« Les urgences tiennent grâce aux médecins étrangers »

Indispensables à l’hôpital de Saint-Denis comme ailleurs, les docteurs formés hors de France pâtissent pourtant d’un statut précaire.

22 août 2019Épisode n° 6Les épisodesTexteCamille Polloni PhotoClaire Delfino Édité parLucile Sourdès-Cadiou La playlistTestez Les Jours pour seulement 1 € sans engagement

Ils s’appellent Omar, Zoubida, Islam, Walid, Kamal, Fadi, Barthélémy, Nizar, Ryef… Médecins aux urgences de Saint-Denis, ils sont venus de Tunisie, d’Algérie, de Syrie – il y a même un Congolais formé en Russie – pour exercer dans des hôpitaux français. De quoi donner de l’urticaire au premier raciste du coin, mais pas de panique, ça se soigne. « En France, les urgences tiennent grâce aux médecins étrangers », rappelle Mathias Wargon, le chef de service. Bien placé pour le savoir, il essaie de se remémorer qui, parmi les 35 médecins de « ses » urgences, a obtenu son diplôme en France : « À part ceux du Smur, je dirais… Christine, François et moi. » Une évidence s’impose à lui : les postes vacants ne trouvent pas preneurs, sauf à recruter des « praticiens à diplôme hors Union européenne » (appelés Padhue). Leur statut reste toutefois précaire, tant sur le plan professionnel qu’administratif. Ils doivent travailler plusieurs années en France avant de pouvoir prétendre s’inscrire à l’Ordre des médecins, et ainsi exercer dans les mêmes conditions que leurs collègues. 

Islam, médecin tunisienne, est arrivée à Delafontaine il y a un an, en tant que « stagiaire associée ». Elle gagne 1 400 euros net sans les gardes

Comme cinq autres médecins tunisiens, Islam Felfel, 30 ans, est arrivée aux urgences de Saint-Denis il y a un an, en tant que « stagiaire associée ». Ce statut, qui s’apparente à celui d’interne – même si les stagiaires associés ont terminé leurs études – est le plus courant pour les nouveaux arrivants. Ils gagnent environ 1 400 euros net sans les gardes. Diplômée de la faculté de médecine de Monastir, Islam a rejoint son mari, déjà en poste en réanimation à l’hôpital Delafontaine. URGENCESPar définition, on voit de tout aux urgences, et uniquement de l’imprévu, faisant de chaque journée de travail un éternel recommencement. Comment se manifeste la « crise » de cette médecine de crise, qui justifie une mobilisation nationale depuis cinq mois, avec plus de 200 services d’urgences en grève ? « Les Jours » se posent à l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) pour raconter le quotidien d’un service, à la fois circuit fermé et fenêtre sur le territoire qui l’entoure.MATHIAS WARGONChef du serviceLES PADHUEAu moins 14 700 médecinsdiplômés hors de l’Union européenne sont inscrits à l’Ordre des médecins français (soit 5 % de l’ensemble des inscrits). Mais il faut ajouter environ 4 000 médecins ne disposant pas du plein exercice et travaillant sous des statuts précaires (soit plus ou moins 8 % des médecins hospitaliers).Lisez la suite et soutenez un média indépendant et sans publicité. 

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