Enquête sur les escrocs de l’autisme

>Société|Florence Méréo|01 avril 2019, 21h02|MAJ : 02 avril 2019, 6h26|8

Les parents d’enfants autistes sont de plus en plus victimes d’escrocs en tous genres qui profitent de leur désarroi pour leur vendre des traitements prétendus miracle. La Miviludes alerte.

Une hypnotiseuse explique s’être fait la main sur son beau-frère autiste. Elle propose désormais des séances à 110 euros. Oreille collée au téléphone, Olivia Cattan semble dépitée. Ce mardi 2 avril, journée mondiale de sensibilisation au syndrome qui touche 700 000 personnes en France, la présidente de SOS autisme a décidé de taper fort.

Cette vidéo, confiée à notre journal et diffusée à partir de ce mardi, la montre en train d’appeler quelques-uns de ceux qui surfent sur le désespoir des familles, leur proposant des solutions qui n’ont de miraculeuses que le toupet avec lesquelles ils les érigent en idéologie et le prix qu’ils les facturent !

Sur le marché noir de l’autisme, très en vogue sur les réseaux sociaux, on croise des naturopathes, des coachs en tout genre, et même quelques médecins. Ils préconisent des antibiotiques à foison, des antifongiques, des immunothérapies, des vitamines, des régimes sans gluten et autres extractions de métaux lourds.

Un livre qui prône l’ingestion d’eau de Javel !

« Tout cela est du charlatanisme. Rien n’a été prouvé. Il faut le dire haut et fort », affirme d’une voix claire Sophie Cluzel, la secrétaire d’État en charge des personnes handicapées. « Nous prenons cette situation très au sérieux, renchérit le Dr Jean-Marcel Mourgues, président de la section publique de l’Ordre des médecins. Il y a ceux qui enfreignent le code de déontologie mais aussi ceux qui ne sont pas des professionnels de santé et sont purement là dans l’exercice illégal de la médecine. »

Au moins six médecins sont actuellement dans le viseur de l’Ordre. Un groupe de travail, avec la Miviludes, vient d’être constitué afin « de mieux recenser ces dérives et d’être plus efficace dans la traque », explique le Dr Mourgues. Plus anecdotique, mais assez rare pour être souligné, Amazon, le géant du web vient, lui, de retirer de la vente deux livres de « remèdes » anti-autisme, dont un qui prônait l’ingestion d’eau de Javel !

Mais voilà, si des mères et des pères sont tentés de croire à ces approches et de s’en faire parfois les porte-voix les plus convaincus (et convainquant pour d’autres familles), c’est qu’il y a en France un vrai problème de prise en charge de l’autisme. « Quand ton gamin se pète ou te pète une dent à deux heures du matin et que tu n’as pas de médecin vers lequel te tourner, oui tu peux être tenté de croire aux Oméga-3 ! » s’agace Olivia Cattan, maman d’un ado autiste.

Un vrai problème de prise en charge

Dans sa vidéo, nous la voyons téléphoner à une dizaine de centres et d’hôpitaux pour – seulement – établir le diagnostic d’un enfant avec des troubles du comportement. À l’hôpital Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne), il y a un an et demi d’attente. À l’Unité d’évaluation du Morbihan, c’est deux ans de patience. Dans celle du Finistère, c’est (si, si !) trois ans et demi à quatre ans de délais pour décrocher la visite tant attendue. Sans « électrochoc », Olivia Cattan n’exclut pas, dit-elle, « d’attaquer l’État pour défaut de soins ».

Pourtant, Sophie Cluzel ne se cache pas derrière son petit doigt. « C’est parce qu’il y a une errance de diagnostic que des familles se tournent vers des charlatans, concède-t-elle. Alors, on prend le taureau par les cornes. » Dans l’escarcelle de la secrétaire d’Etat, des parcours coordonnés de soins pour les moins de sept ans, censés permettre une « intervention précoce » dès les premiers signes d’alerte, avec un reste à charge zéro pour les parents. 90 millions d’euros seront engagés. Seront-ils suffisants pour enrayer un phénomène qui ne demande qu’à s’étendre ?

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