Crise du Levothyrox : l’échec des réformes post-Mediator

Crise du Levothyrox : l’échec des réformes post-Mediator

Gérard Bapt

Docteur, Député Honoraire

Les développements récents concernant « l’affaire Levothyrox » réduisent à néant les dénis initiaux agitant « l’effet nocebo » ou la crise médiatique…Ce sont plus d’un demi-million de patients qui avaient abandonné le Levothyrox au 31 décembre(1)…Nous sommes bien loin des « 0,75% » des patients ayant formulé un signalement documenté d’effets indésirables (EI) au 30 novembre dernier !

Des informations révélées par le journalisme d’investigation ont fait prendre une dimension nouvelle à la crise sanitaire, qui voit toujours des dizaines de milliers de patients aller se fournir à l’étranger en Levothyrox ancienne formule (AF). Les circonstances de la demande de changement de formulation adressée en février 2012 par l’AFSSAPS au laboratoire Merck restent obscures. L’étude de pharmacovigilance de 2012, censée fonder cette demande, reste cachée. Mais elle concernait les EI signalés après le switch vers deux génériques, et pas la qualité du Levothyrox. Il est par ailleurs avéré que le laboratoire avait commencé à travailler sur la nouvelle formulation dès 2011. Un contexte de conflit d’intérêt ne contribue pas à éclaircir l’épisode(2) !

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Il est clair désormais que ce sont des centaines de milliers de patients qui ont souffert du transfert réalisé en catimini, du Levothyrox AF vers son « générique-like » NF. Les deux rapports du CRPV de Rennes ont indiqué que dans deux tiers des cas, la TSH était dans les normes : donnée renvoyant à « l’inconnue scientifique » évoquée par la ministre, et motivant la demande réitérée par le CRPV de Rennes de mise en place d’un comité scientifique indépendant pour faire la lumière. Mais cette demande se heurte à une volonté institutionnelle manifeste de maintenir l’opacité sur la genèse de la crise. Le ministère n’a pas lancé de mission IGAS – qui a été si utile pour le Médiator. L’ANSM, juge et partie, refuse la mise en place d’un comité scientifique temporaire, comme c’est le cas pour d’autres crises – biotrial – baclofène.

Enfin l’information révélée par le site d’investigation « Les Jours » concernant une réunion tenue à l’agence le 10 juillet 2015 est consternante. Réunissant la Direction de l’ANSM et des dirigeants de Merck avait été envisagée la nécessité d’organiser des « adaptations » pour les populations à risque : cancéreux, cardiaques, femmes enceintes…Mais en mars 2017, c’est sans précaution pour les populations à risque que le transfert généralisé obligatoire a été décidé, avec information minimale…Des risques sanitaires graves, bien identifiés depuis des années, ont été pris en toute connaissance de cause, et sciemment assumés. A ce transfert périlleux a fait suite l’absence de réaction devant la montée rapide des signalements en pharmacovigilance et les alertes des associations, jusqu’à l’alerte lancée par la presse en août.

Une instruction judiciaire a été lancée par le TGI de Marseille après le dépôt de milliers de plaintes de victimes. Au vu de l’enchaînement des faits il est loisible de prévoir que des suites judiciaires sont à venir. Les révélations du journalisme d’investigation ont transformé la crise du Levothyrox en véritable scandale sanitaire, dont les dommages sanitaires et sociaux, y compris vitaux seront évalués par les expertises médico-judiciaires. Mais sans attendre, il serait urgent que le gouvernement assure la transparence qui fut un des moteurs des réformes des institutions de sécurité sanitaire qui ont suivi le scandale du Mediator : aujourd’hui ces réformes sont en échec !

(1) Ameli.fr

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