Les suppléments, les traitements anticancéreux et les produits chimiques perturbant le système endocrinien peuvent altérer la fonction thyroïdienne
Les suppléments, les traitements anticancéreux et les produits chimiques perturbant le système endocrinien peuvent altérer la fonction thyroïdienne
24 avril 2019
LOS ANGELES – Selon un intervenant du congrès scientifique et clinique annuel de l’AACE, les cliniciens devraient reconnaître de nombreux effets thyroïdiens, y compris des dysfonctionnements thyroïdiens et une altération de l’absorption de la thyroxine, dont les médicaments, les compléments alimentaires, la consommation excessive d’iode et d’autres substances exogènes, y compris les perturbateurs endocriniens.
Selon le docteur Gregory A Brent, professeur de médecine et de physiologie dans la division d’endocrinologie de la Faculté de médecine David Geffen de l’UCLA, plusieurs médicaments couramment utilisés et des compléments courants en vente libre, ainsi que de nouveaux traitements anticancéreux tels que les « Immune checkpoints » (anticorps monoclonaux ciblant des points de contrôle et de régulation du système immunitaire), peuvent interférer avec le test de la fonction thyroïdienne et le métabolisme des hormones thyroïdiennes. Ils peuvent perturber l’axe thyroïdien et même déclencher une maladie thyroïdienne auto-immune. Les suppléments diététiques en vente libre, telle une vitamine hydrosoluble souvent commercialisée pour la croissance des cheveux et des ongles, peuvent interférer avec la gamme de tests thyroïdiens reposant sur l’interaction de la biotine et de la streptavidine, a expliqué Brent.
« La biotine, supplément nutritionnel très utilisé, peut donc interférer avec les tests de la fonction thyroïdienne et d’autres dosages hormonaux », a déclaré Brent à Endocrine Today. « Les patients qui ont ingéré de grandes quantités de biotine peuvent avoir des résultats de test anormaux évoquant une maladie de la thyroïde, alors que la maladie n’est pas présente. »
Chez ces
patients, l’arrêt de la biotine pendant 1 à 3 jours peut rapidement inverser
l’interférence et les tests de la fonction thyroïdienne devraient revenir à la
normale, a déclaré Brent.
D’autres traitements couramment prescrits, tels que les glucocorticoïdes, la
dopamine ou le bexarotène (dérivé de la
vitamine A), peuvent inhiber ou bloquer la libération d’hormone stimulant
la thyroïde ou supprimer les promoteurs hypophysaires de la TSH-bêta, a déclaré
Brent.
Absorption de la Thyroxine
Plusieurs agents et affections ont un impact sur le traitement par la lévothyroxine et l’interprétation des tests de la thyroïde, notamment des médicaments courants tels que les inhibiteurs de la pompe à protons, le sulfate ferreux et les sels de calcium qui sont susceptibles d’interférer avec l’absorption du médicament. La nourriture ou la boisson qu’un patient consomme avec le traitement à la lévothyroxine – par exemple, le lait et le café – peut également avoir un impact sur l’absorption, a-t-il déclaré. « La thyroxine est mieux absorbée dans un environnement acide, donc tout ce qui fait augmenter le pH gastrique affecte la dissolution du comprimé de lévothyroxine », a déclaré Brent.
Brent a ajouté que de nombreux patients ont également modifié l’absorption de la thyroxine, mais peuvent également avoir une adhérence médiocre ou irrégulière. Un test d’absorption de lévothyroxine peut permettre d’identifier les patients présentant de vrais problèmes d’absorption, a-t-il déclaré.
Traitements contre le cancer, dysfonctionnement de la thyroïde
Le traitement du cancer, en particulier avec les nouveaux « Immune checkpoints » (anticorps monoclonaux ciblant des points de contrôle et de régulation du système immunitaire) est associé à un large éventail de troubles endocriniens, et la thyroïde est la plus touchée, a déclaré Brent.
« Ces nouvelles chimiothérapies à inhibiteur de point de contrôle immunitaire ont une incidence élevée de dysfonctionnement du système endocrinien, et la plus courante est l’hypothyroïdie », a déclaré Brent dans une interview.
La cytokine interleukine-2 provoque souvent un dysfonctionnement de la thyroïde, avec l’induction d’anticorps anti-thyroïdiens chez 10 % à 60 % des patients atteints d’un cancer, a déclaré Brent. De même, les inhibiteurs de la tyrosine kinase (ITK) exposent les patients atteints de cancer à un risque accru de développer une hypothyroïdie induite par les ITK. Dans les études prospectives on observe ce problème chez 14 % à 71 % des patients traités. On pense également que les ITK agissent directement sur la thyroïde et induisent une destruction, a déclaré Brent. Les anticorps monoclonaux qui ciblent la PD-1 ont l’incidence la plus élevée en ce qui concerne les complications endocriniennes, a déclaré Brent.
« Nous observons maintenant une large gamme de produits qui sont identifiés et surveillés », a-t-il déclaré. « Plusieurs de ces thérapies sont utilisées en combinaison. Cela fait que le risque de dysfonctionnement de la thyroïde augmente encore. «
Brent a déclaré que les endocrinopathies peuvent se développer à tout moment lorsqu’un patient est traité avec un inhibiteur de point de contrôle immunitaire, mais qu’elles apparaissent généralement au cours des premiers mois de traitement.
Effet des CDE
Les produits chimiques perturbateurs du système endocrinien (CDE), définis comme des substances présentes dans l’environnement, des produits alimentaires et des produits de consommation qui interfèrent avec la biosynthèse, le métabolisme ou l’action des hormones, agissent par l’intermédiaire de récepteurs nucléaires classiques, y compris les récepteurs thyroïdiens, et ont été associés à un dysfonctionnement de la thyroïde, a déclaré Brent. De nombreux CDE, tels que les biphényles polychlorés (PCB), sont solubles dans les graisses et ont une longue demi-vie, ce qui signifie que les produits chimiques restent dans l’environnement pendant des années, même après leur interdiction par les gouvernements, a noté Brent.
Les médicaments, les suppléments, l’apport excessif en iode et d’autres substances exogènes, notamment les perturbateurs du système endocrinien, peuvent influer sur de nombreux effets sur la thyroïde que les cliniciens devraient reconnaître. Adobe Stock
« Tout comme les médicaments dont j’ai parlé, les toxiques environnementaux peuvent affecter presque toutes les parties de l’axe et des systèmes de la thyroïde », a déclaré Brent. «Les PCB peuvent notamment affecter l’action des hormones thyroïdiennes. Ce sont des agonistes et antagonistes du récepteur thyroïdien. Dans cette situation, ils ne peuvent pas altérer les études de la fonction thyroïdienne, mais pourraient altérer l’action des hormones thyroïdiennes. «
Brent a déclaré que les EDC comme le perchlorate d’ammonium, un produit chimique utilisé comme oxydant dans les propergols solides employés pour les fusées et les feux d’artifice et qui pénètrent facilement dans les sources d’eau comme le Colorado, bloquent l’absorption d’iode et ont été associés au goitre néonatal en traversant le placenta pendant la grossesse. Même une boisson apparemment anodine comme le jus de chou frisé, note Brent, peut inhiber l’absorption d’iode par la thyroïde si elle est consommée en quantité suffisante en raison d’une exposition excessive au thiocyanate.
« Les patients qui pensent pouvoir manger sainement bloquent réellement l’iode », a déclaré Brent, ce qui peut entraîner un dysfonctionnement de la thyroïde.
Brent a ajouté que les femmes enceintes et allaitantes devraient également éviter toute exposition à un excès de thiocyanate et de nitrates, provoqué par de l’eau contaminée. Les cliniciens devraient conseiller à ces femmes de prendre des suppléments d’iode afin de les protéger des contaminants environnementaux qui interfèrent avec la concentration en iode, a-t-il déclaré. – par Regina Schaffer
Référence: Brent GA. Les médicaments et les perturbateurs endocriniens qui affectent la thyroïde. Présenté à : le congrès scientifique et clinique annuel de l’AACE ; Du 24 au 28 avril 2019 ; Los Angeles.
Divulgation : Brent ne rapporte aucune divulgation financière pertinente.
