Edito de Paul Giaccobi

La loi doit être la même pour tous.

Lors des grands débats sur l’avenir institutionnel de la Corse, les « orthodoxes », les défenseurs d’une certaine conception rigide de l’unité nationale, nous ont toujours opposé le principe selon lequel en France la loi est la même pour tous.
Outre que ce principe n’a jamais exclu la décentralisation, voire l’autonomie, et ne saurait s’opposer à l’exercice par une région d’une compétence législative, il permet parfois de défendre les intérêts de notre île et de nos concitoyens.
La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 dispose en effet que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ». Lorsque deux personnes sont condamnées à la même peine et sont toutes deux détenues dans une prison à Paris, la peine est plus lourde à tous égards pour celui qui avait sa résidence en Corse que pour celui qui avait sa résidence à Paris.
L’un peut être visité souvent et à peu de frais, tandis que la famille de l’autre se ruine et s’épuise à effectuer des voyages de plus de vingt-quatre heures pour une visite de moins d’une heure.
Si chacun choisit un avocat en qui il a confiance et qui est inscrit à un barreau proche de sa résidence, le coût de la défense du corse sera évidemment beaucoup plus élevé que pour le parisien.
Ce n’est enfin sans doute pas la même chose psychologiquement d’être détenu près de chez soi ou à mille kilomètres.
Voilà plus de dix ans que cette revendication sur le rapprochement des détenus insulaires existe.
Nos prédécesseurs à l’Assemblée de Corse en ont souvent parlé et ont porté cette revendication auprès du gouvernement. Sans succès.
J’ai, quant à moi, souhaité une méthode différente : réunir l’ensemble des sensibilités de l’Assemblée de Corse, demander et obtenir audience pour les représentants de tous les groupes directement auprès du Garde des Sceaux, poser des questions précises et exiger des réponses claires en termes de calendrier et d’engagements pris par le gouvernement, mettre en avant le fait que nous demandons l’application du principe constitutionnel de l’égalité devant la loi et certainement pas une dérogation, encore moins une faveur.
Il était en effet scandaleux que des personnes investies d’autorité puissent dire que tel ou tel détenu corse ne méritait pas, eu égard à la nature ou à la gravité des faits qui lui étaient reprochés et pour lesquels il était condamné, d’être transféré en Corse alors que pour des faits similaires, voire plus graves, on applique quotidiennement sur le continent des mesures de rapprochement.
Cette question n’est pas réglée et il faut se garder d’être excessivement optimiste et de donner des espoirs prématurés à des personnes qui se considèrent victimes d’une injustice dans l’application qui est faite de leur peine.
Cependant, il est désormais très clair que le gouvernement a abandonné l’idée de l’impossibilité de rapprocher les prisonniers corses pour des motifs tenant à la nature des faits pour lesquels ils ont été condamnés.
Il reste qu’il faudra pour régler définitivement la question résoudre des problèmes matériels encore considérables afin de dégager un nombre de places suffisant et que le gouvernement manifeste sur la durée assez de bonne volonté pour que l’on ne voit pas resurgir de nouveaux problèmes.
Cependant, en quelques mois, cette question a avancé bien plus vite que dans les dix années précédentes.
Il a fallu faire preuve de détermination, convaincre à des niveaux très élevés des l’Etat, s’appuyer sur des principes constitutionnels incontestables, et rappeler que désormais grâce à la révision constitutionnelle pour laquelle j’ai voté résolument et qui a été adoptée à une voix au Congrès du Parlement, il est possible de saisir directement le Conseil constitutionnel sur une question de cette nature.
Lors de mes voeux officiels pour l’année 2011, j’ai tenu à évoquer la question des corses qui sont détenus sur le continent et qui souhaitaient à juste titre être transférés dans notre île. Au-delà des bonnes paroles, je me suis attaché à faire que ce voeu commence à être exaucé dès les premiers mois de cette année.

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