Lévothyrox : la méthode d’évaluation de la nouvelle formule remise en cause

Par Aurélie Sogny Publié le 23/08/2019 à 12:42

lévothyrox

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Selon une nouvelle étude, l’essai clinique conduit lors du changement de formule du médicament aurait permis au fabricant de « cacher » un défaut de bioéquivalence par rapport à l’ancienne version du Lévothyrox.

Alors que les résultats du rapport final de l’étude de pharmaco-épidémiologie sur les conséquences du passage à la nouvelle formule du Levothyrox publié en juin dernier concluait à une absence de « risque augmenté de problèmes de santé graves au cours des mois suivant l’initiation de la nouvelle formule du Levothyrox », une nouvelle étude vient à nouveau jeter de l’huile sur le feu dans cette affaire aux multiples rebondissements. 

Publiée mercredi 21 août 2019 dans la revue médicale Clinical Pharmacokinetics, elle avance que la seule façon pour le laboratoire Merck, fabricant du médicament, d’obtenir des résultats de bioéquivalence concluants entre ancienne et nouvelle formule a été de mener un essai clinique sur un très grand nombre de sujets. En effet, 204 « cobayes » humains avaient été sollicités pour participer à ces tests d’évaluation. Les chercheurs français et britanniques en pharmacologie à l’origine de l’étude s’interrogent aujourd’hui sur le choix de cette méthode, qui selon eux ne permettait pas de mettre en évidence les variations chez chaque patient. 

Depuis sa commercialisation en mars 2017, les patients accusent la nouvelle formule du Lévothyrox -dont l’un des excipients, le lactose, a été remplacé par du mannitol et de l’acide citrique pour assurer une meilleure stabilité du produit, après demande de l’ANSM- de provoquer des effets secondaires délétères (maux de tête, douleurs articulaires, vertiges, bouffées de chaleur, fatigue, insomnies, prise de poids importante, hyperémotivité…).Lire aussi :Thyroïde : la nouvelle formule du Lévothyrox accusée d’effets secondaires

Des résultats faussés ?

« Nous avons conclu que ce très grand nombre de sujets mettait un point d’interrogation sur la commutabilité des formulations, expliquent-ils. Une distinction claire doit être faite entre la prescriptibilité (la possibilité d’utiliser le produit de référence ou le générique au début du traitement) et la commutabilité (la possibilité de passer d’une formulation à l’autre chez un même patient déjà sous traitement ). La règle actuelle pour un essai de bioéquivalence moyenne garantit la possibilité de prescription, mais non la commutabilité. En effet, seule une évaluation de bioéquivalence individuelle vise formellement à comparer l’exposition obtenue avec chaque formulation chez chaque sujet, garantissant ainsi que chaque individu sera exposé de la même manière aux deux formulations. »

Selon eux, un échantillon moins large aurait même conduit à remettre en cause la bioéquivalence.

Des variations individuelles à prendre en compte 

Dans une précédente étude, publiée le 4 avril 2019, ces mêmes chercheurs affirmaient déjà que l’ancienne et la nouvelle formule n’étaient pas équivalentes pour chaque sujet. Sur les 200 personnes testées, 40% avaient subi des variations hormonales dans la norme et  60% étaient hors limite, précisaient-ils. « Les personnes ne sont pas des moyennes et lorsque l’on impose à plus de deux millions de personnes une substitution, on doit mieux étudier les variations individuelles », avait alors déclaré le professeur Pierre-Louis Toutain, co-auteur de l’étude. 

Affaire à suivre.

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