La colère suscitée en France autour d’un médicament soignant la thyroïde, accusé de graves effets secondaires, a contraint le gouvernement à promettre la remise prochaine sur le marché de l’ancienne formule de ce traitement pris par trois millions de Français.

Crampes, maux de tête, vertiges, perte de cheveux: les témoignages sur les effets indésirables de la nouvelle formule du Levothyrox, mise sur le marché fin mars, se sont multipliés ces dernières semaines au point de devenir un enjeu sanitaire majeur pour le gouvernement d’Emmanuel Macron.

D’abord accusé d’«indifférence coupable», le gouvernement a annoncé vendredi le retour de l’ancienne formule du médicament, une annonce confirmée par le laboratoire pharmaceutique allemand Merck Serono.

Parallèlement, la justice a ouvert une enquête pour enquêter après les plaintes de malades utilisant ce médicament pour soigner l’hypothyroïdie ou après une opération de cancer de la thyroïde, et victimes d’effets secondaires.

«Il faut que la vérité éclate, et que toutes les responsabilités pénales puissent être envisagées. Seule une enquête judiciaire le permettra», s’est félicité auprès de l’AFP Me David-Olivier Kaminski, qui a déjà déposé 12 plaintes au nom d’utilisatrices de Levothyrox, et en prépare «plusieurs dizaines» d’autres.

L’une de ses consœurs, Me Marie-Odile Bertella-Geffroy, conseil de l’Association française des malades de la thyroïde, a déposé de son côté 51 plaintes.

Parmi les infractions visées par ces plaintes, la «mise en danger de la vie d’autrui» et la «tromperie» ou encore la «non-assistance à personne en danger».

– ‘Vertiges,crampes, fatigue’ –

Premier marché mondial, la France, secouée ces dernières années par plusieurs scandales sanitaires comme celui du Mediator, est aussi le premier pays où la nouvelle formule a été introduite.

Selon le laboratoire Merck, des procédures d’homologation sont en cours dans d’autres pays européens. L’Agence française du médicament avait réclamé cette nouvelle formule à Merck dès 2012 afin de rendre le produit «plus stable».

Merck assure que le changement de formule ne concerne pas le principe actif (la lévothyroxine, une hormone de substitution) mais porte sur des substances, appelées «excipients», qui lui sont associées, comme par exemple le lactose qui a été remplacé par le mannitol, très courant dans l’alimentation et d’autres médicaments.

Sur les trois millions de patients prenant ce médicament en France, plus de 9.000 personnes ont signalé des effets indésirables.

Une des plaignantes, Anne-Catherine Colin-Chauley, 58 ans, dit souffrir depuis mai de «vertiges, crampes, fatigue»: «Je me bourre de cachets pour être en forme, je ne suis vraiment pas bien», a-t-elle raconté début septembre à l’AFP.

Une large partie des effets indésirables seraient liée à «des difficultés» à doser la nouvelle formule du Levothyrox, avait assuré lundi la ministre de la Santé Agnès Buzyn.

Elle a annoncé vendredi avoir «fait en sorte (…) que l’ancien Levothyrox soit accessible de façon à ce que ceux qui le réclament puissent le prendre», d’ici 15 jours. Des alternatives seront par ailleurs disponibles «dans un mois» et les patients pourront ainsi choisir ce «qui leur convient le mieux», a-t-elle ajouté.

La comédienne Anny Duperey, qui fait partie des patients ayant porté plainte, a «remercié» la ministre pour sa décision.

«Au lieu de nier ou démentir en bloc, elle a admis qu’elle ne savait pas pourquoi il y a avait ces effets et a ordonné une enquête poussée», a réagi Anny Duperey. «Nous demandons toujours d’avoir le choix entre l’ancienne et la nouvelle formule, et pas seulement pour une période temporaire», a-t-elle toutefois ajouté.

«C’est un premier pas», a réagi auprès de l’AFP Chantal L’Hoir, présidente de l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT), qui «reçoit en moyenne 1.000 dossiers de plaignants par jour».

Mais le retour à l’ancienne formule ne pourra se faire «que sur prescription médicale» et «il faut que tous les patients qui vont bien avec la nouvelle formulation y restent», a précisé vendredi à l’AFP Thierry Hulot, le patron des activités biopharmaceutiques de Merck Serono en France.