Réponse de médecins au chef du cabinet de l’Elysée……

Monsieur François Xavier LAUCH Chef de Cabinet,

Ayant pris connaissance de la réponse que vous avez signée le 15 décembre à la lettre adressée à Monsieur le Président de la République par le Docteur Catherine Noël, nous souhaitons vous exprimer notre étonnement  concernant certains des éléments  que vous avez avancés, d’autant plus qu’ils le sont au nom du Président de la République.

– En tout premier lieu, sur l’évaluation que vous indiquez de la proportion des patients prenant du Levothyrox nouvelle formule qui souffriraient d’effets secondaires, et qui se limiterait à « une infime minorité, moins de 1% ». Ce chiffre ne rend compte en réalité  que du nombre de signalements pris en considération par la base de données de pharmacovigilance de l’ANSM. Il ne tient pas compte de plusieurs éléments :

– d’une part les cas transmis par internet et non pris en compte par le portail national de vigilance parce que les dossiers sont considérés comme incomplets (par exemple absence du numéro de lot du médicament),

– d’autre part les cas en attente d’exploitation dans les Centres Régionaux de Pharmacovigilance (CRPV) qui, débordés par un afflux sans précédent de signalements ont été obligés de recruter des contractuels pour faire face.

 

Mais surtout cette estimation inadaptée de 1% ne tient pas compte de la sous déclaration classique, bien connue des professionnels de pharmacovigilance, en rapport avec l’ignorance ou l’incapacité des patients d’une part, le manque de disponibilité de médecins généralistes ou spécialistes d’autre part. De plus, des effets secondaires tels qu’une altération de l’état général, fatigabilité, troubles de l’humeur ne sont que très rarement déclarés ; symptomatologie très fréquente dans le cas présent.

Lorsque au cours des réunions d’information organisées par des associations pour les victimes, est posée la question de savoir combien de personnes n’ont pas transmis un signalement, c’est aujourd’hui encore une majorité de bras qui se lèvent. L’Assurance maladie, par sondage sur la base du Sniram, pourrait très facilement évaluer cette proportion.

 

Aussi, quand vous poursuivez par : « Celle –ci convient donc à la très grande majorité des patients », cette affirmation  nous semble très discutable et nous la contestons. Il nous semble par ailleurs que ce n’est pas le bon angle pour aborder le problème : nous nous permettons de vous rappeler quelle était la situation antérieure à ce changement thérapeutique : Le Lévothyrox ancienne formule, médicament très efficace, d’une tolérance remarquable, très bon marché, qui avait fait ses preuves depuis plus de 30 ans. Le nombre de signalements le concernant n’était que d’une poignée par an !

 

Il s’agit donc de savoir si ce nouveau Lévothyrox est supérieur au précédent, en particulier en terme de rapport bénéfice/risque et nous avons la conviction que ce rapport bénéfice/risque est très nettement défavorable. Rappelons que la HAS avait jugé le 22 mars 2017 « sans amélioration du SMR » la nouvelle formulation, c’est-à-dire sans intérêt de santé publique.

 

-De même  nous nous étonnons de l’affirmation de l’ANSM concluant à « l’absence de problème de santé publique ». Comment alors qualifier le fait que des dizaines de milliers de patients parmi nos compatriotes sont à la recherche, parfois à l’étranger, d’une formulation de thyroxine ? Que beaucoup aient à subir des effets invalidants et subissent des dommages graves dans leur vie professionnelle ou sociale ? Que tant de consultations et d’investigations aient été réalisées en pure perte à la recherche de la cause de leurs symptômes, occasionnant des coûts notables pour la Sécurité Sociale ?

 

– Vous affirmez également que les effets indésirables sont « transitoires », et ne nécessitent qu’une « adaptation du dosage ou un temps de stabilisation ». Mais comment peut-il en être ainsi quand le rapport d’étape du CRPV de Rennes a indiqué que dans 40% des cas, les effets indésirables graves se produisent avec dosage TSH dans les normes ? Quel recours d’adaptation le médecin traitant peut-il avoir concernant la  posologie prescrite, alors que les patients courent encore de pharmacie en pharmacie pour trouver un produit substitutif ?

 

Ce même rapport de Rennes demandait de plus la constitution d’un groupe de travail scientifique pour comprendre les causes des troubles très divers créés par la nouvelle formule : n’y a t il pas un « problème de santé publique » lorsqu’un médicament imposé en monopole à des millions de patients suscite des interrogations sur des « inconnues scientifiques » ? N’est-il pas pour le moins hasardeux d’écrire dans ces conditions : « Le seul danger pour la santé serait que les patients sous thyroxine modifient eux-mêmes leur traitement ou le suspendent »

Le lundi 19 août 2013, à l’occasion d’une rupture de stock de Levothyrox, l’Académie de médecine publiait un communiqué attirant l’attention, à propos de la substitution, sur « les conséquences graves, notamment chez les femmes enceintes hypothyroïdiennes, les patients souffrant de cancer thyroïdien ou de maladie cardiaque… ». Quelles ont été les mesures  de précaution prises en 2017 concernant ces patients ? Un suivi des enfants à naître ayant subi in utero le changement de formule est-il organisé ? De même pour les patients cancéreux ?

 

– Nous approuvons la décision de  Madame la Ministre A. Buzyn de rompre le monopole qui existait sur le marché français  pour la thyroxine en comprimés. Mais nous soulignons la réalité des difficultés que rencontrent les patients pour trouver en officine, en janvier 2018 encore, les produits substitutifs prescrits par leur médecin.

 

Nous regrettons que les autorités sanitaires persistent à nier le problème de santé publique créé par la décision irréfléchie  d’imposer en situation de monopole une nouvelle formulation de thyroxine en comprimés, ainsi que l’ampleur des conséquences sanitaires, sociales et budgétaires engendrées, alors que l’ANSM cache toujours l’étude de pharmacovigilance de 2012 sur laquelle serait fondé le changement.

 

 

Nous souhaitons la réussite de la mission « information et médicament » pour que soit enfin reconnue l’importance du patient comme « acteur de sa propre santé », et que soit restaurée la confiance des assurés sociaux dans leur système de sécurité sanitaire. Mais nous pensons qu’il s’agit aussi d’un problème lié au « switch-kamikaze » décidé par l’ANSM en mars dernier. Quant  à la disparition « définitive et programmée » de l’ancienne formule du Levothyrox, elle nous parait correspondre à la stratégie mondiale du laboratoire Merck après ses investissements en Chine et son intérêt à éviter l’excipient « lactose » auquel sont intolérants 90% des asiatiques.

 

Espérant que nos observations soient prises en considération par Monsieur le Président de la République, nous vous prions d’agréer, Monsieur le chef de Cabinet, l’expression de toute notre considération.

 

 

Docteur Catherine NOËL                                      Docteur Gérard BAPT

Docteur Jacques GUILLET                                    Docteur  M.H. LEMOIN

Docteur Sylvie DEVRIERE                                    Docteur Nicolas BOUVIER        

 

 

 

 

 

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