Lévothyrox : une histoire française

Le deuxième rapport du Centre Régional de Pharmacovigilance de Rennes (CRPV) confirme les données du précédent : les effets indésirables qui ont handicapé plus ou moins gravement des dizaines de milliers de patients à l’occasion du transfert périlleux, ont déclenché une crise sanitaire bien réelle et durable. Ainsi sont renvoyés à leurs études les leaders d’opinion qui ont tenté, avec leur effet « nocebo » de créer un rideau de fumée pour exonérer le laboratoire et l’ANSM de leur imprudence – et sans doute de leurs responsabilités devant la justice

Mais le rapport de Rennes ne répond pas à la question de base : pourquoi le changement de formulation ? Chercher à répondre permet de dénoncer deux affirmations présentées comme des données acquises :

La première selon laquelle le laboratoire MERCK aurait répondu à la demande de l’agence du médicament formulée en 2012. Mais en réalité MERCK s’était engagé début 2011 dans le processus d’élaboration de la nouvelle formulation ; c’est-à-dire en même temps qu’était engagé le projet de l’usine de production en Chine pour le marché des patients asiatiques particulièrement intolérants au lactose, excipient du Lévothyrox historique (AF)… Sans doute est-ce la demande de 2012 qui a permis que soit en France seule introduite – et expérimentée ? – la nouvelle formule…

La seconde serait la pérennité insuffisante du Lévothyrox AF justifiant le transfert vers une formulation « de meilleure qualité » … Mais l’étude de bioéquivalence réalisée par MERCK montre qu’avec les comprimés de Lévothyrox AF conservés 18 mois, la bioéquivalence est parfaite entre les deux formulations : la pérennité à 18 mois est donc équivalente. Il s’agit de la périodeen outre retenue pour la durée de péremption de la nouvelle formule ! Il eut suffi de raccourcir la durée de l’ancienne*

Ainsi sont remises en questions les deux affirmations justifiant le transfert au prétexte d’amélioration. Mais les conditions elles-mêmes de la décision de transfert, avec retrait de l’AMM du Lévothyrox AF, posent également problème. Au-delà des carences d’information des acteurs de santé et des patients il n’existe aucun compte-rendu de réunion qu’aurait provoquée l’agence : pas de réunion du groupe de travail interne«endocrinologie », pas plus qu’avec société savante ou association de patients… Alors que la Commission de transparence de la HAS concluait en mars 2017 à « l’absence d’amélioration du service médical rendu (ASMR) » pour la nouvelle formule, il apparait que la Direction Générale de L’ANSM a été seule décisionnaire, dans un splendide isolement !

Cette nouvelle « histoire française », dans la longue suite des crises ayant affecté nos institutions de sécurité du médicament,est à nouveau considérée avec stupeur par nos partenaires européens. Elle ne contribuera pas à restaurer la confiance, ni à illustrer la pertinence de l’exigence de transparence et de démocratie sanitaire.

*étude de bioéquivalence, POC4.

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