Malgré l’étape réglementaire des tests sur des animaux, les effets secondaires de médicaments sont la quatrième cause de mortalité humaine. Quand il faut évaluer la toxicité des médicaments, les humains ne sont pas des rats de 70 kilos ! Il est temps de dépasser le paradigme actuel d’évaluation de la toxicité des médicaments. La première étape serait de supprimer les exigences réglementaires pour des tests sur des animaux et remplacer ces tests par des méthodes scientifiques du 21ème siècle.

tests sur des animaux : nous ne sommes pas des rats de 70kg !Il faut environ 12 ans et 500 millions d’euros pour mettre un nouveau médicament sur le marché, depuis sa découverte jusqu‘à  sa vente. Les essais sur l’homme (dits “essais cliniques”) sont de loin l‘étape la plus coûteuse, comptant pour 80% du coût total, tandis que les essais sur des animaux comptent pour environ 1% du total. Sur 100 composés nouveaux qui semblent prometteurs au laboratoire, un seul arrivera aux essais cliniques. Et sur 10 composés qui subissent les premiers essais cliniques, un seul passera avec succès tous les tests et obtiendra son autorisation de mise sur le marché (AMM). Ceci représente un taux de succès d’environ… 0,1% !

RÉGLEMENTATION OBSOLÈTE

Idéalement, les éventuels effets toxiques des candidats médicaments devraient être découverts le plus tôt possible afin de ne pas obliger l’industriel a retirer une substance au cours des essais cliniques de phase 2 ou 3 car, à  ce stade, le développement du médicament a déjà coûté très cher. Toutefois, une limite majeure de cette majeure de cette stratégie est l’utilisation d’animaux et les différences entre espèces, ce qui mène à l‘échec dans la prédiction de la réponse humaine.

Le développement de médicaments implique bien plus que des tests sur des animaux. Par exemple, on étudie les propriétés chimiques des substances, comme la solubilité ou la stabilité. Leurs caractéristiques moléculaires peuvent aussi être étudiées sur des cellules en culture (in vitro). Finalement, leur toxicité sera évaluée sur deux espèces animales : un rongeur (généralement le rat) et un non rongeur (généralement le chien). Ces tests visent à déterminer la dose létale minimale du médicament expérimental. Si de grandes quantités de substance sont requises pour provoquer des symptômes d’empoisonnement, le profil de sûreté du produit sera probablement considéré comme acceptable. Toutes les données obtenues en laboratoire (sur les animaux et in vitro) seront alors soumises aux autorités de réglementation pour approbation.

Les autorités de réglementation, telles la Food and Drug Administration (FDA) aux Etats-Unis et l’Agence européenne du médicament (EMA) exigent que les firmes pharmaceutiques fournissent des données montrant que les médicaments sont sûrs et efficaces. Mais comment sont obtenues ces données est largement laissé au choix de l’industrie. Toutefois, le cadre réglementaire encourage la soumission de données desquelles les autorités sont familières. Ainsi, les tests de routine sur des animaux sont plus facilement acceptés que des données obtenues par des méthodes modernes sans recours aux animaux, car les autorités ont moins l’habitude de traiter ces dernières. Ceci a créé une situation aberrante où les données issues de tests sur des animaux sont exigées par la réglementation alors que les données obtenues en utilisant des cellules humaines ne sont que facultatives.

MODÈLES VARIABLES

Revenons sur l’exigence réglementaire faite aux firmes pharmaceutiques de fournir des données de toxicité pour un rongeur et un non rongeur. Si les deux espèces tolèrent bien le nouveau médicament, ces données sont soumises à  l’autorité de réglementation en vue d’obtenir la permission de procéder aux premiers essais sur l’homme. Ces premiers essais sont dits de “phase 1” et sont faits sur des volontaires sains. Toutefois, si une seule des deux espèces animales tolère bien le médicament, la firme qui effectue les tests est autorisée, en fait, obligée à  trouver une autre espèce animale de sorte que les données obtenues sur le rongeur et celles obtenues sur le non rongeur concordent et respectent les critères de “sûreté” des médicaments. Ainsi, des souris peuvent remplacer des rats, ou bien, des singes être utilisés à  la place des chiens. Les autorités de réglementation font confiance aux firmes pour choisir le “modèle animal” le plus “approprié” pour tester leur candidat médicament.

Une fois complétée l‘étude de phase 1, des données humaines sont disponibles. Pour la première fois, le fabricant du médicament peut comparer les données de toxicité sur l’homme et sur des animaux et voir si elles concordent. Si oui, les mêmes espèces animales seront choisies pour les études de toxicité chronique (jusqu‘à  90 jours chez le rat et un an chez le chien). Mais si les données ne concordent pas, le fabricant devra rechercher une autre espèce animale et sélectionner celle dont la réaction est la plus semblable à  la réaction humaine.

Si les autorités de réglementation acceptent les données animales, la deuxième phase des essais sur l’homme pourra commencer. Si tout va bien, le médicament recevra sonAMM à  la fin des essais sur l’homme. Si le médicament est susceptible d‘être prescrit à  des femmes en âge de procréer, de nouveaux tests sur les animaux (ratte ou lapine gestante) seront exigés. Si le médicament peut traverser le placenta, il sera considéré dangereux de le prescrire à  une femme enceinte.

SÛRETÉ ALÉATOIRE

Si cette stratégie de tests ressemble plus à  une série d’essais et erreurs qu‘à  de la science… c’est parce que c’est exactement cela ! Malgré tous les tests requis sur des animaux, les effets secondaires de médicaments sont la quatrième cause de mortalité (après les maladies cardiovasculaires, le cancer et les attaques cérébrales). La principale cause de retrait du marché de médicaments est la toxicité hépatique, une donnée que les tests sur des animaux révèlent rarement.

Cette situation n’est pas meilleure pour évaluer les possibles effets sur le foetus humain. Les exigences réglementaires sont les mêmes aujourd’hui que dans les années 1960, lors de la tragédie de la thalidomide. Si nous voyons moins de médicaments provoquer des malformations foetales, ce n’est pas grâce aux tests sur des animaux, mais tout simplement parce que les médecins hésitent davantage à  prescrire quelque médicament que ce soit aux femmes enceintes. La réglementation actuelle ne protège pas mieux qu’il y a cinquante ans les bébés à naître.

Quand il faut évaluer la toxicité des médicaments, les humains ne sont pas des rats de 70 kilos ! Il est temps de dépasser le paradigme actuel d‘évaluation de la toxicité des médicaments. La première étape serait de supprimer les exigences réglementaires pour des tests sur des animaux et remplacer ces tests par des méthodes scientifiques du 21ème siècle.