LEVOTHYROX : UNE MOLÉCULE INTERDITE SUR LE MARCHÉ AMÉRICAIN POURRAIT EXPLIQUER LES EFFETS SECONDAIRES

ENVIRONNEMENT

Nouveau rebondissement dans l’affaire du Levothyrox. L’AFMT, Association française des malades de la thyroïde, a fait analyser la nouvelle formule de ce médicament. Deux anomalies ont été identifiées, en particulier la présence Dextrothyroxine, une molécule interdite sur le marché américain. Merck dément et dénonce une « déclaration infondée scientifiquement ».

500 000 patients se sont tournés vers des alternatives au Levothyrox depuis le changement de formule.
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C’est une étude qui sème le trouble sur la nouvelle formule du Levothyrox, un médicament prescrit pour traiter l’hypothyroïdie. Depuis maintenant un an, le laboratoire Merck, qui commercialise le médicament, a modifié la formule de son médicament pour, officiellement, stabiliser le produit. Mais des milliers de patients assurent avoir subi des effets secondaires indésirables à la suite de ce changement.

« Une absence absolue de traçabilité »

« Une nouvelle étude menée à notre initiative, révèle des problèmes, d’une gravité (…) qui, s’ils sont confirmés, pourraient constituer un élément, déterminant, d’explication de cette crise », avance l’AFMT, Association française des malades de la thyroïde. L’association, qui a fait analyser l’ancienne et la nouvelle formule par un laboratoire indépendant étranger, a trouvé, d’une part, une teneur en Lévothyroxine « gravement inférieure aux spécifications en vigueur » et, d’autre part, « la présence, très anormale, de Dextrothyroxine ».

Or « la dextrothyroxine a été retirée depuis plusieurs années du marché américain car elle provoquait des effets indésirables comme ceux du Levotyhrox nouvelle formule. Là, on est dans une absence absolue de traçabilité ; Merck refuse de dire où sont fabriqués les composants de ces comprimés », affirme à La Dépêche l’ancien député et médecin-conseil de l’AFMT, Gérard Bapt.

L’association ne donne aucun détail sur ses méthodes

Le laboratoire Merck, de son côté, dément. « Une fois encore, l’AFMT fait une déclaration infondée scientifiquement. Aucun détail n’est donné quant aux méthodes utilisées et aux conditions dans lesquelles ces études ont été réalisées. Aucune présentation exhaustive des résultats n’est communiquée. Aucune information sur le laboratoire sollicité pour les analyses », écrit le laboratoire dans un communiqué.

« Dans ce contexte devenu délétère, Merck va prendre les mesures nécessaires pour faire cesser ces diffusions de prétendues déclarations non scientifiquement fondées, qui ne font qu’inquiéter les patients et déstabiliser la communauté médicale », prévient Valérie Leto, pharmacienne responsable de Merck.

De fait, l’AFMT refuse pour l’instant de dévoiler la méthodologie et le nom du laboratoire qui a effectué l’analyse pour ne pas violer le secret de l’instruction. Et ajoute : « notre association ne prétend pas sur une seule étude disposer d’une preuve indiscutable, mais d’un fait nouveau important ».

Elle demande au ministère de la Santé et à l’Agence de sécurité du médicament (ANSM) de « sortir de leur inertie »et de « mener en urgence toutes les investigations nécessaires ». Pour sa part, l’ANSM rappelle qu’elle a mené depuis 2017 « des analyses pour vérifier la qualité de la nouvelle formule de Levothyrox qui ont confirmé sa conformité ».

Un risque financier pour le laboratoire

Depuis la mise sur le marché du nouveau médicament utilisé par près de trois millions de Français, le ministère de la Santé estime à 500 000 sur le nombre de patients qui se sont détournés du produit. Au-delà d’un risque réputationnel, le laboratoire Merck Serono s’expose également à un risque financier s’il s’avère coupable.

D’autres en ont déjà fait les frais. En 2004, aux États-Unis, l’anti-inflammatoire Vioxx a causé la mort d’environ 40 000 personnes. Le groupe Merck and Co, concurrent de Merck Serono (filiale de Merck KGaA) qui avait connaissance des risques trois ans auparavant, a déboursé 4,85 milliards de dollars en 2017 pour indemniser les victimes et 1,9 milliard en frais de justice. En 2011, 950 millions de pénalités puis, un an plus tard, à la suite de deux nouvelles class action il s’est acquitté de 220 millions de dollars à des consommateurs et 830 millions à des investisseurs. Reste à savoir si l’affaire du Levothyrox suivra le même parcours.

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