E171 : cet additif alimentaire modifie la flore intestinale

Chez des souris, les nanoparticules de dioxyde de titane altèrent l’activité des bactéries du microbiote et l’équilibre de l’environnement intestinal. Ces modifications pourraient favoriser des maladies inflammatoires ou un cancer colorectal chez l’Homme.

De nombreuses maladies sont associées à un déséquilibre de la flore intestinale, qui est composée de milliards de bactéries. Comme notre alimentation influence la composition de ce microbiote, des additifs alimentaires peuvent-ils altérer notre flore intestinale ? Des chercheurs de l’université de Sydney se sont penchés sur le cas de l’additif E171, le dioxyde de titane (TiO2) : ces nanoparticules présentes dans de nombreux produits alimentaires et cosmétiques servent d’agent blanchissant.

Le saviez-vous ?

E171 est présent dans des bonbons, chewing-gums, pâtisseries industrielles, dentifrices, crèmes solaires… Cet additif controversé devrait être interdit en France dans les aliments à partir de janvier 2020.

Dans cette étude parue dans Frontiers in Nutrition, les chercheurs ont ajouté l’E171 dans l’eau de boisson de souris, ce qui a eu un effet sur leur microbiote intestinal. Plus précisément, E171 avait peu d’impact sur la composition de la flore de l’intestin grêle et du côlon. En revanche, l’additif modifiait l’activité des bactéries in vivo et altérait certaines de leurs fonctions. In vitro, celles-ci avaient tendance à former des biofilms.

Le dioxyde de titane nuisait à l’activité des bactéries

Par conséquent, le dioxyde de titane interagissait avec les bactéries intestinales. Laurence Macia, une des auteurs de cette recherche, a expliqué dans un communiqué que « cette étude a examiné les effets du dioxyde de titane sur la santé des intestins chez la souris et a révélé que le dioxyde de titane ne modifiait pas la composition du microbiote intestinal, mais nuisait à l’activité des bactéries et favorisait leur croissance sous forme de biofilm indésirable. Les biofilms sont des bactéries qui se collent et la formation de biofilm a été rapportée dans des maladies telles que le cancer colorectal. »

Parfois, les bactéries, au lieu d’être libres dans un milieu, sont dans un biofilm, une matrice attachée à une surface. © Kateryna_Kon, Fotolia
Parfois, les bactéries, au lieu d’être libres dans un milieu, sont dans un biofilm, une matrice attachée à une surface. © Kateryna_Kon, Fotolia  

Le dioxyde de titane modifie l’homéostasie de l’intestin

Les chercheurs ont aussi observé une réduction de l’expression du gène codant pour une mucine, une molécule importante dans le mucus intestinal. E171 modifie donc l’équilibre de l’environnement intestinal. Tous ces changements étaient associés avec une inflammation du côlon qui se voyait à différents signes : infiltration de lymphocytes T, présence de macrophages et augmentation de l’expression de cytokinesinflammatoires. Cette étude semble donc confirmer que les nanoparticules de dioxyde de titane sont nocives à la santé.VOIR AUSSI :E171, le colorant alimentaire fait de nanoparticules de dioxyde de titane, est-il nocif ?

Au vu de ces résultats, la chercheuse conclut sur l’E171 : « Nous disons que sa consommation devrait être mieux réglementée par les autorités alimentaires. »

C’est aussi l’avis de Wojciech Chrzanowski, un des auteurs de cette étude : « L’objectif de cette recherche est de stimuler les discussions sur de nouvelles normes et réglementations pour garantir l’utilisation sans danger des nanoparticules en Australie et dans le monde. » Il ajoute : « Cette étude présente des preuves cruciales que la consommation d’aliments contenant l’additif alimentaire E171 (dioxyde de titane) affecte le microbiote intestinal ainsi que l’inflammation de l’intestin, ce qui pourrait provoquer des maladies telles que les maladies inflammatoires de l’intestin et le cancer colorectal. »


Et si le dioxyde de titane rendait diabétique ?

Article de Nathalie Mayer paru le 22 juin 2018

Dans les peintures ou dans les cosmétiques, mais surtout dans les produits alimentaires, le dioxyde de titane est partout. Et depuis quelque temps, les scientifiques émettent des doutes quant à son innocuité. Ainsi une étude le soupçonne-t-elle d’être responsable des diabètes de type 2.

Le dioxyde de titane (TiO2) – encore connu sous le nom de E171 – est un additif alimentaire que l’on trouve dans de nombreux produits. Son unique vertu : doper la blancheur et la brillance de ces produits. Depuis 2006, il est classé cancérigène possible par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ). Et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) préconise un principe de précaution.

Aujourd’hui, des chercheurs de l’université du Texas (États-Unis) nous apprennent qu’ils ont retrouvé des particules cristallines de dioxyde de titane dans les pancréas de patients atteints de diabète de type 2. Rappelons que si l’on trouve naturellement certains éléments métalliques – le fer, le magnésium ou même le cobalt – dans le corps humain, le titane n’en fait pas partie.

Selon l’Organisation mondiale de la santé, le nombre de personnes atteintes de diabète a quadruplé au cours des 40 dernières années. Le diabète de type 2 représente la majorité des cas. © stevepb, Pixabay, CC0 Creative Commons
Selon l’Organisation mondiale de la santé, le nombre de personnes atteintes de diabète a quadruplé au cours des 40 dernières années. Le diabète de type 2 représente la majorité des cas. © stevepb, Pixabay, CC0 Creative Commons  

Le E171 sur le banc des accusés

« Nos résultats suggèrent que le diabète de type 2 pourrait se révéler être une maladie inflammatoire chronique, à l’image de ce qu’il se passe pour la silicose », explique Adam Heller. « L’utilisation accrue de E171, notamment comme colorant dans les aliments, les médicaments et les peintures murales intérieures au cours des cinq dernières décennies pourrait être un facteur dans la pandémie de diabète de type 2. »

Compte tenu des potentielles implications de ces découvertes, Adam Heller souhaite répéter l’étude, mais cette fois en utilisant un échantillon plus large. Car l’étude pilote, dont il est question ici, ne portait que sur une dizaine de spécimens. « Notre travail n’est pas encore terminé », reconnaît le chercheur.


Par Marie-Céline Ray

Journaliste

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