Buzyn face aux pénuries de médicaments

La ministre de la Santé a présenté ce lundi sa feuille de route pour éviter les ruptures de stocks de médicaments. Elle compte sur les pharmaciens et les grossistes pour fluidifier l’accès aux traitements et promet de renforcer la coopération européenne pour s’attaquer aux causes des pénuries.

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La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, souhaite renforcer la coopération européenne pour lutter contre les pénuries de médicaments.

AFP/Ludovic MarinPar Solveig GodeluckPublié le 08/07 à 17h13Mis à jour le 08/07 à 17h21

Vaccins épuisés, corticoïdes introuvables, anticancéreux, antibiotiques ou antiparkinsoniens aux abonnés absents… En vingt ans, les pénuries de médicament ont été multipliées par vingt en France, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Près d’un Français sur quatre y a déjà été confronté en se rendant en pharmacie. Les  difficultés d’approvisionnement en médicaments sont devenues un vrai problème de santé publique.

Ce lundi, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, s’est rendue au conseil de l’Ordre des pharmaciens, où elle a présenté sa feuille de route anti-pénuries. Elle a aussi annoncé la constitution, dès septembre, d’un comité de pilotage associant les professionnels du secteur pour mettre en oeuvre les mesures prônées par le gouvernement.

L’appui des pharmaciens

A l’échelon national, la ministre souhaite s’appuyer sur les pharmaciens pour fluidifier l’accès au médicament. Très organisés, ils ont créé en 2016 le « dossier pharmaceutique ruptures », utilisé dans 70 % des officines. Quand une commande du pharmacien ne peut pas être honorée pendant trois jours, l’information remonte automatiquement à l’Ordre, qui peut ensuite mobiliser les pouvoirs publics. Agnès Buzyn propose d’ouvrir cet outil aux grossistes-répartiteurs.PUBLICITÉ

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Les pharmaciens vont également être autorisés à se faire dépanner en direct auprès des fabricants en cas d’urgence, sachant que ces derniers ont toujours un stock de précaution pour les médicaments d’intérêt majeur. De plus, ils pourront substituer à la molécule prescrite un médicament de classe thérapeutique équivalente.

Les pouvoirs de l’Agence du médicament pourraient être renforcés pour sanctionner les acteurs négligents. Depuis le plan précédent, celui de Marisol Touraine, les laboratoires doivent mettre en place des plans de gestion des pénuries – une obligation qui ne serait pas toujours respectée. La pression de l’ANSM devrait également s’accroître sur les « shortliners », ces distributeurs qui exportent des médicaments en tension au mépris des règles.

Dîner à l’Elysée avec les industriels

Cependant, ce n’est pas avec ces mesures nationales que l’on réglera le problème de fond des pénuries, qui est international, souligne Carine Wolf-Thal, présidente de l’Ordre. « Il faut agir sur les causes des ruptures d’approvisionnement. Il faudrait relocaliser en Europe pour ne pas être dépendant d’une matière première hyperlocalisée dans le monde », explique-t-elle, en se félicitant qu’Agnès Buzyn prévoie justement de renforcer la coopération européenne.

La feuille de route évoque ainsi « des solutions innovantes et des mesures d’incitations financières et fiscales en faveur du maintien et de la relocalisation de sites de production en Europe ». Un sujet de conversation tout trouvé pour Emmanuel Macron, qui dînait avec plusieurs patrons de l’industrie pharmaceutique à l’Elysée ce lundi.

Désindustrialisation et pénuries

Depuis les années 2000, les pénuries de production de médicaments ont explosé dans tous les pays industrialisés, parce que de nouveaux pays sont entrés dans la danse alors qu’avant, les Etats-Unis, l’Europe et le Japon pesaient 90 % de la consommation. « Mais la production n’a pas suivi, car il faut accéder aux matières premières, sels, esthers, etc., et maîtriser les processus dans des usines. Or en Europe, on a abandonné la chimie fine, et on dépend de plus en plus de l’Asie », explique l’économiste de la santé Claude Le Pen. Quand le contrôle qualité n’est pas respecté et que l’usine asiatique cesse de produire, on se retrouve sans anti-hypertenseurs en France.

A l’inverse, sur les médicaments innovants pour traiter le cancer, ce sont les Etats-Unis qui détiennent l’essentiel du marché. « On dépend à 100 % des importations et on est à la merci d’une guerre économique », souligne l’économiste.

Solveig Godeluck

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