Une Havraise au cœur du procès du Lévothyrox

Christophe FREBOU

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Publié 25/12/2017 22:59

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Mise à jour 26/12/2017 09:19

Santé. Une Havraise, traitée au Lévothyrox, témoigne du combat juridique qu’elle s’apprête à mener après avoir dû faire face au mur du silence.

«J’ai toujours tricoté, c’est ma passion. Notamment pour les prématurés. Au bout de deux lignes, je ne peux plus. Et marcher me donne des crampes. Heureusement, il me reste toute ma tête. Même si, niant l’évidence, certains ont voulu me faire croire le contraire. »

À 75 ans, Monique mène l’un des derniers combats d’une vie déjà très marquée par les épreuves (décès de deux enfants puis veuve). Malade de la thyroïde, la Havraise se fait prescrire depuis une trentaine d’années du Lévothyrox, produit par le laboratoire Merck. Les médicaments à base de lévothyroxine sodique sont indiqués pour traiter les hypothyroïdies (insuffisance de sécrétion de la glande thyroïde ou absence de celle-ci) ou les situations où il est nécessaire de freiner la sécrétion d’une hormone stimulant la thyroïde, appelée TSH (thyroid stimulating hormone). Afin de garantir une stabilité plus importante de la teneur en substance active (lévothyroxine) tout le long de la durée de conservation du médicament, le laboratoire Merck a réalisé, à la demande de l’Agence nationale de sécurité du médicament, une modification de la formule du Lévothyrox, mise à disposition dans les pharmacies en mars 2017.

« On nous a pris pour des vieillards séniles »

« Les premiers malaises sont apparus, ainsi que les maux de tête, les troubles de la vue, le manque de sommeil. J’ai d’abord cru à un problème de diabète avant de me rendre à l’évidence. Ce changement de formule en était l’origine. » Comme bon nombre de malades, elle ne peut prendre de médicament générique de substitution. D’autant qu’elle souffre d’une maladie génétique, la porphyrie, lui interdisant l’accès à près de 280 médicaments. « Depuis plusieurs mois, je m’empoisonne mais je n’ai pas le choix. C’est forcément révoltant. » D’autant que la septuagénaire, ancienne gardienne du Petit Théâtre, a d’abord eu l’impression de hurler dans le désert. « On nous a pris pour des vieillards séniles qui n’allaient pas se défendre. La seule solution, c’était de se débrouiller seule et d’acheter des boîtes d’ancienne formule à l’étranger vu le peu qui ont pu être réimportées en France. Hors de question ! On se croirait pendant la guerre à alimenter le marché noir. Pour autant, il fut d’abord impossible d’avoir le soutien des pharmaciens qui disaient ne pas savoir, des médecins, ni même de la justice. Je n’ai même pas pu déposer plainte au commissariat. »

Depuis les choses ont évolué. Monique a obtenu d’un généraliste du Havre un certificat reconnaissant qu’elle souffrait de multiples troubles depuis la modification de formule. Elle a pu être entendue auprès du bureau d’aide aux victimes avant d’adhérer à l’Association française des malades de la thyroïde. L’AFMT a déposé plainte en septembre dernier. « Que la ministre, Agnès Buzyn, prenne ses responsabilités afin que Merck remette en vente l’ancienne formule. Elle ne peut pas se défausser en répondant qu’elle n’était pas en place (c’était alors Marisol Touraine) quand l’ANSM a pris cette décision. Mon père m’a toujours dit que jusqu’à ma mort je devrais apprendre à conjuguer le verbe assumer à tous les temps. » Et c’est ce que fait Monique.

Un procès en octobre prochain

Trois millions de patients prennent du Lévothyrox.
Selon le laboratoire, les effets imputés concerneraient 22 000 à 25 000 personnes.
100 000 boîtes de l’ancienne formule ont été remises sur le marché.
Le procès du laboratoire Merck se tiendra le 1er octobre 2018 à Lyon. 108 dossiers ont été déposés pour une action collective. Une enquête pénale est instruite par le pôle santé du tribunal correctionnel de Marseille. Là aussi des plaintes ont été déposées.
Contacté, le commissariat central du Havre nous informe que depuis quelques semaines, il est désormais possible de déposer plainte individuellement.
Christophe FREBOU

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