Levothyrox: Pourquoi l’affaire n’en est qu’à son début?

SANTE Cent huit plaintes ont été déposées ce mercredi au tribunal d’instance de Lyon. Pour les avocats des plaignants, la procédure ne fait que commencer…

Caroline Girardon

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Christophe Leguevaques, avocat toulousain, est le porte-parole des patients ayant souffert des effets indésirables de la nouvelle formule du Levothyrox. JEAN-PHILIPPE KSIAZEK/ AF

Christophe Leguevaques, avocat toulousain, est le porte-parole des patients ayant souffert des effets indésirables de la nouvelle formule du Levothyrox. JEAN-PHILIPPE KSIAZEK/ AF — AFP
  • Cent huit plaintes ont été déposées ce mercredi au tribunal d’instance de Lyon. Pour les avocats des plaignants, la procédure ne fait que commencer.
  • Près de 5.000 dossiers ont été déjà été enregistrés et vont être examinés dans les semaines à venir par les avocats.
  • Un chiffre qui pourrait gonfler rapidement puisque 15.000 personnes ont signalé des effets indésirables sur le site du ministre de la Santé.

Un premier acte. Mercredi matin, l’avocat toulousain Christophe Lèguevaques est venu à Lyon, déposer auprès du tribunal d’instance, 108 premières assignationscontre les Laboratoires Merck.

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Porte-parole des patients impactés par le changement de formule du Levothyrox, il affirme que le combat ne fait que commencer et prédit une ampleur sans précédent.

Combien de personnes sont impactées ? Selon les chiffres publiés par les laboratoires, 2,6 millions de personnes prennent du Levothyrox chaque jour en France. Il était prévu que la modification de la formule du médicament déclenche inéluctablement des effets indésirables chez 3 à 7 % des malades. Ce qui pourrait concerner entre 130.000 et 180.000 personnes.

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« Aujourd’hui, nous avons déposé 108 plaintes mais 1.200 personnes nous ont déjà envoyé leur dossier. C’est loin d’être terminé », précise l’avocat lyonnais Franck Peyron, référent du dossier entre Rhône et Saône. « A ce jour, 4.558 demandes ont été enregistrées sur la, dévoile Christophe Lèguevaques à l’origine de l’action collective et conjointe. Soit autant de plaintes potentielles. Ce chiffre serait lui-même assez peu révélateur du nombre de patients concernés puisque « 15.000 notifications de personnes qui ont signalé des effets indésirables, ont été postées sur le site du ministre de la Santé », souligne-t-il.

Combien de temps peut durer la procédure ? Si les avocats ne répondent pas précisément à cette question, ils prédisent une ampleur encore inédite. « Le tribunal d’instance de Lyon traite 7.000 dossiers par an. Nous allons déposer encore 4.000 plaintes. C’est au moins une année d’activité à temps plein pour le tribunal », avance Franck Peyron.

Pourquoi les plaintes ont été déposées au tribunal d’instance et non au TGI ?« Pour gagner du temps », répond Christophe Lèguevaques. Et d’ajouter : « On a volontairement basé notre stratégie sur le préjudice moral afin d’obtenir une indemnisation rapide ». Car le préjudice moral n’exige pas que les dossiers soient examinés par un expert, contrairement au préjudice corporel.

« Il n’y aura jamais assez d’experts en France pour analyser 15.000 dossiers au cas par cas », poursuit l’avocat, rappelant que l’examen de 145 cas dans l’affaire des irradiés de Toulouse (patients traités pour des tumeurs cérébrales qui avaient été soumis à des surdoses de radiations à l’hôpital Rangueil), avait nécessité deux années de travail.

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« On ne demande pas réparation pour les effets secondaires qu’ont eu les patients mais on réclame une indemnisation pour le fait qu’ils n’aient pas été informés des risques encourus et de la nouvelle composition du médicament Et que cela a généré chez eux beaucoup d’angoisse », résume l’homme de loi.

Pourquoi les avocats sont confiants ? Selon eux, Merck, seul laboratoire français à fabriquer le Levothyrox en France, dont le siège est basé à Lyon, a fait preuve d’ « un triple manquement à son obligation d’information ». Ils estiment que la notice placée à l’intérieur des boîtes de médicaments est « incomplète » par rapport aux notices étrangères. « Tous les effets indésirables et symptômes ne sont pas mentionnés », expliquent-ils.

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Autre argument : « Ils savaient que le changement de formule allait entraîner des effets indésirables chez 3 à 7 % des patients. Des rapports ont été publiés dans de nombreux pays sur le sujet », affirme Christophe Lèguevaques.

« Ils avaient la responsabilité de prévenir chaque malade. La loi française l’impose. Par ailleurs, cela a été fait en Belgique », où une notification avait été ajoutée dans chaque boîte de médicaments, afin de prévenir les patients des possibles effets indésirables et les inviter à se rapprocher de leurs médecins en cas d’apparitions des symptômes. En France, certains malades ont attendu presque six mois pour comprendre d’où venaient leurs malaises, les médecins n’étaient pas tous eux-mêmes informés.

Qu’aurait dû faire le laboratoire Merck ? Merck avait « une obligation de suivi pharmacovigilance ». En d’autres termes, le géant pharmaceutique aurait dû surveiller les réseaux sociaux et les articles de presse pour vérifier que des effets secondaires ne s’étaient pas produits chez les patients.

« Qu’ils l’apprennent de n’importe quelle source d’information, ils auraient dû s’en soucier », martèle Christophe Lèguevaques, texte de loi en main. Et de rappeler qu’une pétition pour demander le retour de l’ancien médicament avait été mise en ligne au mois de juin. « Plus de 300.000 personnes l’ont signée mais Merck a retiré son médicament quatre mois après, en octobre seulement… », conclut l’avocat.

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