Analyse du docteur Jacques Guillet

Etude de pharmacoépidémiologie sur le Levothyrox. Une étude incomplète, dont les biais nombreux permettent à l’ANSM des développements qui mériteraient d’être discutés

Que dit le texte résumé rapporté par l’ANSM ?

Les résultats ne fournissent pas d’argument en faveur d’une toxicité propre de la nouvelle formule du Levothyrox. Ils reflètent plutôt les difficultés rencontrées par  certains patients lors du changement de formule.

Les résultats prouvent que le changement de formule imposé brutalement et sans alternative aux malades par l’ANSM a bien créé des « difficultés », c’est-à-dire des effets néfastes pour la santé de certains d’entre eux. Au fait, quelle est la définition du mot  « Toxicité » ? : «  mesure de la capacité d’une substance  (…) à provoquer des effets néfastes pour la santé ».  

Une augmentation des recours aux dosages de TSH était attendue compte tenu de la recommandation faite aux professionnels de santé de surveiller l’équilibre thyroïdien chez certaines catégories de patients lors du changement de formule.

Le recours au dosage de la TSH était recommandé chez les malades fragiles des groupes à risque : enfants, femmes enceintes, cardiaques, personnes antérieurement difficiles à équilibrer. Ces dernières avaient déjà par définition, des contrôles de TSH fréquents. Aucun enfant n’est inclus dans cette étude. Le nombre de femmes enceintes non précisé car insignifiant, les cardiaques  représentent 13%. Ces 13% des malades seraient donc à eux seuls responsables de plus d’1 080 000 dosages supplémentaires de TSH ?

La recommandation résultait essentiellement d’un risque attendu de surcharge en thyroxine, comme l’ANSM l’a indiqué au corps médical. Or c’est au contraire l’insuffisance qui a dominé. L’augmentation du recours au dosage de TSH constaté dans l’étude n’est donc pas la conséquence des recommandations de l’ANSM.

L’augmentation du nombre d’arrêts de travail est retenue comme indice de problèmes de santé grave à juste titre. Elle est de 2%. L’étude à choisi de la pondérer par rapport à celle observé chez des diabétiques. Or le diabète est une maladie évolutive. Ceci reviendrait donc à dire que la décision de l’ANSM a créé transitoirement les conditions d’une transformation du profil d’une maladie, a priori assez stable, en celui voisin d’une maladie comme le diabète.

Aveugle

Surtout, le travail est aveugle sur le contenu des consultations et de la prescription d’examens complémentaires, en particulier d’imagerie, des actes réalisés en milieu hospitalier, du contenu des hospitalisations, du ou des syndromes cliniques à l’origine de la néoprescription de benzodiazépine (en contradiction avec la forte pression pour la réduction de la prescription de ce groupe de médicament)  du passage à une alternative au Lévothyrox. Il est aveugle sur l’automédication dans le cadre des douleurs qui sont l’un des éléments syndromiques dominants. Elle démontre l’impact de la pénurie médicale majorée par les congés d’été. Ce facteur a été négligé. Il exclut les malades qui ont le plus souffert. Ceux qui ont été chercher leur médicaments à l’étranger. Enfin, il exclut les malades les plus fragiles, dépendants, ceux de plus de 85 ans.

Quant à la signification statistique, les données manquent de précision sur la durée effective du suivi. 7,4 mois en moyenne nous dit-on. Minimum 6 mois, maximum 9 mois. Cet intervalle excessivement large expose à des critiques.

En résumé, les souffrances des malades n’ont-elles pas été un peu oubliées dans le choix des requêtes mobilisées pour manipuler ces données  statistiques, et dans la discussion des résultats ?

Docteur Jacques GUILLET, Pédiatre et biologiste des hôpitaux



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