Le scandale du Levothyrox prouve la faillite de l’alerte en France

Nous attendons des réponses des autorités sanitaires et une alternative à la nouvelle formule du Levothyrox dans les plus brefs délais.

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Le scandale du Levothyrox prouve la faillite de l’alerte en France

Le Levothyrox, fabriqué par le laboratoire allemand Merck est l’un des médicaments les plus prescrits en France. Trois millions de patients souffrant de troubles thyroïdiens l’utilisent. Mise en service fin mars 2017, la nouvelle formule du Levothyrox réalisé par le laboratoire Merck à la demande de l’ANSM avait pour objectif d’uniformiser le produit, d’améliorer sa stabilité. Le principe actif n’aurait pas changé. Il s’est agi de supprimer un excipient (le lactose) par le mannitol et l’acide citrique anhydre. Ce changement de formule a eu lieu à la demande de l’ANSM à Merck en 2012.

A partir du mois de mai des dizaines de remontées de patients signalant des effets indésirables ont eu lieu à l’AFMT et l’ANSM a été alertée. Une nouvelle fois, comme pour chaque sandale sanitaire, les autorités sanitaires ont réagi par le déni et le mépris de la souffrance de femmes (le plus souvent) victimes d’effets secondaires terriblement handicapant:lourde fatigue, crampes, paralysie, vertiges, maux de têtes, problèmes digestifs, déprime… Il a fallu attendre le 23 août et un article du Parisien pour que l’ANSM réagisse enfin (quoique mal ou pas suffisamment) en mettant en place un numéro vert. Hier, dans la précipitation, la Ministre de la santé annonçait la mise en place d’une mission d’information.

La pétition citoyenne lancée par une victime de la nouvelle formule a été signée par plus de 200.000 personnes. 75.000 appels ont été enregistrés fin août après les 2 premiers jours de fonctionnement du numéro vert mis en place par l’ANSM.

A l’instar d’Anny Duperey nous exigeons la mise sur le marché d’une alternative à cette nouvelle formule du Levothyrox: « Rendez-nous l’ancienne formule du Levothyrox! Ou tout du moins, laissez-nous le choix entre l’ancienne ou la nouvelle formule ». Tous les autres pays européens offrent le choix aux personnes malades de la thyroïde entre plusieurs princeps et plusieurs génériques. Pourquoi la France se distingue t-elle?

Il y aurait eu au moins 1500 cas graves d’effets indésirables liés au Levothyrox nouvelle formule recensés sur la base nationale de pharmacovigilance (BNPV) de l’agence qui enregistre les cas.

Ce n’est pas qu’une « crise d’information » comme l’affirme la Ministre de la Santé mais c’est bien une crise sanitaire!

Cette crise révèle un dysfonctionnement dans l’alerte et la pharmacovigilance qu’il convient de résoudre au risque de voir foisonner les scandales sanitaires dans les années à venir. En 2015, un rapport sur le bon usage du médicament avait été remis à la ministre de la Santé, Marisol Touraine. Il prévoyait précisément des cas de figure de ce genre. Dans le rapport était suggéré un dispositif simple: que tous les médecins, quand ils entrent dans leur cabinet le matin, aient une alerte sur leur ordinateur leur demandant d’être vigilants sur tel ou tel point. Rien n’a été fait.

Il faut agir maintenant sans attendre. Un autre rapport de l’IGAS toujours en 2015 pointait de nombreuses faiblesses affectent la surveillance et la sécurisation du médicament. » Les inspecteurs signalent « des fragilités en situation d’urgence et de gestion de crise » et dépeignent des agents stressés, travaillant sous pression, « avec la peur de rater quelque chose ». Ils précisaient que « les personnes rencontrées sont apparues dans de nombreux cas épuisées et [que] les managers ont évoqué spontanément plusieurs cas de « burn-out » dans leur service ».

Ils concluaient: « Compte tenu de la charge de travail et de la pression psychologique auxquelles le personnel est soumis, la situation actuelle n’est pas pérenne. Elle est non seulement porteuse de risques pour la santé physique et mentale du personnel, mais elle constitue un possible facteur de détérioration de la qualité du travail rendu par l’ANSM. »

Aussi beaucoup de questions restent en suspens et on a l’impression que les autorités improvisent, tergiversent, mentent pendant que les effets secondaires galopent:

– Pourquoi l’ANSM a t-elle demandé en 2012 le changement de formule du Levothyrox? Quid des effets secondaires du lactose? (première explication)

– Quid de l’instabilité du produit? (nouvelle explication)

– Pourquoi les essais de bioéquivalence ont été faits uniquement sur des volontaires sains? Pourquoi en France la nouvelle formule n’a pas été testée sur des personnes prenant le médicament contrairement à la Belgique?

– Pourquoi l’Agence du Médicament Belge a communiqué sur le changement de formulation d’un médicament équivalent en 2015 auprès de chaque patient et pas l’ANSM?

– Pourquoi avoir menti sur la pénurie supposée de L-Thyroxine du labo Serb en faisant de surcroît culpabiliser les victimes de la nouvelle formule du Levothyrox?

– Pourquoi refuser la coexistence de plusieurs produits comme cela se fait dans les pays voisins?

Nous attendons des réponses des autorités sanitaires et une alternative à la nouvelle formule du Levothyrox dans les plus brefs délais.

Cette tribune est également signée par Chantal Lhoir, présidente-fondatrice de l’association française des malades de la thyroïde –AFMT

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