Lyme : désaccord profond entre la HAS et l’Académie de médecine

Paris, le mercredi 4 juillet 2018 – Après des mois de discussions, souvent houleuses, la Haute autorité de Santé (HAS) a rendu publiques le 20 juin ses nouvelles recommandations de bonnes pratiques pour la prise en charge de la « Borréliose de Lyme et autres maladies vectorielles à tiques ». Alors qu’en dépit du consensus contraire d’une large majorité de sociétés savantes, une poignée de médecins soutient l’existence de formes chroniques atypiques de la maladie de Lyme, la HAS a tenté un acrobatique consensus en proposant une nouvelle classification, inédite et encore unique au monde. A travers la symptomatologie/syndrome persistant(e) polymorphe après piqûre de tique (SPPT), dont l’imprécision du nom traduit déjà les difficultés de définition, la HAS ouvre la porte à une reconnaissance des cas pour lesquels aucune autre étiologie n’a pu être confirmée.

Des propositions ineptes et dispendieuses

On le sait, la plupart des spécialistes des maladies infectieuses ont manifesté leur incompréhension face au choix de la HAS, qu’ils considèrent comme dangereux car encourageant potentiellement certaines dérives et notamment la prescription d’antibiothérapie au long cours dont l’utilité et l’efficacité n’ont jamais été démontrées et dont les risques sont multiples à l’échelon individuel et collectif. S’inscrivant sur cette même ligne, l’Académie nationale de médecine évoque à son tour sa grande « déception». « Loin de clarifier la situation, l’HAS voulant contenter tout le monde ne satisfait personne. Elle maintient l’ambiguïté, en particulier sur la notion de Lyme chronique, à travers ce qu’elle dénomme « symptomatologie / syndrome persistant(e) polymorphe après piqûre de tique ou SPPT « . L’HAS reconnaît de fait implicitement l’existence d’une telle pathologie sans la moindre preuve avec, pour conséquence, des propositions de prise en charge lourde impliquant des investigations nombreuses, couteuses et souvent inutiles. Quant à vouloir créer des « centres spécialisés des maladies vectorielles à tiques » , l’Académie tient à émettre fermement ses plus extrêmes réserves sur une proposition dispendieuse qui tend à désavouer l’expertise des services de maladies infectieuses et tropicales existants » détaillent les sages dans un communiqué rend public hier.

Une méthodologie à géométrie variable

Au-delà de la maladie de Lyme, dans une période où la diffusion de théories scientifiques alternatives connaît un succès croissant et où la parole des « experts » est de plus en plus discréditée, cette prise de position de la HAS, à la frontière entre la diplomatie politique et la médecine basée sur les preuves, complexifie un peu plus la transmission d’informations raisonnées. L’analyse détaillée des recommandations de la HAS paraît en effet confirmer que la rigueur scientifique a été éprouvée.
Ainsi, les guides méthodologiques de la HAS concernant notamment la lecture des articles invitent à appliquer une grille, qui conduit généralement à ne retenir qu’un très petit nombre d’études. Le médecin et blogueur Hervé Maisonneuve note ainsi que sur « 195 revues systématiques, le taux moyen de sélection des articles était de 3 % ». Pourtant, pour la maladie de Lyme, jusqu’à 40 % des études ont été retenues, y compris des travaux ne portant que sur un très petit nombre de patients, qui ne peuvent avoir de valeur qu’expérimentale et non pour établir des recommandations générales. Où l’on voit que les institutions qui ont pu hier être épinglées pour différents conflits d’intérêt, continuent à connaître des difficultés variées.

Aurélie Haroche

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