C’est l’un des très rares patrons auxquels le magazine « Time » a consacré sa couverture. En août 1952, le portrait de George W. Merck est accompagné de la devise de l’entreprise qui porte son nom : « La médecine est au service des hommes, non du profit. » Si la revendication philanthropique est sincère, George W. Merck n’en a pas moins un formidable talent pour accumuler les bénéfices.

Morphine et cocaïne

Trois siècles plus tôt, en 1668, l’Allemand Friedrich Jacob Merck acquiert une officine pharmaceutique à Darmstadt. Sous l’impulsion de l’un de ses descendants, Heinrich Emanuel Merck, la firme familiale passe dès 1827 au stade de la fabrication industrielle. Ses produits vedettes sont la morphine, la codéine et la cocaïne, dont Merck a mesuré le potentiel médical et… commercial. Grâce à un usage inédit de la publicité, il exporte jusqu’aux Etats-Unis et y ouvre même une succursale. George Merck, petit-fils de Heinrich Emanuel, prend en 1891 les rênes de Merck & Co outre-Atlantique. En 1903, il ouvre une usine dans le New Jersey. L’affaire prospère et compte plus de 1.000 employés, mais au début de la Première Guerre mondiale, la famille allemande est contrainte de vendre ses parts. Habilement, George parvient à les racheter, aux enchères, en 1919. Mais il souffre de problèmes de santé et confie bientôt la direction de la firme à son fils de 31 ans, George W.

Diplômé de Harvard, ce dernier fait vite des étincelles. Son premier exploit est le rachat, deux ans après son arrivée, d’un de ses principaux concurrents, Powers-Weightman-Rosengarten. Cette fusion fait plus que doubler le chiffre d’affaires. Merck comprend alors que l’avenir des firmes pharmaceutiques ne peut plus dépendre seulement des découvertes des chercheurs universitaires et qu’il faut internaliser la R & D afin de créer un « pipeline de nouveaux produits ». En 1933, il inaugure un labo rassemblant la crème des chimistes et biologistes américains, dont de futurs Prix Nobel.

Numéro 2 mondial

Dès lors, le groupe Merck consacre à la recherche plus de 5% de son chiffre d’affaires – du jamais vu – et se trouve à l’origine de grandes avancées scientifiques : découverte et industrialisation de la vitamine B12, de la pénicilline G, de la cortisone… Quant à la streptomycine, elle contribue à éradiquer la tuberculose dans le monde développé. Compte tenu de son importance, et fidèle à sa devise, George W. en rend public le brevet. Lorsqu’il part à la retraite, en 1950, la firme emploie 2.000 chercheurs et Merck est devenu le deuxième groupe pharmaceutique mondial. Plus des trois quarts de son portefeuille de médicaments n’existaient pas un quart de siècle auparavant, lorsque George W. en prit la tête. Et tous ses concurrents l’ont imité en misant sur la R & D.

LES LEÇONS DE SON SUCCÈS

* Pour dominer dans son secteur, il faut se doter du meilleur labo de recherche.
* Si une firme a des finances saines, elle peut absorber un concurrent plus gros qu’elle.

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Mathieu Carquain