Introduction :

Décrite en 1874 par Gull chez la femme présentant un « état crétinoïde » acquis à l’âge adulte, puis par Ord qui établit une relation entre l’atrophie thyroïdienne et la maladie à laquelle il donne le nom de myxoedème, l’hypothyroïdie est définie comme une insuffisance de sécrétion des hormones thyroïdiennes.

Cette endocrinopathie, aux causes multiples, se traduit par des manifestations cliniques diverses, inconstantes, parfois aspécifiques, voire même paradoxales, dominées à un stade plus ou moins évolué par un ralentissement global des grandes fonctions de l’organisme.

Ce grand classique de l’endocrinologie a vu sa présentation et sa prise en charge évoluer au cours des dernières années.

Aujourd’hui, le dosage de la thyroid stimulating hormone (TSH) plasmatique constitue la clef de voûte d’un diagnostic évoqué devant des arguments anamnestiques, cliniques ou biologiques.

Ses performances exceptionnelles dans la forme périphérique de l’hypothyroïdie ont contraint de réécrire la sémiologie classique, souligné l’absence de parallélisme clinicobiologique et imposé le concept d’hypothyroïdie fruste ou occulte dont les répercussions et la prise en charge sont toujours débattues.

L’intérêt d’un traitement précoce de l’hypothyroïdie est étayé par divers arguments apportés par l’exploration fine des fonctions cognitives, cardiaques et des métabolismes.

Le traitement apparaît aussi crucial au cours de la grossesse où les hormones thyroïdiennes de la mère jouent un rôle essentiel dans la maturation foetoplacentaire.

La stratégie diagnostique de l’hypothyroïdie constitue un autre thème de réflexion.

L’opportunité d’un dépistage dans des populations ciblées et la nécessité d’une exploration étiologique systématique font encore l’objet d’un débat.

Épidémiologie :

Affection thyroïdienne la plus fréquente, l’hypothyroïdie est vraisemblablement sous-estimée en raison de son caractère volontiers fruste ou asymptomatique.

Une étude de cohorte menée pendant 20 ans en Angleterre, la Wickham Study, situe l’incidence de survenue d’une hypothyroïdie à 3,5/1 000/an chez la femme et à 0,6/1 000/an chez l’homme.

La prédominance du sexe féminin est constante et encore plus marquée dans les formes non iatrogènes.

L’âge moyen de survenue est de 60 ans.

La fréquence de l’hypothyroïdie s’accroît avec l’âge pour atteindre 14/1 000/an après 75 ans.

Dans la population de Framingham, la prévalence de l’hypothyroïdie varie de 0,5 à 2,4 %.

Ces études ont mis en exergue l’importance des antécédents thyroïdiens familiaux, quelle que soit la nature de la thyréopathie, et le caractère pronostique de la présence d’anticorps antithyroïdiens antiperoxydase qui accroît le risque relatif d’un facteur 8 chez la femme et d’un facteur 25 chez l’homme.

En dehors de l’impact environnemental dominé par le niveau de la charge iodée ou la consommation d’aliments contenant des substances antithyroïdiennes, il ne semble pas exister de prépondérance ethnique.

Symptômes clinicobiologiques :

Les symptômes sont nombreux mais leur sensibilité et leur spécificité sont bienvariables d’un malade à l’autre.

A – SIGNES CLINIQUES :

1- Syndrome d’hypométabolisme :

L’expression clinique dépend beaucoup de la sévérité et de l’ancienneté de l’hypothyroïdie.

Le ralentissement des échanges respiratoires et la diminution de la consommation basale d’oxygène rendent compte du ralentissement global des principales fonctions de l’organisme.

Il s’exprime par une asthénie, une frilosité et une prise pondérale en dépit d’une anorexie.

L’asthénie physique, psychique et sexuelle à prédominance matinale est majorée par la fatigabilité.

Le ralentissement intellectuel consiste en une certaine indifférence ainsi qu’une baisse de l’initiative, de l’attention et de la mémoire.

Il confine à une pseudosomnolence dans les formes évoluées.

Le gain pondéral secondaire à la diminution de la dépense énergétique est modéré du fait de l’anorexie et tient largement à une inflation du compartiment hydrique de l’organisme.

La frilosité est précoce et très évocatrice.

La tolérance au froid est très réduite.

2- Manifestations digestives :

La constipation est un signe cardinal de l’hypothyroïdie.

Souvent précoce, parfois révélatrice, elle est la conséquence du ralentissement de la contractilité avec hypotonie intestinale.

Il en résulte un météorisme abdominal et, dans les formes extrêmes, un iléus paralytique, une atonie oesogastrique ou un mégacôlon pouvant être associés à une paralysie vésicale.

L’hypotonie vésicale peut expliquer la plus grande fréquence de la lithiase vésiculaire et des manifestations dyspeptiques. Une diarrhée paradoxale est possible.

3- Manifestations cutanéomuqueuses :

Sécheresse, pâleur et froideur de la peau avec tendance squameuse, aspect ichtyosique des avant-bras et hyperkératose des coudes et des genoux sont des signes d’appel assez fréquents.

La pigmentation jaune orangé palmoplantaire liée à un trouble de la conversiondes caroténoïdes en vitamine A est très évocatrice, de même que l’érythrocyanose des lèvres et des pommettes qui se détache sur le fond de pâleur.

L’infiltration avec dépôt dermique d’acide hyaluronique et la diminution des fibres élastiques sont à l’origine d’un aspect de pseudo-oedème ferme, ou myxoedème, particulièrement net au niveau du visage qui prend un aspect bouffi avec un pseudo-oedème des paupières.

Les doigts sont boudinés, les creux axillaires et sus-claviculaires partiellement comblés et les chevilles empâtées. Le myxoedème ne prend pas le godet.

L’infiltration muqueuse est à l’origine de la macroglossie et de la raucité et du nasonnement de la voix, et contribue à la pathogénie des ronflements et du syndrome d’apnée du sommeil dont la fréquence doit être soulignée.

Les phanères sont altérés.

Les cheveux sont secs et cassants et les poils axillaires et pubiens sont raréfiés, les sourcils s’appauvrissent dans leur partie externe et les ongles sont cassants, amincis et striés.

4- Manifestations cardiovasculaires :

Souvent occultes mais quasi constantes lorsqu’elles sont recherchées systématiquement à l’aide d’explorations plus ou moins sophistiquées, elles ont une signification pronostique importante.

La bradycardie est une composante du syndrome d’hypométabolisme.

Un déficit hormonal sévère et prolongé peut conduire à un état d’insuffisance cardiaque, surtout en cas de cardiopathie sous-jacente.

Il convient de distinguer le coeur myxoedémateux avec cardiomégalie par infiltration d’une substance amorphe myxoedémateuse, du coeur insuffisant cardiaque.

Le premier ne comporte ni stase pulmonaire ni modification des pressions en fin de diastole du ventricule droit, de l’oreillette et des artères pulmonaires.

Le débit cardiaque et la fraction d’éjection augmentent de façon satisfaisante lors de l’exercice.

Les anomalies hémodynamiques sont améliorées par la seule substitution alors qu’elles ne le sont guère par les digitaliques et les diurétiques.

L’augmentation du volume cardiaque est assez fréquente et est partiellement due à une hypertrophie myocardique avec un gonflement des myofibrilles, un oedème interstitiel, une fibrose et une dégénérescence des myocytes.

La cardiomégalie hypothyroïdienne ou « coeur de boeuf » est surtout la conséquence d’un épanchement péricardique.

Constaté dans un tiers des cas d’hypothyroïdie patente à l’échocardiographie, il est habituellement asymptomatique.

Les épanchements majeurs avec tamponnade sont exceptionnels.

La ponction peut évacuer jusqu’à 2 L d’un liquide riche en albumine, en lymphocytes et en cholestérol.

L’athéromatose favorisée par l’hypothyroïdie est à l’origine d’une atteinte coronarienne plus fréquente dont l’expression clinique est classiquement masquée par l’hypométabolisme et révélée lors du traitement substitutif du fait de l’augmentation du travail myocardique.

Au total, sauf exception, l’expression clinique du syndrome cardiovasculaire qui est le fait de l’hypothyroïdie patente se limite à une bradycardie, à une diminution de l’amplitude du pouls et à un assourdissement des bruits du coeur.

Les troubles du rythme sont rares.

Des blocs sino-auriculaires et auriculoventriculaires ainsi que des torsades de pointe ont cependant été rapportés, notamment en cas d’allongement de l’espace QT, témoin de troubles de la conduction.

À l’électrocardiogramme, les anomalies sont discrètes mais plus fréquentes : bradycardie sinusale, aplatissement ou inversion de l’onde T, allongement des signes PR et QT, en sont les plus caractéristiques.

Le microvoltage diffus est en faveur d’un épanchement péricardique.

Les répercussions hémodynamiques de l’hypothyroïdie non compliquée sont dominées par une diminution du débit cardiaque, de l’index systolique et de la volémie en accord avec l’hypométabolisme et une relative vasoconstriction périphérique associée à une diminution de la thermogenèse.

La diminution du débit cardiaque systolique est secondaire à une dépression de la force contractile du myocarde et à la bradycardie et la fonction diastolique est altérée.

Ces troubles fonctionnels sont réversibles avec la correction de l’hypothyroïdie.

Ils sont la conséquence directe d’une interaction des hormones thyroïdiennes au niveau génomique, réceptoriel et de la régulation d’activités enzymatiques.

Dans une observation d’insuffisance cardiaque sévère associée à une hypothyroïdie, la biopsie myocardique réalisée avant et après substitution met en évidence une augmentation de l’acide ribonucléique messager (ARNm) spécifique de la chaîne lourde alpha de la myosine qui est contemporaine d’une nette amélioration de la fraction d’éjection, ce qui prouve que les hormones thyroïdiennes participent bien à la modulation de la contractilité myocardique chez l’homme.

La modification de l’expression des gènes de certaines enzymes, Ca++, Na+, K+, adénosine triphosphatase (ATPase) contribue à diminuer la contractilité myocardique.

Les effets vasculaires périphériques traduisent les effets des hormones thyroïdiennes sur la vasorelaxation rapide des muscles lisses vasculaires.

Dans l’hypothyroïdie, le volume sanguin global est diminué au prorata de l’hypométabolisme mais les résistances vasculaires périphériques sont augmentées.

Il en résulte une hypertension artérielle diastolique décrite chez 10 à 20 % des femmes âgées hypothyroïdiennes.

La vasoconstriction périphérique peut contribuer à l’installation d’un phénomène de Raynaud.

L’atteinte coronarienne est plus fréquente que dans une population témoin.

Elle est bien documentée par des études anatomopathologiques et contraste avec la relative rareté de l’angor ou de l’infarctus du myocarde lorsque l’hypothyroïdie n’est pas substituée.

Une mise en route trop vigoureuse du traitement substitutif favorise l’expression de la coronaropathie avec angor, nécrose myocardique et mort subite.

L’athéromatose à topographie coronarienne est due en partie aux anomalies lipidiques induites par l’hypothyroïdie et à la réduction de l’oxygénation tissulaire et myocardique liée à un état chronotrope et inotrope négatif.

Le vieil adage qui préconisait de ne pas traiter les hypothyroïdies vieillies pour ménager le coeur n’est pas fondé car l’augmentation des besoins myocardiques en oxygène sous l’effet du traitement thyroxinique est partiellement compensée par la réduction des dimensions ventriculaires, de la pression diastolique et la levée de la vasoconstriction à condition que l’initiation du traitement soit progressive.

La progression de la plaque d’athérome peut d’ailleurs être stoppée par le traitement substitutif.

5- Syndrome neuromusculaire :

L’atteinte musculaire est fréquente, précoce et volontiers distractive, en imposant pour une pathologie de l’appareil locomoteur.

Les manifestations fonctionnelles les plus fréquentes sont la fatigabilité musculaire, les crampes musculaires des membres inférieurs, les myalgies et une sensation d’enraidissement prédominant aux racines des membres et aux ceintures.

Objectivement, un déficit rhizomélique peut s’observer dans près d’un tiers des cas.

Il peut encore exister une modification des masses musculaires qui sont hypertrophiées ou, au contraire, atrophiées.

Les formes sévères et prolongées d’hypothyroïdie déterminent des syndromes musculaires sévères.

Dans le syndrome de Hoffmann, l’hypertrophie musculaire diffuse, impressionnante, avec induration à la palpation, est associée à des myalgies et à un déficit moteur.

Dans la forme atrophique d’Alajouanine, plus rare, l’amyotrophie prédomine aux ceintures.

Des formes pseudopolymyositiques ou myopathiques à prédominance axiale avec cyphose dorsolombaire ont encore été décrites.

L’exploration de la fonction musculaire dans la forme patente d’hypothyroïdie ne fournit pas d’éléments spécifiques.

Dans la forme commune de myopathie hypothyroïdienne avec crampes, déficit rhizomélique modéré et impression de fermeté myxoedémateuse à la palpation musculaire, l’électromyogramme est en faveur d’un profil pseudomyotonique caractérisé par la lenteur de la contraction et de la décontraction avec une réduction de la durée et de l’amplitude de potentiels d’action.

Il n’existe pas de salves répétitives comme dans la maladie de Thomsen, mais les potentiels peuvent être polyphasiques.

Le réflexogramme achilléen dont le principe visait à quantifier l’allongement de la contraction et de la décontraction du triceps sural après percussion du tendon d’Achille pour apprécier le statut fonctionnel thyroïdien a été abandonné par manque de spécificité.

Les anomalies histologiques sont fréquentes mais aspécifiques : atrophie des fibres de type II, perte de striation des myofibrilles, anomalies mitochondriales, fibrose annulaire, accumulation de glycogène et de polysaccharides.

Les données biochimiques démontrent les modifications de la myosine et de l’activité de la Na-K-ATPase, réversibles sous hormonothérapie.

L’exploration biologique traduit l’intensité de l’atteinte musculaire.

Créatine phosphokinase (CPK), aldolases, déshydrogénase lactique et transaminases sont augmentées modérément, toutes ou en partie, dans plus de deux tiers des cas d’hypothyroïdie avérée.

Dans l’hypothyroïdie commune, l’atteinte neurologique est principalement, mais non exclusivement, périphérique. Les paresthésies sont fréquentes (plus de 50 % des cas).

Accentuées la nuit, elles prédominent aux extrémités et correspondent à une polyneuropathie sensitivomotrice à prédominance sensitive.

Elles sont présentes dans 70 % des cas, correspondant à une atteinte axonale avec démyélinisation à l’électromyogramme.

Les répercussions motrices et les anomalies de la conduction sont inconstantes et déterminent une aréflexie tendineuse.

Les autres symptômes neurologiques sont assez hétérogènes.

Parmi ceux-ci, le syndrome du canal carpien est remarquable par le fait qu’il peut être révélateur de l’hypothyroïdie comme d’autres syndromes de compression canalaire.

Souvent bilatéral, plus fréquent après 50 ans, il est cliniquement symptomatique dans 10 % des cas et électriquement dans 70 % des cas.

Il est la conséquence de la compression du nerf médian par l’accumulation polysaccharidique dans les structures périnerveuses et peut être favorisé par une souffrance métabolique de la cellule de Schwann par ailleurs responsable d’une démyélinisation segmentaire.

Sur les biopsies nerveuses, elle apparaît associée à une dégénérescence axonale et à une augmentation des granules de glycogène dans les cellules de Schwann.

D’autres manifestations neurologiques périphériques sont décrites de façon plus anecdotique.

Un ptôsis bilatéral est la conséquence d’une diminution du tonus sympathique puisqu’il est réversible après l’injection rétroconjonctivale de substances sympathomimétiques.

L’atteinte cochléaire avec hypoacousie parfois réversible sous hormonothérapie substitutive est vraisemblablement la conséquence d’une compression par des substances polysaccharidiques.

Une atteinte vestibulaire avec troubles de l’équilibre est plus rare.

En dehors du coma myxoedémateux, complication évolutive ultime, les manifestations centrales sont dominées par un syndrome cérébelleux rare et discret.

Dans quelques observations, il peut être au-devant de la scène clinique.

Il existe alors une ataxie et, à un moindre degré, une dyskinésie et une dysarthrie dont l’exploration révèle une dissociation albuminocytologique assez fréquente dans l’hypothyroïdie et des lésions de dégénérescence focale du cortex cérébelleux à l’imagerie par résonance magnétique (IRM).

6- Syndrome psychiatrique :

En dehors des grandes manifestations pseudopsychotiques telles qu’hallucinations auditives et visuelles, démence, troubles graves de la personnalité avec paranoïa qui sont par définition réversibles par l’hormonothérapie, les troubles de l’humeur et de l’attention sont fréquents mais difficiles à évaluer.

7- Manifestations ostéoarticulaires :

Le « rhumatisme myxoedémateux » est le fait des hypothyroïdies évoluées dont le traitement a été tardif.

Les tendinites d’insertion du tendon d’Achille, de la styloïde radiale, de l’épicondyle et de la ceinture scapulaire sont la conséquence de l’infiltration tendineuse par une substance mucoïde.

Les grosses articulations sont le siège de douleurs et de tuméfaction avec un épanchement constitué d’un liquide visqueux riche en acide hyaluronique.

Il existe une infiltration périarticulaire qui accentue la tuméfaction.

Des crises douloureuses articulaires à type d’arthrite aiguë sont liées à d’authentiques crises de goutte du fait de l’hyperuricémie fréquente au cours de l’hypothyroïdie ou à une chondrocalcinose.

Elles sont plus fréquentes lors de la mise en route du traitement substitutif.

L’existence d’une hyperlaxité articulaire et la fréquence des kystes poplités ont été soulignées au cours de l’hypothyroïdie. Une acropachie thyroïdienne, habituellement décrite durant la maladie de Basedow, peut être présente en cas d’hypothyroïdie auto-immune ou iatrogène après traitement radical.

Elle associe un hippocratisme digital, des doigts boudinés et une hypertrophie périostée à la radiographie.

L’exploration de l’os par absorptiométrie fournit des résultats variables avec possibilité d’augmentation de la masse osseuse.

Les études histomorphométriques sont en faveur d’un ralentissement de l’ostéoblastose et de l’ostéoclastose avec tendance à l’ostéoporose.

8- Manifestations endocriniennes :

Syndrome prémenstruel, ménorragies avec déficit lutéal et frigidité sont des manifestations assez fréquentes.

Aménorrhée, spanioménorrhée ou anovulation sont favorisées par l’hyperprolactinémie secondaire à une stimulation des cellules lactotropes par la défreination de la thyrotropin releasing hormone (TRH).

À l’extrême, un syndrome aménorrhée-galactorrhée avec hyperprolactinémie réversible sous traitement substitutif est un piège facile à déjouer.

L’ensemble concourt à une hypofécondité, voire une stérilité.

Chez l’homme ont été rapportés des troubles de la libido, une impuissance et une altération de la spermatogenèse associés à une diminution de la testostéronémie.

La gynécomastie est rare.

La diminution de la sécrétion et du métabolisme du cortisol correspond à une insuffisance surrénale fonctionnelle réversible qui doit être distinguée de l’insuffisance surrénale auto-immune associée à une thyroïdite dans le syndrome de Schmidt.

L’hyperplasie hypophysaire secondaire à l’hyperproduction de TSH, réversible, ne doit pas être confondue avec une pathologie hypophysaire.

B – SIGNES BIOLOGIQUES :

Ils sont de deux types. Les uns, non spécifiques, sont les conséquences de l’hypométabolisme et peuvent révéler l’hypothyroïdie, surtout lorsqu’ils sont inexpliqués par ailleurs ou rebelles aux traitements conventionnels.

Les autres témoins sont les marqueurs d’une moindre imprégnation hormonale thyroïdienne.

1- Anomalies biologiques non spécifiques :

– Hyperlipoprotéinémie : la fréquente et classique hypercholestérolémie comporte une augmentation des low density lipoproteins (LDL) du fait d’une diminution des récepteurs LDL et de l’activité macrophagique régulée par les hormones thyroïdiennes.

Les high density lipoproteins (HDL) sont normales ou augmentées par diminution de l’activité de la lipase hépatique.

La sous-fraction HDL2 est augmentée mais la capacité d’épuration du cholestérol tissulaire est moindre en raison d’une clairance métabolique diminuée.

Dans les formes sévères, l’augmentation de la concentration en triglycérides est secondaire à une moindre activité de la lipoprotéine lipase.

Ce profil lipidique est athérogène.

L’hypercholestérolémie encore accrue par l’augmentation de son absorption intestinale est volontiers révélatrice : 70 % des femmes de plus de 40 ans ayant une hypercholestérolémie supérieure à 3,6 g ont une hypothyroïdie.

– Anomalies électrolytiques : l’hyponatrémie de dilution n’est sévère qu’en cas de coma myxoedémateux.

Sa correction fait partie des objectifs thérapeutiques.

– Hyperuricémie : assez fréquente chez les hypothyroïdiens de sexe masculin, elle est la conséquence d’une réduction de l’excrétion rénale et du métabolisme de l’acide urique.

– Métabolisme glucidique : une tendance à l’hypoglycémie est surtout le fait d’une insuffisance centrale multihormonale.

Une hypoglycémie peut survenir au cours du coma myxoedémateux.

La correction d’une hypothyroïdie accroît les besoins en insuline ou en antidiabétiques oraux en cas de diabète concomitant.

– Hyperprolactinémie : fréquente chez la femme jeune, elle est la traduction de la stimulation des cellules lactotropes hypophysaires par le défreinage de la TRH.

– Anomalies hématologiques : une anémie de nature variée, parfois sévère et apparemment isolée, est fréquente.

Macrocytaire, elle est due à un déficit en folates, à une authentique maladie de Biermer associée ou à une anomalie de la paroi érythrocytaire par excès de cholestérol et de phospholipides.

Normochrome et normocytaire, elle traduit la diminution de la production d’érythropoïétine et de l’érythropoïèse.

Assez souvent hypochrome et microcytaire, elle est secondaire à une réduction des capacités d’absorption intestinale, à une spoliation martiale due aux ménorragies et à une altération du transport du fer.

Les modifications des paramètres de la coagulation sont discrètes et liées à une diminution de la synthèse de facteurs de la coagulation et de l’adhésivité plaquettaire.

Elles favorisent une tendance hémorragique.

2- Marqueurs de l’imprégnation tissulaire des hormones thyroïdiennes :

Toute une série d’anomalies biologiques sont à considérer comme des marqueurs non hormonaux de la fonction thyroïdienne dans la mesure où elles reflètent l’action sur les récepteurs.

Aucun de ces marqueurs n’est spécifique.

Les plus connus et les mieux évalués sont la sex hormone binding globulin (SHBG), la ferritine, la fibronectine, l’enzyme de conversion de l’angiotensine, l’ostéocalcine et la S-glutathion transférase.

Ces marqueurs ne doivent pas être utilisés en routine clinique.

Au cours de l’hypothyroïdie, la dépression de la synthèse des protéines hépatiques voit ses conséquences contrebalancées par la diminution du catabolisme.

L’un des témoins est la diminution de la transformation des caroténoïdes en vitamine A avec une hypercaroténémie responsable de la coloration jaunâtre des téguments.

Diagnostic positif de l’hypothyroïdie :

Il est fondé sur le dosage de la TSH et de la fraction non liée de la thyroxine (T4L : T4 libre).

Le dosage de la TSH est l’examen de référence.

Du fait de la spécificité de ce dosage, une valeur normale de TSH permet d’éliminer le diagnostic d’hypothyroïdie primaire.

Une valeur de TSH augmentée, c’est-à-dire supérieure à la limite donnée par le laboratoire, est fortement en faveur d’une hypothyroïdie primaire en dehors de pathologies intercurrentes graves susceptibles de modifier le métabolisme de la TSH.

Il existe de fait une certaine hétérogénéité des valeurs normales, ce qui rend peu utilisables les valeurs de la littérature habituellement fixées à 5 mU/L.

Un contrôle du dosage de la TSH est utile pour confirmer le diagnostic lorsque le taux initial est voisin de l’intervalle de confiance chez un patient paucisymptomatique.

En un deuxième temps, le dosage complémentaire de la T4L est recommandé.

Il précise la sévérité de l’hypothyroïdie mais a une mauvaise sensibilité en cas d’hypothyroïdie débutante.

La concordance entre la TSH et la T4L est assez bonne, les discordances étant le fait d’une dysthyroïdie infraclinique définie par une anomalie de la TSH contrastant avec une valeur normale de T4L.

Le dosage de la T3 libre (T3L) n’est pas recommandable. Il est à la fois peu sensible et peu spécifique.

Il existe de nombreuses situations (syndrome à basse T3) où la T3L est abaissée sans hypothyroïdie du fait d’une moindre conversion périphérique de la T4 en T3 par diminution de l’activité de la 5’monodésiodase.

De plus, près d’un tiers des patients hypothyroïdiens ont un taux de T3L normal.

La diminution de la T4L sans élévation de la TSH est, soit le fait d’une insuffisance thyroïdienne d’origine centrale, soit la conséquence d’une affection générale sévère et de mauvais pronostic.

L’exceptionnelle présence d’anticorps anti-T3 ou anti-T4 susceptibles de perturber le dosage des hormones thyroïdiennes doit être évoquée en cas de résultats dissociés chez les patients ayant une dysthyroïdie auto-immune.

Une TSH élevée et une T4L basse caractérisent l’hypothyroïdie franche.

Dans l’hypothyroïdie fruste ou infraclinique, la TSH est élevée mais la T4L est normale.

Le seul dosage de TSH peut suffire à affirmer l’hypothyroïdie lorsque le taux dépasse 20 mU/l.

La recherche d’anticorps antithyroïdiens (anti-thyroperoxydase [TPO]) est facultative dans la mesure où elle ne modifie pas l’attitude thérapeutique.

Elle est utile pour préciser le diagnostic étiologique et pour apprécier le pronostic d’une hypothyroïdie infraclinique.

Chez la femme enceinte, elle constitue un élément prédictif de la survenue d’une thyroïdite du post-partum.

En dépit de quelques avis divergents, le test de stimulation de la TSH par la TRH n’a guère d’intérêt dans le diagnostic d’une hypothyroïdie périphérique, même lorsqu’elle est fruste.

Il contribue assez mal à la distinction entre l’hypothyroïdie centrale d’origine hypothalamique et hypophysaire mais peut aider à préciser la signification d’une valeur de TSH normale en cas d’hypothyroxinémie.

L’absence d’élévation de la TSH plaide en faveur d’une atteinte hypophysaire.

L’abolition du pic nocturne de TSH est un autre élément en faveur de l’hypothyroïdie centrale.

Diagnostic différentiel :

L’interprétation des résultats hormonaux peut être problématique lorsqu’ils sont dissociés où lorsqu’ils ne sont pas associés à la symptomatologie ou au contexte clinique attendus.

Une élévation isolée modérée de TSH doit faire envisager une cause iatrogène en cas de traitement par des antagonistes dopaminergiques (métoclopramide) neuroleptiques ou par des antagonistes des récepteurs alpha-2 hypophysaires (clonidine).

L’acide iopanoïque peut élever la TSH en inhibant la désiodase intrahypophysaire.

Une interaction avec des anticorps antihétérophiles ou des anticorps anti-TSH est rare avec les trousses actuelles.

Une élévation modérée de la TSH a été décrite à la phase de récupération des affections générales graves avec un syndrome de basse T3, de basse T4 et de basse TSH.

De principe, il convient d’envisager la possibilité d’une sécrétion inappropriée de TSH due à un exceptionnel adénome thyréotrope mais le contexte clinique est bien différent.

La résistance généralisée aux hormones thyroïdiennes due à une insensibilité à la T3 des organes cibles et de l’hypophyse est toute aussi exceptionnelle.

Cette affection parfois familiale due à une mutation du gène TRb du récepteur de T3 peut associer chez un même patient des signes d’hyperthyroïdie et d’hypothyroïdie avec une TSH et une T4 élevées selon que l’hypophyse seule ou l’ensemble des organes sont concernés.

Causes de l’hypothyroïdie primaire chez l’adulte :

A – HYPOTHYROÏDIE AUTO-IMMUNE :

L’auto-immunité thyroïdienne est à l’origine de thyroïdites lymphocytaires chroniques.

Elle est responsable de la majorité des hypothyroïdies acquises et spontanées chez l’adulte.

L’événement initial serait l’expression aberrante des molécules de classe II du complexe majeur d’histocompatibilité par les macrophages et les monocytes (cellules présentatrices d’antigène).

Il est perpétué par l’activation de cellules immunocompétentes et la production de cytokines.

L’hypothèse d’un dysfonctionnement ou d’un déficit des cellules T suppressives à l’origine d’un défaut d’immunosurveillance semble impliquée dans certains modèles d’hypothyroïdies expérimentales.

Quoi qu’il en soit, la production d’autoanticorps thyroïdiens chez des individus génétiquement prédisposés à la faveur de facteurs de l’environnement encore mal appréhendés entraîne une altération de la production hormonale due à des troubles de l’organification et à une réduction du parenchyme thyroïdien fonctionnel.

Divers antigènes servant de cibles aux autoanticorps peuvent être exprimés par les cellules thyroïdiennes.

Les anticorps antithyroperoxydase sont dirigés contre un antigène microsomial impliqué dans l’organification de l’iode, étape indispensable de l’hormonosynthèse.

L’inhibition enzymatique peut aussi être secondaire à un effet cytotoxique direct avec destruction cellulaire. Les anticorps antithyroglobuline ont un rôle pathogène mal précisé.

Les anticorps antirécepteurs de la TSH à activité bloquante ont un rôle pathogène clairement illustré par la dysthyroïdie foetale qu’ils entraînent en cas de passage transplacentaire.

Ils sont rarement impliqués dans la pathogénie des hypothyroïdies mais expliquent quelques rares formes cliniques de maladie de Basedow comportant une succession de phases d’hyper- et d’hypothyroïdies spontanées.

1- Thyroïdite de Hashimoto :

C’est une thyroïdite lymphocytaire chronique à forme hypertrophique survenant neuf fois sur dix chez une femme d’âge moyen. Un goitre modéré est constant.

Il est diffus, homogène, très ferme, indolore, isolé et non compressif.

Les signes d’hypothyroïdie ne sont présents que dans un quart des cas au moment du diagnostic mais s’installent inéluctablement au fil du temps.

Le diagnostic est affirmé par la présence d’anticorps antithyroperoxydase à un titre élevé dans plus de 90 % des cas et, plus inconstamment, d’anticorps antithyroglobuline.

La présence plus rare d’anticorps anti-TSH, anti-T4 ou anti-T3 peut perturber les dosages hormonaux.

D’autres anomalies biologiques plus inconstantes ont été rapportées : augmentation modérée de la vitesse de sédimentation, de la C reactive protein et des gammaglobulines ainsi que de la calcitoninémie (par hyperplasie des cellules parafolliculaires C).

À l’échographie, la glande apparaît globalement hypoéchogène et hétérogène avec un aspect en « damier » ou en « patchwork ».

À la scintigraphie, la fixation du traceur est conservée mais est parfois hétérogène.

La cytoponction d’une zone hypoéchogène confinant à un aspect pseudonodulaire confirme l’infiltration lymphoplasmocytaire caractéristique de cette affection et révèle volontiers quelques atypies cellulaires et des oncocytes dont la signification néoplasique ne doit pas être évoquée dans ce contexte clinicobiologique.

L’évolution se fait progressivement vers une hypothyroïdie patente avec réduction du volume du goitre et du titre des anticorps antithyroïdiens.

L’association d’une maladie de Basedow et d’une thyroïdite de Hashimoto n’est pas exceptionnelle et explique le passage possible d’une hypothyroïdie vers une hyperthyroïdie et vice versa.

2- Thyroïdite lymphocytaire chronique avec atrophie thyroïdienne :

C’est la cause la plus fréquente d’hypothyroïdie, notamment chez la femme après la ménopause.

D’installation insidieuse, elle est caractérisée par une atrophie progressive du parenchyme thyroïdien cependant que s’installent les signes d’hypométabolisme.

L’aspect échographique est de type hypoéchogène et hypovasculaire et peut aller jusqu’à un aspect de vacuité de la loge thyroïdienne.

Le titre des anticorps thyroïdiens est élevé de façon plus inconstante et plus modeste que dans la thyroïdite de Hashimoto.

Il diminue au fil des ans et lorsque le traitement substitutif est débuté.

3- Thyroïdite lymphocytaire des adolescents :

Il s’agit d’un goitre survenant à la période pubertaire se distinguant du goitre pubertaire commun par sa plus grande fermeté, son aspect plus hypoéchogène, une augmentation modeste de la TSH et un titre élevé des anticorps antithyroïdiens.

Une hypothyroïdie définitive ne s’installe que dans un tiers des cas.

4- Autres thyroïdites :

En dehors de la thyroïdite du post-partum, la thyroïdite silencieuse se rencontre surtout chez la femme d’âge moyen.

Elle comporte une hypothyroïdie souvent fruste sans goitre mais avec un aspect hyperéchogène du parenchyme thyroïdien et une élévation des anticorps antithyroïdiens.

Cette situation fréquente est marquée par des taux de TSH volontiers fluctuants autour de la limite supérieure de la normale, inconstamment pathologiques même si l’évolution se fait, dans un délai difficile à prévoir, vers l’hypothyroïdie avérée.

La thyroïdite subaiguë de de Quervain peut être à l’origine d’une hypothyroïdie définitive quoique la récupération fonctionnelle soit habituelle.

À une phase de thyrotoxicose initiale succède une phase d’hypothyroïdie plus ou moins profonde mais souvent fruste pendant quelques mois.

Le titre des anticorps antithyroïdiens et particulièrement des anticorps antithyroglobuline est classiquement élevé mais il existe d’assez nombreuses exceptions.

5- Affections associées :

D’autres maladies auto-immunes peuvent être associées aux thyroïdites.

Parmi celles-ci, le vitiligo, la maladie de Biermer, le syndrome de Gougerot-Sjögren, le diabète de type I et l’insuffisance surrénale sont les plus fréquentes.

La thyroïdite appartient parfois au cadre des polyendocrinopathies auto-immunes de type II marquées par la fréquence de l’haplotype human leukocyte antigen (HLA) DR3.

Le syndrome de Schmidt associant une hypothyroïdie et une maladie d’Addison est un classique.

D’autres maladies dysimmunitaires peuvent être associées de façon non fortuite : polyarthrite rhumatoïde, anémie hémolytique auto-immune, purpura thrombopénique idiopathique, sclérodermie, dermatomyosite, cirrhose biliaire primitive ou myasthénie.

Il paraît légitime de préconiser un dosage de TSH au cours de ces affections.

B – HYPOTHYROÏDIES IATROGÈNES :

Leur contingent est élevé et relève de mécanismes divers.

Leur survenue témoigne souvent d’une thyropathie infraclinique sousjacente.

Le contexte pathologique et la bonne connaissance d’antécédents parfois lointains contribuent à préciser la cause d’une hypothyroïdie périphérique.

La surveillance prospective systématique de la fonction thyroïdienne chez des patients soumis à des traitements à risque conduit au diagnostic d’hypothyroïdie iatrogénique avant toute expression symptomatique.

1- Hypothyroïdies induites par l’iode :

L’iode contenue dans de nombreux médicaments peut être à l’origine d’une hypothyroïdie du fait d’une inhibition persistante de l’organification de l’iodure, sans échappement à l’effet Wolff- Chaikoff.

Par-delà les très nombreux médicaments contenant de l’iode, les excipients, les produits d’application cutanée ou les agents de contraste iodés largement utilisés à l’ère de la tomodensitométrie, le pourvoyeur principal des hypothyroïdies à l’iode est de loin l’amiodarone.

L’hypothyroïdie par l’amiodarone est favorisée par une affection thyroïdienne sous-jacente et par un apport iodé journalier important.

Son apparition est relativement précoce, presque toujours au cours de la première année de traitement.

Sa fréquence estimée de façon très variable selon l’origine géographique des séries publiées est inférieure à 5 % en France alors qu’elle peut dépasser 10 % en Amérique du Nord.

Le mécanisme de l’hypothyroïdie tient certes à la forte teneur en iode de l’amiodarone (73 mg pour 200 mg de principe actif) mais aussi à un possible effet thyrotoxique propre à la molécule.

C’est la raison pour laquelle on distingue l’hypothyroïdie fonctionnelle de l’hypothyroïdie lésionnelle.

Dans la première, l’apport massif et chronique en iode provoque un défaut d’organification et de synthèse hormonale.

À la scintigraphie, le captage du traceur isotopique est maintenu ou augmenté, témoin de la stimulation du symporteur d’iodure sous l’effet de l’élévation de la TSH avec un test au perchlorate de potassium positif.

Cette forme régresse assez rapidement après l’arrêt de l’amiodarone.

Dans la forme lésionnelle, l’amiodarone ou ses métabolites provoquent une destruction des follicules thyroïdiens.

La fixation du radio-isotope est supprimée et le test au perchlorate n’a pas lieu d’être.

L’arrêt de l’amiodarone ne suffit pas toujours à corriger ce type d’hypothyroïdie.

2- Autres médicaments inducteurs d’hypothyroïdie :

Outre les antithyroïdiens de synthèse, d’autres médicaments sont susceptibles de provoquer une hypothyroïdie.

Lithium : le carbonate de lithium utilisé dans le traitement de la psychose maniacodépressive entraîne près d’une fois sur deux un goitre diffus compliqué d’une hypothyroïdie dans environ 10 % des cas au cours de la première année de traitement, deux fois plus souvent chez les femmes que chez les hommes.

Elle est due à un moindre relargage hormonal par blocage de la protéolyse de la thyroglobuline, à une inhibition de l’organification de l’iode et, peutêtre, à un effet imunomodulateur avec diminution de la fonction suppressive des lymphocytes T.

L’arrêt de la lithiothérapie, lorsqu’elle est possible, est accompagné d’une récupération fonctionnelle.

Une surveillance de principe de la TSH est souhaitable chez les patients traités par lithium au long cours.

Cytokines : les cytokines utilisées lors du traitement de l’hépatite virale B ou C ou de certaines affections néoplasiques sont à même d’induire une dysthyroïdie chez près de 10 % des patients.

L’interféron alpha est un grand pourvoyeur d’hypothyroïdie.

Plus fréquente chez les femmes et en cas d’anticorps antithyroïdiens circulants, l’hypothyroïdie, volontiers fruste, apparaît en moyenne après 1 an de traitement. Recherchée systématiquement par un dosage de TSH, elle est notée, au moins transitoirement, chez un malade sur deux.

Elle est la conséquence d’une exacerbation d’une thyroïdite auto-immune latente ou d’un processus auto-immun induit ainsi qu’en témoigne l’importante infiltration lymphocytaire de la thyroïde.

Bien que l’apparition de l’hypothyroïdie ne semble pas liée à la durée du traitement ou à la dose de l’interféron alpha, il existe quelques arguments en faveur d’une toxicité thyroïdienne des cytokines par l’intermédiaire des interleukines IL1 et IL6.

La découverte d’une hypothyroïdie ne contre-indique pas la poursuite du traitement bien que l’évolution se fasse vers la régression à la fin de celui-ci.

Un traitement substitutif peut être préconisé.

Dans les formes définitives, on admet que l’interféron alphalpha a été le révélateur d’une thyroïdite lymphocytaire préexistante dont il a précipité l’évolution vers l’hypothyroïdie.

Les conséquences thyroïdiennes de l’interféron b utilisé dans la sclérose en plaques sont probablement sous-estimées.

Celles de l’IL2 ou des facteurs de stimulation des cellules souches hématopoïétiques sont moins exceptionnelles, d’autant qu’elles sont parfois associées à l’interféron alpha.

D’autres médicaments entraînent une hypothyroïdie de façon plus anecdotique par des mécanismes plus ou moins bien connus.

Les tuberculostatiques anciens ou modernes (acide para-aminosalicylique [PAS], éthionamide, isoniazide), les sulfamides antiinfectieux ou hypoglycémiants, le cyclophosphamide, les composés pyrazolés, l’aminoglutéthimide, la 6-mercaptopurine, interagissent sur le métabolisme de l’iode ou des hormones thyroïdiennes.

L’hypothyroïdie induite par les médicaments, dominée aujourd’hui par l’amiodarone et les cytokines, mérite d’être dépistée chez des sujets à risque porteurs d’un goitre ou ayant une anomalie de l’autoimmunité thyroïdienne connue.

Sa survenue n’implique pas nécessairement l’arrêt du traitement qui n’est d’ailleurs pas toujours garant de guérison dans la mesure où il révèle une thyropathie sous-jacente.

3- Hypothyroïdie radique :

Toute irradiation cervicale antérieure externe peut être à l’origine d’une hypothyroïdie dans un délai de plusieurs mois ou années d’autant plus bref que la dose délivrée aura été plus grande.

Les conséquences thyroïdiennes de l’irradiation ont été bien étudiées au cours des lymphomes hodgkiniens guéris.

Après 10 ans, on note une hypothyroïdie fruste ou patente chez 25 à 50 % des malades.

Le sexe féminin, le jeune âge, la chimiothérapie, un apport iodé chronique du type de celui qui est réalisé par la lymphographie sont des facteurs de risque d’hypothyroïdie.

En cas d’irradiation pour cancer oto-rhino-laryngologique, l’hypothyroïdie est plus fréquente et plus précoce du fait d’une dose délivrée plus importante.

Quelles que soient les circonstances, l’hypothyroïdie postradique peut s’installer progressivement en plusieurs années.

En conséquence, toute notion d’irradiation de la région cervicale antérieure justifie une surveillance régulière de la TSH pendant plusieurs années.

Le traitement par l’iode 131 d’une hypothyroïdie détermine une hypothyroïdie souvent tardive mais définitive.

Elle est due à une atrophie progressive avec fibrose, infiltration lymphoplasmocytaire, métaplasie des thyréocytes et atteinte vasculaire.

La constitution de l’hypothyroïdie est lente, progressive, s’échelonnant sur plusieurs mois, années ou même décennies.

Elle est favorisée par la dose administrée : supérieure à 15 mCi, elle est présente dans 60 % des cas à 1 an, que la dose soit délivrée de façon fractionnée ou globale.

Elle est plus fréquente en cas d’hyperthyroïdie diffuse que d’hyperthyroïdie nodulaire.

Dans la maladie de Basedow, le risque plus élevé d’hypothyroïdie pour une même dose s’explique par le caractère fonctionnel de l’ensemble du parenchyme thyroïdien.

La présence d’anticorps antithyroïdiens ne semble pas avoir de signification prédictive.

Une hypothyroïdie précoce, fruste mais transitoire, due à un phénomène de thyroïdite radique et favorisée par la présence d’anticorps antirécepteurs de TSH bloquants a été décrite dans la maladie de Basedow.

Un traitement par antithyroïdiens de synthèse avant ou après l’irradiation métabolique réduirait le risque d’hypothyroïdie mais aussi l’efficacité du traitement.

4- Chirurgie :

En dehors de la thyroïdectomie totale à visée carcinologique où l’hypothyroïdie est définitive dans la totalité des cas, l’apparition d’une hypothyroïdie au décours d’une intervention sur la thyroïde dépend de l’importance de la résection et, à un moindre degré, de la nature de l’affection thyroïdienne et du niveau d’apport iodé.

Le risque d’hypothyroïdie est faible lorsqu’il reste plus de 10 g de parenchyme thyroïdien mais est accru lorsque le tissu restant est le siège de lésions de thyroïdite lymphocytaire.

Dans la maladie de Basedow, le risque d’hypothyroïdie dépend de l’importance du moignon restant (84 % d’hypothyroïdie s’il est inférieur à 5 g) mais aussi de la possibilité d’une évolution spontanée vers l’hypothyroïdie.

La carence iodée expose davantage au risque.

Selon la procédure chirurgicale, l’hypothyroïdie survient immédiatement ou dans les 2 ans qui suivent le geste.

C – AUTRES CAUSES D’HYPOTHYROÏDIE :

Beaucoup plus rarement, l’hypothyroïdie de l’adulte peut être secondaire à une carence d’apport iodé (en dehors de la grossesse où une subcarence iodée suffit à induire une hypothyroïdie fruste), à une anomalie de la migration thyroïdienne ou de l’hormonogenèse à révélation tardive ou encore à diverses maladies infiltratives avec destruction progressive du parenchyme fonctionnel : amylose, sarcoïdose et granulomatoses diverses, infiltration leucémique ou lymphomateuse, thyroïdite de Riedel…

L’hypothyroïdie centrale acquise due à un déficit en TSH relève de diverses causes.

Formes particulières d’hypothyroïdies :

A – HYPOTHYROÏDIE DU SUJET ÂGÉ :

Considérée comme la plus fréquente des endocrinopathies des sujets âgés, l’hypothyroïdie secondaire à une fibrose et à une atrophie thyroïdienne d’installation lente est de diagnostic plus difficile en raison de la fréquence des formes paucisymptomatiques, de la similitude de certaines des manifestations du vieillissement avec celles de l’hypothyroïdie et des polypathologies.

Ralentissement psychique, diminution de l’activité et de la mobilité, troubles mnésiques et de l’équilibre, aggravation ou apparition d’une hypoacousie, tendance à la frilosité sont autant de signes d’appels qui pourraient s’expliquer par la sénescence… pan>

Le problème ici est de savoir s’il faut privilégier le dépistage systématique ou se fonder sur une symptomatologie volontiers distractive. pan>

Les répercussions biologiques de l’âge sur la fonction thyroïdienne portent sur une réduction de la conversion périphérique de la T4 en T3 favorisée par la malnutrition, les pathologies associées et la prise de certains médicaments.

Il en résulte une fréquente diminution de la T3 alors que la TSH n’est pas affectée.

En pratique, seule l’élévation de la TSH doit être prise en compte pour affirmer l’hypothyroïdie primaire.

B – HYPOTHYROÏDIE FRUSTE OU INFRACLINIQUE :

Elle est définie par une élévation de la TSH sans diminution de la T4L.

Le qualificatif de fruste est réservé aux valeurs de TSH comprises entre 4,5 et 10 ou 20 mU/L.

Des valeurs supérieures correspondent à une hypothyroïdie patente, même si la T4L est encore dans les limites de la normale.

Une tentative de classification a été proposée par Weetman selon le taux de TSH.

Cette forme d’hypothyroïdie est fréquente.

Dans la Whickham Study, 7,5 % des femmes et 2,8 % des hommes ont une hypothyroïdie.

Dans l’étude de Framingham, 13,6 % des femmes et 5,0 % des hommes ont une élévation isolée de la TSH. Les causes sont les mêmes que celles de l’hypothyroïdie patente.

Un déficit d’apport iodé favorise la survenue de cette affection.

L’expression clinique est paucisymptomatique ou non spécifique.

Les manifestations cliniques et biologiques sont souvent rattachées à l’hypothyroïdie a posteriori lorsque le diagnostic est établi par le dosage de la TSH et qu’un traitement substitutif a été instauré.

Les signes fonctionnels et physiques empruntent aux signes de l’hypothyroïdie avérée mais ils sont souvent dissociés et discrets.

Parmi les plus fréquents, notons les troubles psychologiques et intellectuels, la baisse générale des performances, l’irrégularité menstruelle, l’hypofertilité, l’asthénie, la prise de poids, la sécheresse cutanée, les crampes musculaires et les paresthésies.

Bien plus souvent, il s’agit de troubles atypiques.

Les manifestations biologiques sont dominées par les anomalies lipidiques avec augmentation de la concentration de cholestérol-LDL et diminution du cholestérol HDL, même si la cholestérolémie totale semble normale pour l’âge et si le cholestérol HDL est peu influencé par la substitution hormonale.

D’autres anomalies plus subtiles rendent compte des effets tissulaires et accréditent le concept d’hypothyroïdie fruste dont la réalité a longtemps été discutée sous prétexte que l’élévation modérée de la TSH traduisait un état « compensé » avec maintien d’une T4L normale et euthyroïdie et n’augurait pas d’une évolution certaine vers une hypothyroïdie patente.

Au cours de l’hypothyroïdie fruste ont été décrites des perturbations de la vasodilatation endothélium-dépendante, du temps d’intervalle systolique, de la contractilité myocardique et de la variabilité cardiaque, l’ensemble concourant à un risque cardiovasculaire plus élevé.

L’hypothyroïdie fruste s’accompagne encore d’une prévalence accrue d’anémie sidéropénique, de dysfonction musculaire.

Le réflexe stapédial (réflexe musculaire de l’oreille moyenne) est anormal.

Enfin, une relation entre les troubles thymiques et l’hypothyroïdie fruste a été rapportée.

L’anxiété, la dépression et les traits hystériques sont plus fréquents et régressent partiellement sous traitement substitutif.

C – COMA MYXOEDÉMATEUX :

Rare, d’évolution parfois fatale, le coma myxoedémateux est l’aboutissement d’une hypothyroïdie profonde non traitée.

Survenant dans moins d’un cas pour 1 000, atteignant surtout la femme âgée, il est grevé d’une mortalité conséquente (de l’ordre de 50 %).

Divers facteurs déclenchants ont été recensés : interruption d’un traitement, exposition au froid, polypathologie nécessitant une hospitalisation, intervention chirurgicale, traitements psychotropes, isolement social. Hormis la connaissance d’une hypothyroïdie, le diagnostic est évoqué sur un ensemble de signes et d’indices.

Faciès bouffi, infiltration des téguments, pâleur cireuse, dépilation, sécheresse cutanée, cicatrice de cervicotomie peuvent orienter chez un sujet présentant une altération de la conscience de degré variable, allant de la somnolence au coma profond.

Dans sa phase accomplie, il s’agit d’un coma profond, calme, parfois aréflexique. Bradycardie, bradypnée, hypotension artérielle et surtout hypothermie entre 30 et 36 °C ou température normale en dépit d’un état infectieux sont d’autres éléments importants du diagnostic.

L’exploration du coma apporte peu d’éléments spécifiques : hyperprotéinorachie et pression augmentée du liquide céphalorachidien (LCR), activité électroencéphalographique peu ample, pauvre en ondes alpha et sans réponse à la stimulation lumineuse.

Le diagnostic est confirmé par le bilan thyroïdien qui comporte un taux de TSH très élevé et des valeurs effondrées de T4.

D’autres altérations biologiques sont remarquables.

L’hyponatrémie fréquente et parfois sévère (< 110 mmol/L) relève d’un mécanisme complexe par dilution avec hypervasopressinisme secondaire à une hypovolémie efficace et troubles de la dilution des urines.

L’osmolalité urinaire est augmentée.

D’autres anomalies biologiques sont plus inconstantes : anémie normochrome normocytaire, thrombopénie et leucopénie par séquestration hépatosplénique favorisée par l’hypothermie, élévation des CPK et des lacticodéshydrogénases (LDH), hypoglycémie surtout dans l’exceptionnelle forme centrale où la TSH est normale ou basse.

Il n’existe pas d’hypocortisolisme significatif dans la forme périphérique.

Les gaz du sang sont perturbés une fois sur deux, témoins d’une hypoventilation avec hypoxie et hypercapnie et acidose respiratoire.

Le pronostic est dominé par la surinfection, par les troubles ventilatoires avec risque d’insuffisance respiratoire aiguë et par les complications cardiovasculaires telles qu’ischémie myocardique aiguë ou troubles du rythme révélés par l’hormonothérapie.

Les convulsions notées dans 20 % des cas sont avant tout liées à l’hyponatrémie.

D – HYPOTHYROÏDIE D’ORIGINE CENTRALE :

L’hypothyroïdie centrale comporte une insuffisance de sécrétion des hormones thyroïdiennes secondaire à un déficit thyréotrope (TSH). Elle représente moins de 1 % des hypothyroïdies.

Elle participe dans l’immense majorité des cas à une insuffisance plurihormonale hypophysaire souvent globale.

D’origine hypothalamique, elle est la conséquence, soit d’une lésion anatomique : dysplasie congénitale, néoplasique, vasculaire, traumatique, infiltrative (sarcoïdose), postirradiation ou postchirurgicale, soit d’une atteinte fonctionnelle ou psychogène.

Elle est alors réversible comme dans les formes idiopathiques.

L’insuffisance d’origine hypophysaire acquise de l’adulte est presque toujours d’origine lésionnelle.

Les mutations des gènes Pit1 et PROP codant les facteurs de transcription assurant la différenciation de la cellule thyréotrope sont à l’origine d’hypothyroïdies centrales pures congénitales (prévalence de l’ordre de 1/100 000 naissances) habituellement diagnostiquées avant l’âge adulte.

Les signes cliniques sont plus modérés que dans l’hypothyroïdie primaire dite « périphérique », surtout en cas de déficit plurihormonal.

Fatigue physique et psychique, frilosité, sécheresse, pâleur et finesse de la peau, dépilation et lenteur de décontraction des réflexes sont évocateurs.

En revanche, il n’y a ni goitre ni infiltration myxoedémateuse ni macroglossie.

L’association à des modifications du morphotype, des troubles de la croissance ou de la fonction génitale est possible et dépend de l’étiologie.

Les particularités biologiques sont dominées par la diminution constante de la thyroxine libre qui contraste avec un taux de TSH normal ou abaissé.

La diminution attendue de la TSH n’est observée que dans un peu plus de la moitié des cas. Dans quelques cas, le taux de TSH est même excessif.

Ce paradoxe témoigne, soit du fait d’une insuffisance hypophysaire partielle avec persistance d’un rétrocontrôle, soit d’une sécrétion de TSH biologiquement inactive par glycosylation aberrante ou sialilation.

Le test de stimulation par la TRH a pour intérêt théorique de distinguer l’hypothyroïdie centrale d’origine hypophysaire où la réponse de TSH est supprimée et l’hypothyroïdie hypothalamique où la réponse persiste.

L’hypothyroïdie centrale de l’adulte est quasi définitive.

En l’absence de traitement, elle peut évoluer vers un coma myxoedémateux avec hypoglycémies fréquentes.

E – HYPOTHYROÏDIE ET GROSSESSE :

L’hypothyroïdie maternelle est une circonstance non exceptionnelle pouvant avoir des répercussions sur la fécondité, le déroulement de la grossesse et sur le développement foetal.

Connue et précédant la grossesse, elle nécessite une adaptation du traitement substitutif.

La subcarence iodée favorise l’installation d’une hypothyroïdie fruste durant la grossesse.

La grossesse constitue une situation éprouvante pour la thyroïde de la mère, à même de démasquer une hypothyroïdie latente en raison de l’augmentation des besoins hormonaux et d’une moindre disponibilité en iode.

Au second trimestre de la grossesse, la TSH est supérieure à 6 mU/L dans 2,5 % des cas mais la coexistence d’une TSH élevée et d’une thyroxine libre basse n’est que de 3 ‰.

La prévalence de l’hypothyroïdie au cours de la grossesse est estimée à 0,3-0,7 % pour la forme avérée et à 2,2-2,5 % pour la forme fruste.

Le diagnostic de l’hypothyroïdie maternelle repose sur le dosage de la TSH qui est peu affecté par la grossesse alors que la concentration de T4L diminue franchement au cours des deuxième et troisième trimestres.

La confirmation biologique de l’hypothyroïdie suspectée cliniquement est d’autant plus indispensable que la sémiologie de l’hypothyroïdie peut être modifiée par la grossesse.

Certains symptômes communs au cours de la grossesse pourraient en imposer pour une hypothyroïdie : fatigue, rétention hydrique, crampes musculaires, constipation, sécheresse de la peau, modification des phanères.

L’hypothyroïdie avérée non traitée peut être à l’origine de complications maternofoetales : anémie, décollement prématuré du placenta, prééclampsie, hémorragie du post-partum sont les principales complications gravidiques.

Les complications foetales sont une plus grande fréquence de mort in utero (12 %) et de retard de croissance intra-utérin (31 %) et un taux plus élevé de malformations congénitales (11 %).

Les conséquences de l’hypothyroïdie maternelle ont été reconsidérées récemment.

Longtemps il était admis que du fait d’un faible passage transplacentaire des hormones thyroïdiennes, les répercussions de l’hypothyroïdie maternelle sur le développement foetal étaient mineures ou nulles.

En fait, le passage transplacentaire des hormones thyroïdiennes est loin d’être négligeable.

Il expliquerait en particulier que la plupart des enfants athyréotiques ont une concentration en thyroxine qui n’est réduite que de moitié et ont un développement proche de la normale à la naissance.

En revanche, la concomitance d’une hypothyroïdie foetale et maternelle d’origine auto-immune se traduit par une altération du développement du cerveau foetal.

Dans les régions de subcarence iodée, la mère et le foetus ont une fonction thyroïdienne déficiente avec, pour ce dernier, des répercussions à type de retard mental et de troubles neurologiques : spasticité, ataxie, surdité, mutité, dans les formes les plus sévères.

Plus récemment, il a pu être démontré que les enfants de mère ayant une augmentation de la TSH durant la grossesse ont une diminution modérée mais significative des performances intellectuelles lors de tests portant sur l’intelligence, le langage, l’attention et les capacités scolaires par rapport à d’autres enfants témoins de même âge (8 ans).

Le quotient intellectuel (QI) a un score inférieur à 85 chez 15 % d’entre eux contre 5 % chez les témoins.

L’étiologie de l’hypothyroïdie maternelle interviendrait sur la nature des répercussions foetales.

Le passage transplacentaire des anticorps anti-TPO à un titre élevé aggrave les répercussions foetales de l’hypothyroïdie, mais ces travaux sont débattus.

En fait, ces anti- TPO suspects d’accroître le risque d’avortement précoce sont sans conséquence sur la fonction thyroïdienne foetale.

L’hypothyroïdie maternelle secondaire à une carence en iode prédispose à une hypothyroxinémie par insuffisance de transfert hormonal en début de grossesse puis par insuffisance de production hormonale foetale.

Ses répercussions sont donc potentiellement plus graves.

Certaines anomalies congénitales de l’hormonogenèse pourraient être à l’origine d’une hypothyroïdie chez la mère et l’enfant.

Ces considérations qui mettent en exergue l’importance du transfert des hormones thyroïdiennes de la mère vers l’enfant et insistent sur les conséquences à long terme d’une hypothyroïdie maternelle au premier trimestre de la grossesse ne peuvent qu’inciter à optimiser le dépistage de l’hypothyroïdie et son traitement.

L’enjeu est de reconnaître précocement l’hypothyroïdie maternelle. Un bilan thyroïdien devrait être effectué dès le début de la grossesse chez toutes les femmes ayant des antécédents thyroïdiens personnels ou familiaux.

F – HYPOTHYROÏDIE DU POST-PARTUM :

Cette hypothyroïdie d’origine auto-immune survient au décours de l’accouchement chez des femmes ayant un titre élevé d’anticorps anti-TPO au premier trimestre qui s’élève dans la période du postpartum.

Elle est plus fréquente dans les populations HLA DR3, DR4 et DR5 et survient dans environ 5 % des grossesses.

Il s’agit d’une hypothyroïdie, ressemblant par bien des points à une « thyroïdite silencieuse ».

Dans la forme typique, l’hypothyroïdie est précédée d’une phase d’hyperthyroïdie plus ou moins symptomatique, relativement brève, passant souvent inaperçue.

L’hypothyroïdie dure quelques mois (médiane de 19 semaines) et est le plus souvent spontanément régressive.

En fait, elle peut être définitive dans plus de 20 % des cas.

Son expression symptomatique est volontiers pauvre ou atypique.

Au goitre, avec frilosité, fatigue, crampes musculaires et prise de poids, peuvent être associés un retour de couches différé, une galactorrhée persistante, des troubles des règles ou un syndrome anxiodépressif.

Le diagnostic, confirmé par l’élévation de la TSH et des anticorps antithyroïdiens, doit être particulièrement évoqué en cas d’antécédents familiaux de dysthyroïdie auto-immune ou si la mère a déjà présenté un épisode comparable à l’occasion d’une précédente grossesse, le risque de récidive aux grossesses suivantes étant de 30 à 40 %.

Traitement de l’hypothyroïdie :

Codifié par une conférence de consensus et diverses recommandations, le traitement de l’hypothyroïdie est simple, performant et peu coûteux.

Pourtant, près d’un tiers des sujets en hypothyroïdie sont traités de façon insuffisante ou abusive.

Une compliance imparfaite, la variation des besoins hormonaux liée à l’état physiologique, la prise d’autres médicaments, d’éventuels troubles de l’absorption intestinale, l’existence d’une affection intercurrente, le caractère transitoire d’une hypothyroïdie et l’exceptionnel problème d’interférences avec le dosage de la TSH sont les principales causes de difficultés thérapeutiques.

La décision de traiter est prise après confirmation du diagnostic par un nouveau dosage de TSH et après une évaluation de la gravité de l’hypothyroïdie (répercussions cliniques, électrocardiographiques et degré de diminution de T4L).

L’appréciation du risque coronarien est essentielle, notamment chez le sujet âgé où la coronaropathie peut être masquée par l’hypométabolisme et la sédentarité.

En cas de doute, l’épreuve d’effort, quand elle est possible, ou la scintigraphie myocardique fournissent de précieuses indications pour les modalités de la mise en oeuvre du traitement substitutif.

A – MOYENS :

Parmi les divers moyens thérapeutiques disponibles, la L-thyroxine ou lévothyroxine est à privilégier pour le traitement à long terme du fait de sa demi-vie d’environ 8 jours et de son absorption satisfaisante lorsqu’elle est administrée à jeun.

Une prise quotidienne, de préférence sous la forme de comprimés plutôt que sous la forme de gouttes, assure une imprégnation hormonale stable.

Les besoins hormonaux théoriques moyens sont estimés à 1,7 ± 0,4 µg/kg/j de lévothyroxine.

Le recours à la L-tri-iodo-thyronine (Cynomelt) se justifie théoriquement par le fait que c’est l’hormone « biologiquement » active sur les récepteurs nucléaires.

On peut aussi avoir pour objectif de mimer la thyroïde qui sécrète simultanément de la T4 et de la T3 dans la proportion d’environ 80 % et 20 %.

En fait, le médicament commercialisé (Euthyralt), dont chaque comprimé contient 100 µg de LT4 et 20 µg de LT3, s’avère de maniement difficile, exposant à des pics de T3 excessifs. Il ne présente pas d’avantages par rapport à la lévothyroxine.

Toutefois, une étude récente effectuée sur une petite série de malades a montré que l’association de T3 et de T4 était plus performante que la LT4 seule sur un certain nombre de paramètres cognitifs évalués par une batterie de tests et d’échelles psychométriques. Ces résultats ont été depuis contestés.

B – MODALITÉS :

Les modalités d’installation du traitement dépendent du contexte.

Le principe d’une montée en charge progressive de la posologie est généralement admis, encore que certains préconisent l’administration d’emblée de la dose pleine et entière chez les sujets jeunes sans risque cardiovasculaire ou au décours d’une thyroïdectomie.

Chez le sujet âgé, il est indispensable d’utiliser des doses initiales faibles (12,5 ou 25 µg), de respecter des paliers plus ou moins longs de 2 à 4 semaines afin de ne pas déstabiliser une cardiopathie sous-jacente marquée par l’hypothyroïdie.

La dose moyenne nécessaire diminue avec l’âge et est globalement estimée à 100 ± 8 µg/j contre 130 ± 6 µg/j chez les sujets jeunes.

Chez un sujet porteur connu d’une coronaropathie, plusieurs attitudes sont à envisager.

La première consiste à traiter très précautionneusement avec une dose initiale de l’ordre de 6,25 ou 12,5 µg et des paliers de progression du même ordre à intervalle de 15 jours ou plus.

La vigilance clinique et électrocardiographique doit être constante afin de prévenir une ischémie aiguë ou une mort subite.

Une prescription adjuvante de dérivés nitrés doit être prudente en raison du risque d’hypovolémie.

Le recours aux bêtabloqueurs cardiosélectifs avec activité sympathomimétique intrinsèque en cas de bradycardie est utile mais non anodin dans la mesure où le rendement cardiaque peut diminuer.

Une autre attitude consiste à attendre le bénéfice d’une chirurgie de revascularisation ou d’une angioplastie avant de rechercher la normalisation de la TSH ou même de débuter le traitement substitutif.

Il existe autant d’arguments pour la chirurgie première que pour l’hormonothérapie première.

L’absence de substitution augmenterait le risque de complications chirurgicales avec des troubles du rythme et de la conduction dus à une mauvaise réactivité du myocarde.

Chez la femme enceinte, les besoins hormonaux augmentent au fur et à mesure du déroulement de la grossesse d’environ 20 à 45 %.

Il n’existe aucune réserve quant à l’utilisation de lévothyroxine au cours de la grossesse ou de l’allaitement.

La possibilité d’une hypothyroïdie transitoire est à envisager lorsque l’hypothyroïdie est secondaire à une thyroïdite silencieuse, aiguë ou du post-partum.

Dans bien des cas, il est possible de se dispenser d’un traitement substitutif lorsque l’hypothyroïdie est fruste et asymptomatique.

En cas de substitution, une tentative d’arrêt du traitement est à tenter de principe après quelques mois, seule façon de confirmer le caractère définitif de l’hypothyroïdie.

L’hypothyroïdie iatrogénique médicamenteuse est l’occasion de s’interroger sur le bien-fondé du traitement causal.

Au cours d’un traitement justifié par amiodarone, lithium ou cytokine, il est admis de poursuivre le traitement sous couvert d’une substitution hormonale dont le but est de corriger la TSH.

Dans le cas de l’hypothyroïdie fruste, le vrai débat concerne les modalités de traitement de l’hypothyroïdie fruste par manque d’essais thérapeutiques comparatifs concluants.

L’abstention peut se justifier par le caractère asymptomatique et par l’incertitude quant à l’évolution spontanée vers une hypothyroïdie franche.

En l’état de la question et bien qu’une étude d’intervention prospective randomisée manque encore pour convaincre totalement, les arguments indirects en faveur de la mise en route d’un traitement précoce ne manquent pas.

D’un point de vue épidémiologique, l’hypothyroïdie infraclinique constitue bien un facteur de risque indépendant de l’infarctus du myocarde et de l’athérosclérose chez la femme ménopausée et ce, même en l’absence d’anticorps antithyroïdiens.

D’un point de vue clinique, l’amélioration de la sensation de bien-être sous traitement a été bien documentée. Enfin, l’amélioration du profil lipidique est un autre argument en faveur du traitement.

Des arguments anamnestiques chirurgie thyroïdienne, irradiation métabolique ou externe sont également à prendre en compte.

En revanche, la décision peut être plus difficile à prendre en cas d’affection associée ou de coronaropathie.

Si le traitement peut accentuer l’expression de l’atteinte coronarienne, l’abstention peut favoriser l’athérogenèse.

Une appréciation régulière du statut thyroïdien par des dosages répétés de TSH est alors nécessaire.

Dans le cas de l’insuffisance thyroïdienne d’origine centrale, il est recommandé de corriger une éventuelle insuffisance corticotrope avant de débuter la substitution hormonale thyroïdienne sous peine de provoquer une insuffisance surrénale aiguë.

Après une première phase d’administration de 50 µg/j de lévothyroxine, la dose est adaptée par rapport à l’objectif qui est de normaliser la concentration de T4L sans tenir compte de la TSH qui n’a, ici, aucune utilité dans l’évaluation du statut thyroïdien.

C – TRAITEMENT DU COMA MYXOEDÉMATEUX :

L’administration de lévothyroxine se fait par voie veineuse, lente ou en bolus, à la dose de 300 à 500 µg le premier jour puis de 25 à 100 µg/j.

L’amélioration clinique survient en quelques heures.

Certains préfèrent l’administration de T3 par sonde nasogastrique à la dose de 2,5 à 25 µg pour contourner la conversion périphérique de T4 en T3.

Des doses fortes favoriseraient la survenue d’un infarctus du myocarde et de troubles du rythme.

Une corticothérapie adjuvante est souvent préconisée. D’intérêt discuté, son utilisation est cependant sans risque sous la forme d’injection intraveineuse d’hémisuccinate d’hydrocortisone à la dose de 50 à 100 mg toutes les 8 heures pendant 1 ou 2 jours.

Un réchauffement passif par des couvertures suffit à contrôler l’hypothermie, le réchauffement actif qui favorise la survenue d’un choc devant être réservé aux hypothermies extrêmes, inférieures à 30 °C.

L’assistance respiratoire doit être envisagée précocement et il est recommandé d’éviter les dépresseurs respiratoires, même en cas de convulsions.

Dans ce cas, mieux vaut traiter l’hyponatrémie par restriction hydrique et contrôler l’hypoxie ou l’hypoglycémie.

La prise en charge cardiovasculaire doit être prudente. Digitaliques et diurétiques sont à utiliser avec circonspection.

Le choc est une indication de transfusion de sang complet.

Le traitement d’une éventuelle cause déclenchante infectieuse doit être entrepris au moindre doute chez ces patients exprimant peu les signes généraux de l’infection.

En dépit de ces moyens, le pronostic du coma myxoedémateux demeure grevé d’une mortalité de l’ordre de 20 %.

Le grand âge, la bradycardie et l’hypothermie majeures, le retard apporté à l’assistance respiratoire et la polypathologie sont des facteurs de mauvais pronostic.

Surveillance du traitement :

Clinique, elle vise à s’assurer de la disparition des signes d’hypothyroïdie et à rechercher des signes d’intolérance (trémulations, tachycardie).

La surveillance biologique est complémentaire et obligatoire.

Elle est fondée sur la TSH.

La variation de ce paramètre, qui est un excellent marqueur de l’état d’imprégnation hormonale tissulaire, peut être lente.

Il convient en conséquence d’attendre quelques semaines de traitement avant de porter un jugement sur le caractère adéquat d’une substitution.

La normalisation de la TSH est souvent obtenue moyennant une valeur de T4L à la limite supérieure de la normale et, à l’inverse, une valeur de T3L à la limite inférieure de la normale.

En dépit de ces dissociations entre les valeurs de TSH et des hormones thyroïdiennes non liées, il semble que la TSH soit suffisante pour optimaliser le traitement de l’hypothyroïdie primaire.

En pratique, une surveillance de la valeur de TSH plasmatique tous les 6 mois ou tous les ans est suffisante chez les sujets compliants.

En effet, la variation des besoins en hormone thyroïdienne est assez faible chez un même individu. Les besoins augmentent avec le poids et l’activité physique et diminuent très lentement avec l’âge.

L’objectif du traitement peut se contenter d’une normalisation de la TSH, sauf dans l’hypothyroïdie centrale où le suivi se fait sur la concentration de T4L lorsque le patient est traité par lévothyroxine.

Ce n’est qu’en cas de coronaropathie active qu’il peut être sage de se contenter d’une diminution sans correction de la TSH.

Inversement, dans le cancer thyroïdien différencié traité, c’est une dose suprasubstitutive avec TSH abaissée qui est souhaitée.

Dans le cas général, le maintien à la stricte normale des valeurs de TSH corrige une athéromatose accélérée ou prévient les conséquences cardiaques et osseuses d’un surdosage, même lorsque celui-ci est asymptomatique.

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