firme doit verser à l’agriculteur. Une procédure qui pourrait prendre encore longtemps si Bayer le veut. «Cette affaire doit être évoquée le plus rapidement possible, afin qu’il puisse être mis un terme à cette procédure, et que Monsanto-Bayer cesse enfin de retarder la procédure et assume enfin les conséquences de ses agissements», écrit ce mercredi Paul François dans un communiqué de l’association Phyto-Victimes.

Une «brèche» pour les autres victimes

L’arrêt de la Cour de cassation «fera date» estime Me Lafforgue qui espère que «l’acharnement judiciaire contre [son] client cessera». La plus haute juridiction de l’ordre judiciaire français a, en effet, pris le soin de débouter un par un tous les arguments portés par Monsanto à l’encontre de la décision de la Cour d’appel de Lyon, rendue elle en 2019, et qui donnait déjà raison à Paul François. «Le produit ne présentait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s’attendre et était dès lors défectueux», a tranché la cour dans son arrêt. De même que «la société Monsanto agriculture France avait toute latitude pour connaître le défaut lié à l’étiquetage du produit et à l’absence de mise en garde sur la dangerosité particulière des travaux».

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La responsabilité de Monsanto-Bayer est donc définitivement reconnue dans cette affaire. Un revers judiciaire dont aurait pu se passer la multinationale qui les accumule depuis trois ans aux Etats-Unis.

En France, cette décision pourrait bien «ouvrir une brèche pour les autres personnes ayant subi des dommages suite à l’exposition à ce type de pesticides qui pourront chercher à faire reconnaître la responsabilité des fabricants, assure l’avocat de Paul François. Je pense, par exemple, aux jardiniers employés par des villes qui ont manipulé les mêmes produits et ont développé des lymphomes.» Son cabinet serait en train d’étudier plusieurs recours judiciaires similaires.

Mais le cas de Paul François est très particulier. C’est un empoisonnement causé par une exposition forte et puissante au produit, sur un court laps de temps. Pour les personnes qui ont été en contact sur le long terme, la reconnaissance des dommages sur la santé est bien plus complexe. Malgré cela, l’association Phyto-Victimes ne perd pas espoir. Elle attend, avec impatience, la création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes des pesticides (limité au cadre professionnel). Déjà retardée à plusieurs reprises, cette mesure, qui marquerait une grande avancée, est attendue pour le mois de novembre.Aude Massiot

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