Témoignage de malade

Bonjour,

j’avais 4 ans en avril 1986.

Quand la centrale a explosé, je venais juste de sortir de 2 semaines d’hospitalisation pour chute de plaquette.

Nous habitons dans les montagnes près de Grenoble, dans les Alpes.

Mon père, très nature, très champignons, chasse et pêche, a voulu bien prendre soin de moi en me faisant manger à mon retour de l’hopital quantité de gibiers et champignons.

Mes parents ont eu confiance en les autorités françaises, à cause de cela j’ai passé les plus belles années de ma vie hospitalisée.

Dès l’âge de 16 ans on m’a diagnostiqué des nodules sur le lobe gauche de la thyroïde, 2 nodules de quelques millimètres à peine. Les médecins ont dit « ah non ! on n’opère pas pour de si petits nodules ».

En 2005, j’ai 23 ans les médecins font le point sur mes deux nodules, ils font à présent la taille d’une balle de tennis chacun, toujours sur le lobe gauche. Après analyse, ils sont diagnostiqués « nodule toxique », donc pas cancéreux donc pas besoin d’opérer.

J’ai ma fille, je l’allaite, mais au niveau équilibre hormonal, ça ne va pas, on décide donc de m’opérer pour retirer cet énorme nodule toxique après l’allaitement.

Le 25.03.2009, on me fait une thyroïdectomie du lobe gauche : pas manqué il s’agit d’un cancer « c’est rarissime mais ça arrive » me dit-on, et pas n’importe quel cancer, le carcinome papillaire, celui là même que l’on retrouve typiquement chez les trentenaire d’aujourd’hui qui vivaient près de la centrale lors de la catastrophe nucléaire.

Donc totalisation de la thyroïdectomie le 24.06.2009, opération bâclée, vraie boucherie, le chirurgien me sectionne le nerf récurrent côté droit (=> paralysie de l’hémi-larynx droit, fausses routes alimentaire, voie rauque et inaudible, sensation d’étouffement au coucher selon la position), mes glandes parathyroides sont blessées (=> chutes de calcium), et le chirurgien laisse beaucoup de tissus thyroïdien.

Le 13.10.2009 irathérapie à l’iode radioactif. Lors de la scintigraphie préalable au traitement le chef du service de médecine nucléaire me demande « vous n’avez pas été opéré par le même chirurgien les deux fois » ? Officiellement, il s’agit du même chirurgien, officieusement, il faut savoir qu’après la première opération très difficile d’extraction de la tumeur à la fois dure et visqueuse j’ai immédiatement rencontré le chirurgien dès mon réveil, et que pour la deuxième opération qui devait se dérouler très facilement (et qui en fait a été une vraie boucherie) je n’ai jamais vu le chirurgien.
A mon avis l’interne de service a été autorisé à faire sa première opération sur moi, jeune femme de 28 ans mère de famille isolée qui lutte chaque jour pour s’en sortir.

Donc comme vous je ne veux pas que toutes ces souffrances, tous ces handicaps et tous ces sacrifices soient vains.

Comme vous je veux que les responsables soient connus et assument les conséquences de leurs mensonges.

Comme vous, POUR les générations à venir, je souhaite que toute la lumière soit faite sur les VRAIES conséquences d’un accident nucléaire sur la santé.

Que plus personne ne dise jamais « oh mais le cancer de la thyroïde, c’est rien! » parce qu’aujourd’hui à 30 ans, je sais que je suis condamnée à mourir étouffée à cause de la paralysie de mon hémilarynx causé par l’incompétence du chirurgien qui m’a opéré.
Non, une paralysie de l’hémilarynx, ce n’est pas rien. Un cancer de la thyroïde, ce n’est pas rien.

Vous aimerez aussi...