Procès Levothyrox: Anny Duperey accuse

Par Sophie Viguier-Vinson modifié le 
Procès Levothyrox: Anny Duperey accuse
L’actrice a été l’une des victimes de la nouvelle formule du Levothyrox. Elle se confie à la veille de la première audience de l’action collective devant la justice civile contre le laboratoire Merck, le 3 décembre.

Notre Temps: Qu’est-ce qui vous a poussé à porter plainte contre Merck en septembre dernier? 

Annie Duperey: Je venais de vivre plusieurs mois très difficiles, sans comprendre la cause de multiples symptômes, tels que des maux de tête et des vertiges, desdouleurs articulaires et des crampes, une faiblesse musculaire soudaine et un épuisement général, sans parler des troubles digestifs invalidants. J’ai fait le rapprochement avec la nouvelle formule du Levothyrox que je prenais, en découvrant la pétition lancée sur internet par Sylvie Robache. Là, j’ai compris. 

Ma colère a peu à peu grandi devant le mépris des autorités concluant, un peu trop vite, à un problème de communication, au lieu de reconnaître une véritable crise sanitaire. Je n’ai donc pas hésité à déposer ma plainte, portée au pénal par l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT), comme celle de nombreuses autres personnes. Avec les représentants de plusieurs associations, nous avons alors été reçus par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Mais mon malaise n’a fait que s’amplifier et je lui ai adressé, dès le lendemain, une lettre ouverte. 

N.T.: Pour dénoncer quoi?

A.D.: On nous a expliqué que l’ancienne formule du Levothyrox était instable alors qu’elle avait très bien fonctionné pendant des années. On nous a dit que la demande de ce nouveau médicament provenait de l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), alors que Merck y travaillait au préalable et avait annoncé en amont sa diffusion dans toute l’Europe. On nous a assuré aussi que les effets secondaires seraient transitoires, alors qu’ils n’ont pas diminué d’intensité. Cette façon de les minimiser, en invoquant des troubles dépressifs, est même à mes yeux une nouvelle violence faite aux femmes car nous sommes nettement plus nombreuses à souffrir d’hypothyroïdie que les hommes. Hier, on aurait pu parler d’hystérie… Mais ce n’est pas tout: les Français ont servi de cobayes parce qu’ils n’avaient pas d’alternatives médicamenteuses. Nous avons donc été pris en otages.

N.T.: Qu’attendre du procès aujourd’hui?

A.D.: Un procès civil s’ouvre pour indemniser les victimes des effets secondaires mais ce n’est qu’une première étape, car un procès se prépare également au pénal. Un juge d’instruction a même été saisi par le Procureur de la République de Marseille pour que la vérité soit enfin établie grâce à une enquête, et notamment par des expertises sur la composition des médicaments. C’est ce qui m’importe le plus! Des analyses indépendantes ont déjà été réalisées à partir des premiers lots de Levothyrox. Elles mettent en évidence un dosage insuffisant en levothyroxine (le principe actif de référence) et la présence anormale de dextrothyroxine qui est potentiellement dangereuse. 

Ces résultats n’ont pas été confirmés par l’analyse de lots récents. La formule aurait- elle été modifiée entre-temps? Et qu’a-t-on voulu cacher? En attendant, nous continuons à demander un retour à l’ancien Levothyrox. Rien ne devrait s’y opposer car le brevet de sa formule tombe dans le domaine public en 2019. Elle semblerait facile à copier et son générique sera peu coûteux pour la Sécurité sociale. 

N.T.: Allez-vous jouer un rôle particulier dans le procès qui s’ouvre?

A.D.: Je ne suis qu’une plaignante parmi d’autres, je n’ai aucun rôle juridique spécifique à tenir. Si je n’entends pas devenir « Madame Levothyrox », je vais continuer à m’engager autant que possible auprès de l’AFMT pour faire connaître son action et soutenir la cause de toutes les victimes. Avant le procès au pénal, l’enquête promet d’être longue et l’affaire ne doit pas être oubliée. 

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