L’être en son milieu, du rapport humain-objet-milieu au Japon comme ailleurs sur la planète

CÉCILE ASANUMA-BRICE 11 JUIN 2018

(MISE À JOUR : 11 JUIN 2018)

©Koichi Watanabe

Les pollutions chimiques diverses sont arrivées à un stade de destruction de notre environnement tel que l’on ne peut que s’interroger quant à notre incapacité à réagir, tant d’un point de vue politique que d’un point de vue individuel. Dans ce texte, nous proposons une analyse du cheminement de l’être vers son autodestruction en tentant de trouver des éléments de compréhension dans le rapport qu’il entretient à l’objet et au milieu.

Les costumes, la mise en spectacle de l’être humain dans la société de surconsommation japonaise a toujours amusé les occidentaux, parfois amenés à adopter ce qui pourtant est censé les grimer en partie. Des Cos Play, au style gothique en passant par les femmes travesties du Takarazuka, autant de pastiches d’un occident adulé qui se sont imposés en force au Japon, de façon plus pressante depuis la seconde guerre mondiale. L’être efféminé, même lorsqu’il représente le sexe masculin, a plus du mannequin que de l’acteur, plus de la poupée que de la call-girl. De l’être à l’objet, le pas est franchi dans ce pays envahi par le numérique, la robotique et autres réalités virtuelles. Malgré une poussée modernisatrice au delà du réel, le rapport au milieu s’impose néanmoins par les forces naturelles qui se rappellent à lui. En un déchirement permanent, tentant de s’exclure de se rapport à la nature, les humains, par leur volonté toujours plus grande de se « désanimaliser », vont jusqu’à détruire l’environnement qui les accueille, ne l’appréhendant plus que comme source potentielle du danger ultime, de catastrophe, de risques. Leur pensée surplombe, appauvrissant leur conception de l’environnement au rythme ou elle le rationnalise par des schémas par essence trop simplistes. Les humains se placent en gestionnaire de ce qu’ils ne voient plus que comme des ressources éventuelles. Ils tendent vers leur propre métamorphose en « chose » qui, à force de se désanimaliser, aura fini par se déshumaniser.

L’objectivation[1]de l’être

De l’être-objet, il n’y aurait qu’un pas vers son objectivation complète, et c’est ce que craignent, entre autres, les détracteurs des robots humanoïdes. Que les humains s’assimilent à la chose, puisqu’ils acceptent d’engager des rapports avec les choses ordinairement de l’ordre du rapport entre humains. Par inversion/confusion des rôles, les humains pourraient alors traiter le vivant comme la chose, pratiques ayant déjà cours si l’on considère les maltraitances des animaux dans l’industrie alimentaire, mais également celles de l’être humain sur lui-même dans certaines circonstances particulières. Pourtant, relate Agnès Giard[2], le fait que l’être humain recherche la proximité d’un objet à son image, réfère plus à un besoin qu’aurait l’homme de se rappeler à lui-même. La similitude humaine apparente de l’objet, loin de mettre l’humain en péril, le rappellerait, au contraire, à la vie, en lui permettant de faire resurgir pour mieux les projeter sur son congénère de plastique, caractères et sentiments humains que notre société inhibe. L’objet existerait ici en tant que support, exutoire au désespoir de ne pouvoir vivre en développant un rapport à l’autre « familier ». L’objet, l’artéfact se substitute au verbe dans l’impossibilité de mettre des mots sur les maux. On peut néanmoins considérer que cette attitude de projection sur la chose, si elle nous rappelle au vivant, c’est dans son extrême finalité, comme dans un dernier geste convulsif désespéré visant à combler une individualité trop grande, une solitude trop lourde, le vide de l’être recroquevillé dans son unique fonctionnalité économique.

Mimer n’est pas être

Selon Maurice Benayoun[3], si les mimiques corporelles peuvent être imitées, elles sont limitées et surtout, dénuées de l’âme qui anime chacun d’entre nous. Pour reprendre les termes d’Augustin Berque : « C’est que le vivant est capable de sentir (…), il peut à la fois sentir les choses à l’extérieur et se déterminer corrélativement dans un certains sens, donc faire la différence entre soi et non-soi. (…) Cela veut dire que, contrairement à ce que professe le mécanicisme, le vivant est doué de subjectivité – le fait d’avoir un soi»[4]. Et cela fait toute la différence. Si les expressions faciales ou plus généralement physiques, langage complémentaire, de fait, normatif, par lequel s’exprime une partie de nos sentiments sont aisément reproductibles en ce qu’elles sont dépendantes de codes, cela ne peut en rien prétendre à remplacer la totalité de l’être humain.

La robotisation industrielle est un autre champ que nous n’évoquerons pas ici. Cette dernière aura été certes utile afin de remplacer les humains dans certaines tâches répétitives pénibles, et aurait pu être un atout, une fois le pied mis dans le système industriel, s’il s’était agit de permettre aux ouvriers en charge de ces emplois d’accéder à une fonction plus gratifiante. La déficience du système vient du fait que cela ne fut quasiment jamais le cas et qu’en plus de se soustraire à des lieux de travail et de sociabilité, la robotisation industrielle s’est substituée, dans la plupart des cas, aux emplois eux-mêmes.

© Koichi Watanabe – oeuvre autour de la danseuse Motoko HIRAYAMA

Les robots, une extension sociale comme une autre ?

Les robots étant une extension de la production sociale en ce qu’ils sont produits par les humains, nous rappelle Anne Sauvagnargues[5], représentent l’une des formes d’objectivation de l’être. Extension sociale salvatrice, lorsqu’il s’agit des prothèses pour handicapés par exemple, ou au contraire, destructrice, s’agissant de robots-tueurs développés pour des utilisations militaires. Ils ne sont qu’un outil créé par les humains pour les humains et n’ont pas d’existence individuelle propre. Pas pour le moment en tous les cas, rétorque Dominique Lestel[6], qui, quant à lui, reste bien plus réservé sur les perspectives évolutionnistes des nouveaux robots domestiques de type Aibo (dernier chien-robot développé par Sony). Ceux-ci, ont la faculté, en reproduisant nos mimiques faciales, de générer chez nous l’empathie. Dans les faits, ils sont programmés afin de happer, par enregistrements filmiques et sonores, le plus de données personnelles possibles sur leur propriétaire, données qui viendront alimenter le flot des big data en cours d’élaboration dans le monde entier.

Dominique Lestel, dans son ouvrage « A quoi sert l’homme ? » relate la façon dont l’homme occidental s’est peu à peu distancié de la nature au point de ne pouvoir l’appréhender que comme un adversaire hostile et potentiellement nuisible. L’humain produirait les objets de sa propre destruction, en s’éloignant toujours plus de son milieu originel. « Tout se passe donc comme si les sociétés occidentales s’étaient constituées contre la Nature en général et contre l’animal en particulier». L’anthropocentrisme occidental a, tout au long de son histoire, travaillé à déconnecter l’humain de son milieu animal et végétal, de Descartes au mouvement humaniste européen. Ce dernier « a considéré que rabaisser l’animalité constituait un tremplin pour l’élévation de l’homme ». Plus récemment notre mode de consommation alimentaire industriel ne fait que renforcer le dédain de l’humain envers l’autre vivant, au point de le considérer comme objet sans âme que l’on pourrait incarcérer de sa naissance à son abattage, car uniquement perçu comme ressource alimentaire.

Danseuse : Motoko HIRAYAMA, Sculpture et panel : Koichi WATANABE, New National Theater, Tôkyô, 2007 – Photo ©Koichi WATANABE

On an earth

C’est ce rapport au milieu, que l’artiste Koichi WATANABE, professeur d’arts à l’université de Fukushima, en visite aux Beaux Arts à Paris jusqu’en septembre 2018, tente de faire renaître dans ses œuvres issues de ce qu’il nomme une anatomie de l’art. Parmi elles, « On an earth », une carte topographique de la préfecture de Fukushima imprimée en trois D, recouverte d’eau, est renfermée dans un coffret illuminé par un éclairage ultraviolet. La chaleur générée par la source lumineuse engendre la création de nuages qui mettent en évidence les voies de circulation atmosphérique. Le Japon est un pays montagneux, subissant les influences du climat subtropical. En été, il y fait extrêmement chaud et humide. C’est la raison pour laquelle la géomancie chinoise était utilisée pour leur localisation. Non seulement afin qu’elles soient protégées par les forces célestes, mais également pour déterminer une localisation propice au passage des vents, et remédier ainsi à leur enclavement montagneux. Fukushima n’a pas échappé à cette règle. L’urbanisation s’y étend en longs couloirs laissant pénétrer brises et bourrasques, comme appelant un long courant d’air frais venant des océans. C’est ce canal dévoué aux émanations marines qu’emprunteront une partie des nucléïdes transportés par les vents lors de l’explosion de la centrale nucléaire de Fukushima Dai ichi en mars 2011.

©Koichi Watanabe – On an earth, Fukushima – 2011

Koichi Watanabe est né à Yûbari, une ville minière de Hokkaido. « Quand j’étais au collège, il y a eu un accident dans la mine de mon village. Mes amis de classe sont arrivés le matin en pleurant. La plupart d’entre eux avait perdu un de leurs parents dans l’accident. Il y a eu un coup de grisou, et la mine a pris feu. Afin d’éteindre l’incendie, les habitants ont noyé la mine et l’ont fermée. Beaucoup de gens sont morts dans les entrailles de cette terre qui les nourrissait pourtant, …avant. Et puis il y avait ceux qui étaient en vie mais avaient désormais perdu leur emploi. Pour redonner une activité économique à cette région, on y a développé le tourisme, comme on donne une carotte à l’âne qui désormais refuse d’avancer. Le site macabre a été recouvert de parcs d’attraction dans lesquels grandes roues, montagnes russes et autres manèges à sensation offrent les divertissements nécessaires à l’oubli. Il se passe la même chose à Fukushima. La région vivait en grande partie du travail de la centrale. Et lorsqu’elle a explosé, tout a été détruit, sali, et les gens qui restent n’ont plus rien». Sans évoquer le phénomène du black tourismqui fait fureur aujourd’hui tant à Tchernobyl, qu’à Fukushima. La logique de rentabilisation économique s’est insinuée dans les moindres recoins de nos sociétés. La mort-même devient l’un des marchés des plus euphorisants pour ces foules de consommateurs pris au piège dans le rapport d’addiction qui les lie au système les détruisant.

© oeuvre de Koichi Watanabe – sans titre

Ressusciter le milieu

A travers sa production artistique variée, ce professeur de l’université de Fukushima cherche à faire passer deux messages principaux : « Nous vivons dans un milieu, composé d’arbres, de fleurs, de végétaux, d’animaux divers qui nous entourent, nous évoluons sur la terre, etc. Lorsque les politiques de production énergétique ont été mises en place, tout a été détruit. Que ce soit à Fukushima ou à Yûbari. …de la même manière». Le deuxième point, est relatif à la communauté, aux liens qui relient les personnes entre elles indépendamment de leur lieu de vie. « L’être existe dans son rapport à l’autre. Par exemple dans le cas de Fukushima, les fêtes de saison et autres évènements culturels transmis de génération en génération qui regroupaient les habitants d’une communauté afin de leur rappeler ce rapport au milieu, tout cela a été broyé par la catastrophe. C’est ce que je tente de faire renaître à travers mon travail. »

Par cette sculpture géomorphée, Koichi Watanabe montre que Fukushima n’est pas enserré entre des murs, mais bien relié au reste de la terre, aux régions qui l’entourent par les montagnes, les cours d’eaux, les vallées. Tochigi, Ibaraki, Miyagi, autant de régions qui elles aussi ont été souillées par l’explosion de la centrale. Ainsi, résumer le désastre à une toponymie sélective en n’évoquant pour désigner la catastrophe que le seul nom de Fukushima, restreint artificiellement l’ampleur du désastre.

©Koichi Watanabe – «Arbres (4 saisons)» 1991, Musée d’art contemporain d’Hokkaidô

« La ville mère a dévoré sa fille », Kurozuka

Les deux films composant l’oeuvre Kurozuka, écrits par Koichi Watanabe, réalisés par Akira Taka et Koji Fujita, mettent en scène les danseurs de butô Motoko Hirayama et Yoshito Ôno. Inspirés d’un comte traditionnel de la région de Fukushima, l’histoire raconte celle d’une mère citadine dont la fille était gravement malade. Le seul remède préconisé pour sauver la jeune princesse fut de lui faire manger le foie d’un nourrisson. La nourrice quitte la ville, se rend à Fukushima, y tue une femme enceinte pour arracher le foie des entrailles de son fœtus. Mais alors qu’elle détient la viscère, la mère nourricière réalise que le nourrisson assassiné de ses mains était sa propre fille.

©Koichi Watanabe – Kurozuka, écrits par Koichi Watanabe, réalisés par Akira Taka et Koji Fujita

« De la même façon, la société d’électricité TEPCO est venue construire une centrale nucléaire à Fukushima pensant que cette campagne reculée n’avait guère de lien avec la ville dont elle était issue. Mais lorsque la centrale a explosé, la prise de conscience s’est opérée et cette entreprise a réalisé qu’elle portait la responsabilité de la catastrophe. Bien que les régions soient disparates dans l’espace, elles sont, dans les faits, toutes reliées. Il en est de même pour les êtres».

Le rapport à la terre s’est métamorphosé au rythme des aménagements qui y ont été faits. Comparant la peau de l’humain à l’écorce terrestre Koichi Watanabe transcende les couvertures bitumées pour ressusciter les surfaces originelles. En reprenant les écrits de Léonard de Vinci qui comparent les veines aux méandres des rivières, Koichi Watanabe se laisse guider par son professeur d’anatomie, Miki Shigeo, selon lequel les arbres qui poussent de la terre et étendent leurs branchages sont une extraversion, tandis que l’introversion consiste à observer ce qu’il y a à l’intérieur de notre corps. « Si l’on apprend à connaître la partie interne de notre corps, on peut accéder à la compréhension de notre environnement». A l’intérieur de nous se trouve le milieu, comprenant les images par lesquelles on l’interprète et le transforme à l’extérieur.

Léonard de Vinci (1452-1519). Les muscles et veines du bras et du torse, 1510. Dessin au crayon et encre à l’eau, recouvert de craie noire (28.9X19.9cm). Collection royale du Château de Windsor[7]

Cette proposition d’une nouvelle écosophie, pour reprendre les termes de Félix Guattarin’aura de cesse de rechercher une nouvelle direction dans l’espoir de pouvoir reprendre un jour le contrôle d’ « une telle situation qui nous fait constamment frôler des catastrophes d’autodestruction »[8]. Mais, un simple éveil des sens au monde ne serait suffire. Il y a, avant tout, nécessité de réconciliation entre l’humain et ses actes. Une réconciliation qui ne peut que passer par la reconnaissance par l’humain de son animalité afin de sortir de notre situation d’inhumanité positive[9](Annie Le Brun). Car « à refuser notre animalité, nous en avons regagné une autre, devenue d’utilité publique, dès lors que la réalité nucléaire nous a laissé devant le gouffre qui sépare ce que nous prétendons être et ce que nous faisons». Or, par le biais de la technique que nous produisons, nous dissimulons nos actes dont les conséquences n’ont, de fait, plus de causes, puisque l’intervention humaine ne semble plus être à l’origine du désastre. Celui-ci ne serait plus engendré que par la technique elle-même, et c’est donc à elle que l’on cherchera à s’en prendre, en l’améliorant, en augmentant les règles de sécurité qui l’entourent, en la renforçant de toute part.

©Cécile Asanuma-Brice – Les sacs de terres contaminées dans le village déserté d’Iitate, préfecture de Fukushima, avril 2018.

En somme, si l’objet technologique peut nous aider dans certaines taches, être un support thérapeutique, éducatif ou encore un moyen d’expression artistique, il ne saurait en rien remplacer le vivant, se substituer au milieu ou venir s’interposer entre les deux. Telle ne peut être sa fonction, malgré certains trompe-l’œil technologiques qui peuvent prêter à confusion. Bien qu’extension de la production sociale, il reste néanmoins difficile d’envisager de devoir passer par la machine pour retourner au milieu, et c’est bien sur une nouvelle articulation entre objet, vivant et milieu à laquelle il nous faut réfléchir en considérant « la chose » comme production et en cela composante de la culture humaine, mais qui ne saurait prendre sens que parce que l’esprit humain projette sur elle du signifiant.Pour reprendre les termes d’Augustin Berque qui lors d’une conférence sur l’anthropocène[10], rappelle qu’il serait préférable de parler « de capitalocène, d’occidentalocène ou de consumérocène, car cette responsabilité n’est pas celle de l’anthrôposἅνθρωπος en général, mais celle d’un certain type de civilisation, dont ne profite qu’une minorité, à l’exclusion des autres humains », on voit bien ici la nécessité de repenser la dualité ontologique entre l’être humain et le milieu terrestre qui ne peut persister en l’état sans engendrer la disparition de l’un ou de l’autre. Pour ma part, je serais moins conciliante vis à vis de l’anthrôpos qui est bien à l’origine du « capitalocène, de l’occidentalocène ou de consumérocène » dont il est l’auteur à part entière. Une des avancées possible pourrait certainement être celle de reconnaître la responsabilité de l’humain dans ce qu’il produit et cesser de responsabiliser les techniques ou les systèmes produits par l’humain, qui par essence (en tant que système) ne peuvent être responsabilisés.

[1]Nous entendons ce terme ici comme processus désignant la transformation d’un être vivant en objet et non dans son utilisation courante de mise à distance d’une situation.

 

 

[2]Voir : Agnès Giard,Un désir d’humain. Les « love doll » au Japon, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Japon », 2016, 376 p., ISBN : 978-2-251-72229-0.

[3]Artiste et théoriste new-média, conférence Ecotique, Ambassade de France au Japon, janvier 2018.

[4]Exposé d’Augustin BERQUE (2013), Sujet, sens et milieu, La trajection du physique au sémantique.

[5]Lire : Anne Sauvagnargues (2016) Artmachines : Deleuze, Guattari, Simondon, Edinburgh University Press

[6]Lire : Dominique Lestel (2015), A quoi sert l’homme, édition Fayard.

[7]Site de l’université Paris Ouest Nanterre La Défense : https://imageetinformation.wordpress.com/2014/09/0…

[8]Felix Guattari, Les trois écologies, Galilée, 1999.

[9]Annie Le Brun, Ibid.

[10]Augustin Berque, Transhumanisme et cyborgie,ou recouvrance de la Terre ?, «Anthropocène » : qu’avons-nous fait, qu’allons-nous faire ?, Association Tapages, XIèmesRencontres, Bergerac, 3-7 avril 2018

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