Essure, Dépakine, Médiator… Qui est Charles Joseph-Oudin, l’avocat qui combat les laboratoires ?

PORTRAIT A 35 ans, cet avocat parisien s’est spécialisé dans la défense des victimes de médicaments depuis le scandale du Médiator…

Vincent Vantighem

Nanterre (Hauts-de-Seine), le 10 septembre 2015. L'avocat Charles Joseph-Oudin lors d'une audience consacrée à l'affaire Médiator.
Nanterre (Hauts-de-Seine), le 10 septembre 2015. L’avocat Charles Joseph-Oudin lors d’une audience consacrée à l’affaire Médiator. — DOMINIQUE FAGET / AFP

Ce matin-là, Charles Joseph-Oudin est un peu enrhumé. L’avocat s’occupe les mains avec un tube d’aspirine durant un bon quart d’heure avant de se résoudre à en avaler un comprimé. « Je ne suis pas anti-médicaments, justifie-t-il dans un sourire. Je suis simplement contre les laboratoires qui mentent sur les effets secondaires de leurs médicaments… »

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Il aura encore l’occasion de le prouver ce vendredi au tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis) en demandant au laboratoire Bayer de prendre en charge les frais d’expertises de trois patientes qui se plaignent des effets indésirables du contraceptif permanent Essure. Troubles neurologiques et douleurs musculaires.

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Avant ça, il y avait eu la Dépakine, un anti-épileptique accusé d’engendrer des malformations chez les fœtus. Le vaccin contre la grippe A (H1N1) entraînant, lui, une narcolepsie chez certains patients. Sans parler du Médiator et de sa litanie de morts. L’histoire se répète. Elle met face à face, depuis huit ans, de grands laboratoires pharmaceutiques et un jeune avocat aux cheveux en bataille dont ils ont fini par apprendre le prénom, Charles, et surtout le nom : Joseph-Oudin. « Celui de mon père accolé à celui de ma mère », décrypte-t-il comme une évidence.

« Il est arrivé avec l’arrogance de sa jeunesse »

Les géniteurs étaient médecins. L’oncle et la tante aussi. Tout comme le grand-père et l’arrière grand-père. C’est sans doute grâce à eux que ce pur produit parisien dirige aujourd’hui une dizaine de salariés dans son cabinet aux allures de loft dans le 14e arrondissement de Paris. « J’ai suivi des études hyperclassiques de petit-bourgeois privilégié », assume-t-il.

Lycée Stanislas. Assas. Une année à Oxford. Et des stages dans de grands cabinets d’avocats en droit bancaire. « Parce que c’est dans cette voie qu’on oriente ceux qui sont bons… » Mais ce père de bientôt deux enfants ne voulait pas travailler pour « le grand capital ». Il prête serment le 4 novembre 2009 et installe aussitôt son cabinet dans la maison… de sa mère.

« Je travaillais dans la chambre de mon frère. Ma collaboratrice, dans celle de ma sœur qu’elle devait libérer à 18h30 quand celle-ci rentrait des cours », se marre-t-il. L’histoire de famille est en marche. Un soir, le tout jeune avocat dîne avec sa tante Catherine Hill. Épidémiologiste, elle travaille alors avec la pneumologue Irène Frachon sur les effets secondaires du Médiator.

Charles Joseph-Oudin se passionne pour l’affaire et prend rendez-vous avec la lanceuse d’alerte dans un bistrot du boulevard Montparnasse. « Il est arrivé avec l’arrogance de sa jeunesse, se souvient aujourd’hui ‘’la fille de Brest’’. Je cherchais justement des avocats vers qui orienter les victimes. Mais pas n’importe qui… Je l’ai testé. Je n’ai pas été déçue. Et je ne suis pas du genre à passer de la pommade dans le dos des gens. »

Des « patients » plus que des « clients »

Non, ça, c’est plutôt le genre de Charles Joseph-Oudin. Quand il évoque ses dossiers, l’avocat de 35 ans parle plus facilement de « patients » que de « clients ». Et quand on lui demande une anecdote, ce n’est pas une brillante plaidoirie qui lui vient en premier.

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« Un jour, à Rennes, j’ai raccompagné une malade du Médiator à la gare après une expertise. Je venais de la laisser dans son TER quand j’ai vu passer, sur le quai, un agent de la SNCF avec un défibrillateur… Elle venait de faire un arrêt cardiaque. Il l’a ranimée. Je suis resté deux jours à son chevet. Et aujourd’hui elle va très bien. »

Une « brouette » de dossiers et les médias

Mais à elle toute seule, l’émotion n’a jamais permis à un avocat de gagner une affaire. Charles Joseph-Oudin s’est donc organisé pour tout connaître de ces dossiers médicaux complexes. En ce moment, par exemple, six collaboratrices sont chargées à temps plein de disséquer, pour lui, la brouette de « dossiers Dépakine » que la postière amène chaque matin. De quoi être plus serein au moment d’entrer dans le prétoire.

« Surtout, il se débrouille très bien dans les médias. Ce qui n’est pas difficile dans son cas… », tacle gentiment Hervé Témime, le ténor du barreau avec qui il ferraille dans le dossier Médiator. La preuve ? Trois heures après notre rencontre, Charles Joseph-Oudin rappelle 20 Minutes pour apporter une précision. « Lors de notre entretien, j’ai peur d’avoir donné le sentiment que je ne m’occupe que des dossiers médicaux qui font les gros titres. Sachez que je m’occupe aussi des petits problèmes de M. Tout le monde. » Logique.  Le serment d’Hippocrate ne prévoit-il pas de « donner des soins à quiconque le demandera » ?

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