Levothyrox© nouvelle formule, aucun problème qu’ils disent
par Bernard Guennebaud | 10 Fév 2019 | c
A la demande générale nous avons demandé à notre plus intrépide mathématicien, Bernard Guennebaud, de se pencher sur la qualité substantielle de l’étude rassurante que l’ANSM nous a livré en Décembre 2018 s’agissant de l’impact du Levothyrox© nouvelle formule sur la santé de ses utilisateurs. Outre que l’on est bien obligé de croire aux résultats publiés sans bénéficier d’aucun accès aux données brutes de ce travail mais c’est une brutalité d’usage, notre cador de la statistique nous livre ici une étonnante profusion de résultats alarmants. Bonne lecture.
Chacun sait que le changement de formule pour le Levothyrox© a défrayé la chronique, beaucoup d’utilisateurs se plaignant du changement de formule. L’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament, vient de publier le 20 décembre le résultat d’une étude épidémiologique sur les effets comparés des 2 formules, l’ancienne (AF) et la nouvelle (NF) sur deux groupes de patients constitués chacun du même nombre 1 037 553, ce qui représente pratiquement l’ensemble des français traités par Levothyrox [1] bien qu’on nous laisse totalement dans l’ignorance des éventuels critères qui ont présidé à la sélection des uns et des autres .
En fait, les patients suivis en 2017 sont probablement, pour la plupart, les mêmes qu’auparavant en 2016 puisque ces derniers avaient du renoncer à l’ancienne formule qui n’était plus disponible pour poursuivre leur traitement avec la nouvelle formule.
Synthèse des résultats tels que présentés par l’ANSM
Il s’agit de la première étude fournissant des chiffres sur l’état de santé des personnes ayant initié le Levothyrox© NF au printemps 2017 à l’échelle de l’ensemble de la population traitée par lévothyroxine en France.
C’est significatif au niveau habituel de 5% quand l’écart est d’au moins 2 écarts-type. C’est très significatif quand l’écart est d’au moins 2,6 écarts-type, ce qui est le cas. On peut donc savoir ainsi que l’écart sera très significatif en faveur du groupe AF.
De façon plus précise on peut calculer la probabilité d’un tel écart qui est 3,2/1000 ou 0,32% <0,5% qui est très significatif.
L’écart resterait encore significatif en faveur du groupe AF en prenant 7,65 mois et 7,35 mois pour les durées de suivi pour les groupes AF et NF. La probabilité d’obtenir un tel écart par les fluctuations du hasard étant 2,42%<2,5% qui est le seuil habituel de significativité.
Voici un second exemple avec les pathologies de l’appareil cardio-circulatoire :
- Groupe AF : 8 702 cas
- Groupe NF : 8 472 cas
Non seulement elles sont plus nombreuses chez les AF que chez les NF mais les auteurs affirment un écart significatif en faveur du groupe NF qui aurait donc significativement moins de pathologies cardio-circulatoires qu’avec l’ancienne formule.
Pour ma part, avec des durées de suivis égales je trouve une probabilité de 3,96% pour obtenir un tel écart en faveur des NF. Ce résultat n’est pas significatif au seuil 5% car >2,5% mais il le devient au seuil 10% car <5%.
Je suppose maintenant que la durée moyenne du suivi est 7,75 mois pour les AF (7 mois et 23 jours) et 7,25 mois pour les NF (7 mois et 7 jours). La moyenne globale du suivi reste ainsi à 7,5 mois. La probabilité d’un tel écart entre les nombres de pathologies observées sera 0,45% très significative (<0,5%) en faveur des AF
Autrement dit, il y a très significativement plus de pathologies cardio-circulatoires dans le groupe NF que dans le groupe AF quand les durées moyennes du suivi sont de 7 mois et 7 jours pour le groupe NF et de 7 mois et 23 jours pour le groupe AF.
En conclusion de ces calculs, les auteurs devraient préciser exactement les durées moyennes des suivis pour chacun des 2 groupes AF et NF.
Reconnaissons le paradoxe qui trouverait une explication immédiate si la durée du suivi était plus longue de seulement quelques jours chez les AF. Cela s’imposerait pour le moins car il y a un paradoxe flagrant dans ces données :
On constate ainsi qu’il y a certainement eu des variations de plusieurs semaines entre les durées du suivi selon les participants. C’est pourquoi il est très invraisemblable que les durées moyennes du suivi soient égales dans les 2 groupes. Avoir les mêmes nombres de personnes dans les 2 groupes et une même durée du suivi simplifie beaucoup les calculs et permet des comparaisons immédiates pour le lecteur mais ce sont des conditions très peu crédibles qui ont très vraisemblablement été obtenues en »forçant » les données.
Difficile de croire qu’une revue à comité de lecture accepterait une telle publication qui est d’abord suspecte de par sa forme. Il s’agit seulement d’une présentation de résultats comme cela se fait dans les colloques et les congrès. Mais une telle présentation devrait normalement s’appuyer sur un document plus consistant qui n’est pas référencé dans cette présentation.
Ils ne disent pas comment ils ont obtenu leurs résultats, ce qui, pour rester mesuré dans la forme, est pour le moins douteux et doit conduire à pointer fermement les inacceptables lacunes et rétentions d’informations d’une publication qui a toutes les caractéristiques d’une publication de complaisance.
Et les victimes ?
Qu’ont pensé les victimes du nouveau Levothyrox et que pensent-elles aujourd’hui de cette »étude » de l’ANSM qui prétend leur »démontrer » qu’elles se portaient mieux avec la nouvelle formule qu’avec l’ancienne alors qu’elle les rendait gravement malades et leur pourrissait la vie ? L’artiste et comédienne Anny Duperey a aussi fait l’expérience de cette nouvelle formule qu’elle emmena dans ses bagages en avril 2017 pour participer à un tournage en Espagne comme elle le raconte dans une vidéo de novembre 2017 [2]. Elle va l’expérimenter au cours du tournage. Pour elle ce sera chaise longue systématique entre deux prises. Elle se sentait épuisée, prise de troubles digestifs permanents sans en comprendre l’origine. Annoncée très malade par la presse, elle a failli rater un important contrat.
Relayés par une association de malades de la thyroïde, les témoignages de milliers d’autres victimes vont lui ouvrir les yeux. Elle s’étonne de la suppression de l’ancienne formule, ce qui ne laisse pas le choix. Sa thyroïde est bien équilibrée par la nouvelle formule, ce qui montre que le problème ne vient pas de la thyroïde. De quoi ? »On ne sait pas » lui répondra la ministre, »c’est une inconnue scientifique ». Cependant, les malades seront traités de malades imaginaires, comme le confirmera »l’étude » de l’ANSM alors qu’un député affirmera qu’il n’y a pas de crise médicale mais seulement une crise médiatique…
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Sources:
[1] https://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/7065c9d2946e0128a3231f56d5865471.pdf
[2] https://www.youtube.com/watch?v=j7KHgoA2V1k
Dr Vincent Reliquet
Médecin Agréé CL
Comité Médical AIMSIB