Le nouveau Levothyrox ne serait-il pas exactement celui que l’on croit ? La question se pose après l’étude que vient de réaliser l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT). «Notre association ne prétend pas disposer d’une preuve indiscutable, tempère l’AFMT dans un communiqué publié ce jeudi matin, mais elle apporte un fait nouveau important car si ces résultats étaient confirmés ils pourraient constituer une explication rationnelle à cette crise, d’origine toujours inconnue.»

Cette étude est, en tout cas, troublante. Et propose indéniablement une relecture des événements survenus depuis maintenant un an avec l’arrivée de cette nouvelle formule de Levothyrox du laboratoire Merck. On s’en souvient, les autorités sanitaires avaient poussé Merck à modifier la formule de son médicament star, utilisée par près de 2,5 millions de personnes, pour stabiliser son taux d’hormones. Un changement mal préparé qui avait provoqué près de 20 000 signalements d’effets secondaires, phénomène d’ampleur aussi inattendu qu’inexpliqué, le labo affirmant qu’il n’y avait rien de nouveau dans la nouvelle formule, juste une simple modification des «excipients». Bizarre, d’autant que l’ancienne formule, utilisée depuis des années, n’avait entraîné, elle, que très peu de signalements.

«Des problèmes d’une gravité considérable»

Et voilà donc que l’AFMT s’est lancée en solitaire, en demandant à un laboratoire de plutôt bonne réputation d’analyser l’ancienne et la nouvelle formule. Leur but ? «Face à la passivité de l’Agence nationale de sécurité des médicaments et aux tenants d’un prétendu « effet Nocebo » nous avons continué à chercher une explication rationnelle à la crise sanitaire du Levothyrox.» Cette nouvelle étude révèle «des problèmes d’une gravité encore plus considérable».

Selon l’AFMT, en comparant par chromatographie la teneur en lévothyroxine, qui est à la base du produit, d’une boîte ancienne formule (AF) avec celle d’une nouvelle formule (NF), il est apparu «que les résultats, notamment la teneur en lévothyroxine, sont normaux s’agissant de l’ »AF ». Mais qu’à l’inverse s’agissant des deux lots de « NF », la teneur en lévothyroxine est gravement inférieure aux spécifications en vigueur». Et surtout, selon cette même étude, on constate «la présence très anormale, de dextrothyroxine». Si cela se confirmait, cette présence pourrait expliquer l’épidémie d’effets secondaires. «Il revient à l’ANSM dont c’est la mission de faire expertiser, en urgence, par des laboratoires indépendants, un nombre significatif d’échantillons pris parmi les boîtes de lots de « NF » utilisés par des patients-victimes et à titre de comparaison pris sur des lots d’ »AF »», conclut l’association.

Pharmacovigilance

Pour l’ancien député socialiste et cardiologue, Gérard Bapt, – qui sert d’expert à plusieurs associations de malades –, cette étude est au minimum déroutante. «Le laboratoire n’est pas catégorique, mais il évoque une forte probabilité. La présence de dextrothyroxine, élément qui provoque des effets secondaires assez proches de ceux que l’on a observés avec la nouvelle formule, est vraiment troublante. Il faut la confirmation de nouvelles études, mais il est incroyable que ce travail soit fait aujourd’hui par une association et non par l’ANSM.»

L’agence, interrogée, ne fait pour l’instant «pas de commentaire», soulignant juste que des études avaient déjà été entreprises. Et qu’en juillet une nouvelle réunion du comité de suivi de pharmacovigilance se tiendra. Pour sa part, le laboratoire Merck a formellement démenti «ces informations fantaisistes», menaçant même de porter plainte.