LES CAHIERS DU LEVOTHYROX – AVRIL 2019 : DU LÉVOTHYROX AF AU LÉVOTHYROX NF OU L’HISTOIRE D’UNE « USURPATION D’IDENTITÉ » MALHEUREUSE.

(AF et NF pour ancienne et nouvelle formule)

RÉSUME : À partir de trois « entourloupes » dont deux majeures, le Lévothyrox, médicament souvent vital, pris par près de 3 millions de patients en France, s’est retrouvé remplacé par un médicament du même nom dont le rapport bénéfice/ risque est nettement défavorable avec des effets secondaires conséquents, d’une fréquence totalement inattendue, et inexpliqués (cf les 3 rapports de pharmacovigilance).

La première « entourloupe » vient du fait que l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) ne pouvait autoriser la mise sur le marché de ce médicament avec une seule étude de bio équivalence. Ce genre de pratique est admis quand il s’agit d’ajouter un médicament générique au médicament princeps ; deux médicaments sont alors disponibles. Dans le cas présent, il s’agissait de remplacer le médicament princeps par un générique ; seul le générique resterait disponible, qui plus est en situation de quasi-monopole.

Cette substitution ne pouvait se faire sans études plus conséquentes, d’autant que le Lévothyrox est un médicament à marge thérapeutique étroite, et que de nombreuses tentatives de génériques ont échoué, par le passé, en particulier deux tentatives en France qui contenaient déjà du mannitol comme excipient.

La seconde « entourloupe » vient de ce que l’étude de bioéquivalence sur laquelle tout reposait vient d’être contestée par une équipe franco-britannique qui a publié ses résultats le 4 avril 2019 dans la revue Clinical Pharmacokinétics. Cette étude montre que les deux formulations du médicament commercialisées par Merck n’étaient pas substituables pour près de 60 % des patients. On a confondu moyenne générale et moyenne de chaque individu.

En conclusion : Que reste-t-il de cette autorisation de mise sur le marché de ce Lévothyrox NF ? Combien de temps faudra-t-il encore pour interdire le Lévothyrox NF chez la femme enceinte ?

RAPPEL : Avant mars 2017, il y avait en France un médicament traitant l’hypothyroïdie, le Lévothyrox, médicament remarquablement efficace, remarquablement bien toléré (pratiquement aucune déclaration d’effets secondaires) et qui avait fait ses preuves depuis plus de 30 ans, « une Révolution » alors dixit Pr W.ROSTENE (1) ; médicament de surcroît très bon marché (de l’ordre de 2 euros par mois). À partir de mars 2017, s’est opéré de façon progressive et obligatoire le remplacement de cette ancienne formule par une nouvelle formule en raison d’une prétendue instabilité de l’ancienne formule. Curieusement cette modification intervient pour un « vieux » médicament qui allait pouvoir être copié en 2019 et ôter le lactose permettait d’envisager une vente en Chine où l’intolérance au lactose, contrairement à l’Europe, y est fréquente.

il y avait en France un médicament traitant l’hypothyroïdie, le Lévothyrox, médicament remarquablement efficace, remarquablement bien toléré (pratiquement aucune déclaration d’effets secondaires) et qui avait fait ses preuves depuis plus de 30 ans, « une Révolution » alors dixit Pr W.ROSTENE (1) ; médicament de surcroît très bon marché (de l’ordre de 2 euros par mois). À partir de mars 2017, s’est opéré de façon progressive et obligatoire le remplacement de cette ancienne formule par une nouvelle formule en raison d’une prétendue instabilité de l’ancienne formule. Curieusement cette modification intervient pour un « vieux » médicament qui allait pouvoir être copié en 2019 et ôter le lactose permettait d’envisager une vente en Chine où l’intolérance au lactose, contrairement à l’Europe, y est fréquente.

Sitôt ce remplacement effectué, de très nombreux patients se sont manifestés pour déclarer leur mal-être. (Les centres de pharmacovigilance ont été vite débordés bien qu’au départ les patients n’aient pas fait le lien avec le changement de formule puisque beaucoup d’entre eux n’en avaient pas été informés et que le médicament gardait le même nom).

LÉVOTHYROX NF :

Le laboratoire MERCK et l’agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) s’accordent pour la mise sur le marché d’un nouveau médicament supposé plus stable. Le Lévothyrox NF, un parent proche du Lévothyrox AF : Le principe actif, la L-Thyroxine, reste inchangé, le lactose est remplacé par de l’acide citrique et du mannitol. Il s’agit donc d’un générique qui fait son entrée au printemps 2017.

L’ANSM va accorder l’autorisation de mise sur le marché du Lévothyrox NF sous la base d’une seule étude de bio équivalence validée par ses soins.

Première « entourloupe » : Ce type d’étude est actuellement la seule obligatoire, quand il s’agit de la demande « classique » d’autorisation de mise sur le marché d’un générique. C’est-à-dire l’autorisation d’un médicament générique qui vient s’ajouter au médicament princeps. Ce type d’étude permet de passer de 1 à 2 médicaments, soit de A à A + A’. (A : pour le médicament princeps ; A’ : pour le générique) que l’on souhaite mettre sur le marché.
Si on veut parler en langage mathématique : l’opération est une addition. Autrement dit, s’agissant du Lévothyrox, cette étude unique de bioéquivalence validée aurait dû permettre l’autorisation de mise sur le marché du Lévothyrox NF en association avec son princeps le Lévothyrox AF.

Dans le cas du Lévothyrox, au lieu de passer de A à A + A’, le tour de passe-passe a consisté à passer de A à A’, au lieu de deux médicaments, on est resté à un médicament, on a donc substitué A’ à A. Une addition certes, puisque l’on a ajouté A’, mais dans les faits, la soustraction quasi instantanée de A !

Car c’est bien cela qui est tout à fait dramatique dans ce cas présent du Lévothyrox, plus grave encore que la mise sur le marché du Lévothyrox NF fut le retrait du Lévothyrox AF : Retrait du Lévothyrox AF, c’est-à-dire le retrait d’un médicament qui avait été validé des études beaucoup plus conséquentes lors de sa mise sur le marché il y a plus de 30 ans et qui surtout avait fait ses preuves depuis…

Lévothyrox AF éjecté, remplacé par le Lévothyrox NF. De ce fait, de très nombreux patients très symptomatiques, qui ne pouvaient se rendre à l’étranger ou qui n’ont pu obtenir l’ordonnance adéquate, se sont retrouvés sans solution pendant de longs mois. Certains ont arrêté leur traitement.

Étude de bioéquivalence ou seconde « Entourloupe » :

En effet, cette étude de bioéquivalence sur laquelle tout reposait :

Autorisation malgré les nombreuses tentatives de « génériquer » des médicaments à base de L-Thyroxine de par le monde qui se sont soldées par un échec, en particulier les deux tentatives en France par les laboratoires Biogaran et Ratipharm avec déjà du mannitol comme excipient, autorisation délivrée sans se préoccuper de savoir si cette NF serait aussi efficace et aussi bien tolérée que l’AF, c’est-à-dire sans s’assurer que le rapport bénéfice/risque pour ce médicament à marge thérapeutique étroite serait favorable ou au moins équivalent.

Autorisation de substitution du Lévothyrox AF par le Lévothyrox NF qui allait ainsi pendant plusieurs mois se trouver en situation de quasi-monopole, etc., vient d’être contestée par une équipe franco-britannique qui a publié ses résultats le 04 /04/2019 dans la revue Clinical Pharmacokinétics ; résultats repris par toute la presse. Ces travaux montrent que les deux formulations du médicament commercialisées par Merck ne sont pas substituables pour chaque individu, que près de 60 % des patients pourraient ne pas réagir de la même manière aux deux versions du médicament.                                                                                                                   Ces travaux ont pour eux d’assez bien refléter la clinique. Dans la lettre que j’adressais à M. Emmanuel MACRON datée du 31/03/2019, je rapportais que plus de 50 % de mes patients avaient été symptomatiques sous Lévothyrox NF. Depuis l’ANSM garde le silence et Mme A. BUZYN montre sa méconnaissance du dossier, voire son indifférence, ce qui est assez consternant.

Troisième « Entourloupe » : Le nom du médicament resté volontairement inchangé alors que le médicament a changé puisque les excipients ont été modifiés.                                                                                 

Ce fut, et cela reste, un excellent moyen pour favoriser la prescription de ce médicament. Cela a grandement contribué au retard de diagnostic et donc de prise en charge thérapeutique pour de très nombreux patients ayant eu des effets indésirables conséquents au printemps et à l’été 2017. En effet, une fois le diagnostic connu, le traitement consistait à revenir à l’ancienne formule et souvent ce fut à l’étranger ! (Ce qui reste encore la réalité pour de très nombreux patients). En général, plus le retour à l’ancienne formule était précoce, plus la guérison était rapide et totale.

EN CONCLUSION, 2 questions :

  • Que reste-t-il de l’autorisation de mise sur le marché de ce Lévothyrox NF ?
  • Combien de temps faudra-t-il encore pour interdire le Lévothyrox NF chez la femme enceinte ?

Dr Catherine NOËL                                                                                                                                                                  

  • Medisite : 06/11/2017 : « Lévothyrox : Pourquoi avoir changé sa formule ? On nage en hormone trouble » par Dr William ROSTENE, Dr Émérite de recherche à l’INSERM, Président de la société de biologie.

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