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Levothyrox, Baclofène, docétaxel : l’Agence du médicament sur la sellette

      
Éditorial de la 422ème

Nous sommes dans l’irrationnel le plus total » répondait Agnès Buzyn, le mercredi 26 juillet 2017 lors d’une séance extraordinaire à l’Assemblée Nationale, à la question de Frédérique Tuffnell. La député LREM de la deuxième circonscription de Charente-Maritime lui demandait ainsi si l’on pouvait « envisager une autre solution que la menace pénale pour inciter nos concitoyens à faire vacciner leurs enfants » ?

La réponse de la Ministre de la Santé a été lapidaire : « Sans obligation, le taux de couverture baisserait, à cause des réseaux sociaux et de la désinformation. Je souhaite redonner confiance dans les vaccins. L’obligation de vacciner signifie aussi que je prends mes responsabilités, en affirmant devant vous qu’il n’y a pas de toxicité, comme le montrent toutes les études scientifiques. »

Aujourd’hui, c’est le Levothyrox qui déchaîne l’actualité. Interrogée ce matin sur RTL au micro d’Elizabeth Martichoux, Agnès Buzyn est tout aussi lapidaire. « Nous ne pouvons pas dire aujourd’hui [combien de personnes déclarent un effet secondaire]. Si l’on regarde les enquêtes de pharmacovigilance et ce qui nous remonte du terrain nous sommes à 9 000 signalements sur les 3 millions de personnes.

Il n’y a pas de fraude, il n’y a pas de complot, il n’y a pas d’erreur. Il y a eu un problème d’information des malades. L’information n’est pas redescendue et les patients se sont retrouvés surpris d’une formulation qui avait changé et qui pour certain donnait un effet secondaire. Beaucoup de ces effets secondaires sont liés à des difficultés à redoser le Levothyrox mais ils s’estompent quand on arrive à bien doser le traitement (10’19) »

« Tout (ou presque) ne serait donc qu’une affaire d’information et de dosage. En savoir plus quant à l’ampleur réelle du phénomène ? On reste ici dans l’entre-soi. » ironise ce lundi le Dr. Nau sur son blog.

En bref, deux mondes s’opposent : d’un côté, la vertu ministérielle, rationnelle et sans appel; de l’autre, l’hybris, la démesure, des réseaux sociaux, complotistes et insaisissables.  Apollon et Dionysos. Hier, aucune toxicité vaccinale dans les adjuvants. Aujourd’hui, une simple affaire de dosage à cause des excipients.

Toutefois, dans l’hystérie collective, d’aucuns commencent à sérieusement pointer du doigt la dangereuse inertie de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Déjà en 2015, un rapport de l’IGAS avait alerté sur les « difficultés » rencontrées par l’Agence pour « assurer ses missions » (p.16-sq). La Cour des Comptes l’année dernière, quant à elle, avait mis en lumière des « anomalies » dans « l’analyse des liens d’intérêts et des modes de gestion des conflits d’intérêts » de l’Agence (p.40).

Avec le Lévothyrox, l’ANSM récidive. Ce n’est pas la première fois que l’Agence s’illustre par son incurie. En février dernier, l’Agence française avait été prise dans un imbroglio avec l’Agence Européenne du Médicament au sujet du docétaxel, un traitement prescrit pour les cancers du sein. Anne Jouan dans Le Figaro revient sur cette affaire en détail.

Le 24 juillet dernier, s’abritant derrière une étude (intéressante mais incomplète) de l’Assurance maladie et de  l’INSERM qui montre une augmentation de mortalité des patients sous Baclofène (une molécule contre l’addiction à l’alcool), l’Agence décide de réduire les prescriptions de Baclofène de 300 à 80 mg/jour ! Ce qui n’avait pas manqué de susciter une vive polémique auprès des médecins et des addictologues. Et de déboussoler des patients perdus.

D’autres temporisent voire minimisent. Au micro d’Europe1, le Dr Gérald Kierzek nuance : « Avec une polémique comme cela, il y a un effet qui n’est pas l’effet placebo, mais l’effet nocebo. Par exemple, lorsque l’on ressent des symptômes après avoir lu une notice (…). Les études de pharmacologie sont en cours et, pour l’instant, rien n’est prouvé« .

Passez votre chemin.

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