Quand le médecin vous dit que votre thyroïde est OK… et qu’il se trompe.

par Emanuelle Haudegond dans cycle irréguliersolution acnésopksyndrome ovaires polykystiquessyndrome prémenstruelthyroïde

thyroïde.001-2

La thyroïde, on y pense volontiers quand on est confronté à des problèmes de poids ou de fatigue…. mais beaucoup moins face à des anomalies du cycle menstruel ou des problèmes de peau, n’est-ce pas ?

Pourtant, beaucoup de problèmes « féminins » peuvent s’expliquer par un problème de thyroïde, et ils s’accompagnent souvent de soucis cutanés. Je pense ici à certaines acnés hormonales, au SOPK, au syndrôme prémenstruel, à certains cas de règles irrégulières. La thyroïde est une petite glande dont l’impact sur le cycle féminin est immense. Et il est d’autant plus facile de passer à côté du problème que l’analyse médicale « classique » peut s’avérer incomplète, voire clairement insuffisante…

Alors si vous avez déjà eu des analyses de sang, et que votre docteur vous a dit que tout était OK avec votre thyroïde, cela vaut vraiment la peine de ressortir le bilan sanguin et de voir ce qui a été analysé (et comment). Selon mon expérience, de nombreuses femmes souffrant de problèmes thyroïdiens sont renvoyées chez elles avec une petite tape dans le dos de la part de leur médecin de famille. Il leur assure que tout va bien, alors que les normes qui ont été utilisées pour effectuer leurs analyses sont dépassées. Elles passent à côté de leur problème de thyroïde, et vivent un calvaire superflu.

Comment la thyroïde agit sur le cycle

thyroid[2]

Un rappel rapide : la thyroïde, c’est cette glande située à la base de notre cou, sous la pomme d’Adam. Elle fabrique les hormones thyroïdiennes, qui donnent de l’énergie à nos cellules. Elle peut fabriquer trop de ces hormones (hyperthyroïdie), ou au contraire pas assez (hypothyroïdie).

Bien que l’hyperthyroïdie apporte en elle-même son lot de problèmes, c’est surtout l’hypothyroïdie qui affecte le cycle.

It’s all about energy, baby…

Si on veut schématiser, notre thyroïde agit sur le cycle féminin parce qu’elle fournit de l’énergie à nos ovaires. Or nos ovaires ont besoin d’énergie, chaque mois, pour accomplir un événement hors pair : l’ovulation.

Nous l’avions vu dans « I can’t get no ovulation » : l’ovulation est une sorte de marathon. Chaque mois, un de vos ovaires essaie d’amener à maturité un ovocyte, jusqu’à ce qu’il le libère (ovulation). Puis, l’ovaire fabrique, en un temps très court (24 heures), le corps jaune, c’est-à-dire une glande totalement vascularisée de 3 à 4 centimètres, qui va sécréter de la progestérone.

Ces deux actions (ovulation et constitution du corps jaune) demandent une énergie folle, donc un carburant à la hauteur. Ce carburant, ce sont les hormones thyroïdiennes.

Le blues du manque de progestérone

Sans ovulation, pas de corps jaune. Sans corps jaune, pas de progestérone. Et c’est là où les ennuis commencent. Sans production de progestérone, nous pouvons facilement souffrir de dominance en oestrogènes, donc de syndrôme pré-menstruel, de règles abondantes, de migraines, d’oedèmes…

Sans ovulation, nous pouvons également ne pas fabriquer assez d’hormones féminines pour contrebalancer les hormones masculines. Cela nous expose à un risque accru d’acné, de SOPK, de problèmes de pilosité excessive, d’agressivité…

Glycémie, quand tu nous tiens…

Le rôle de la thyroïde ne s’arrête pas là : l’hypothyroïdie a un impact sur l’insuline, qu’elle rend moins efficace. Vous savez à quel point l’insuline est importante pour l’acné. Elle est chargée de « prendre » le sucre sanguin (le glucose) et de le transporter dans nos cellules pour qu’elle soit utilisée comme énergie. Si l’insuline est inefficace, nous en sécrétons de plus en plus pour accomplir cette fonction. Malheureusement, l’insuline stimule également les glandes sébacées. Si nous fabriquons plus d’insuline, nous produisons donc davantage de sébum, et nous nous retrouvons avec une peau plus grasse et plus d’acné. Nous accentuons aussi considérablement nos risques de souffrir du syndrome des ovaires polykystiques (80% des personnes souffrant de SOPK souffrent également d’insulino-résistance).

Plus de prolactine, moins d’élimination naturelle des excédents hormonaux

Si vous manquez d’hormones thyroïdiennes, votre hypophyse peut être amenée à produire plus de prolactine. Cette hormone normalement présente pendant l’allaitement empêche également l’ovulation.

De plus, l’hypothyroïdie ralentit la d’élimination naturelle de l’oestrogène et de la testostérone. Non seulement vous risquez de sécréter trop de ces hormones par manque d’ovulation, mais elles ne seront pas excrétées comme elles le devraient. Voilà qui engendre un risque accru de syndrome prémenstruel fort ou de syndrome des ovaires polykystiques (SOPK).

Un équilibre fragile

Bref, pour que notre cycle soit parfait, il faut une dose optimale d’hormones thyroïdiennes, ni trop, ni trop peu. Cette dose est gérée par l’hypophyse, une région de notre cerveau qui détermine sa production. C’est l’hypophyse le chef d’orchestre. En théorie, elle sait parfaitement ce qu’il faut faire : quand il n’y a pas assez d’hormones thyroïdiennes, elle envoie un message à la thyroïde pour qu’elle fabrique plus d’hormones. À l’inverse, quand il y a trop d’hormones thyroïdiennes, elle en freine la production.

Ce que votre docteur regarde le plus souvent…

Le test médical classique de la thyroïde consiste à analyser ce qui se passe au niveau de votre hypophyse : votre docteur demande un bilan sanguin pour établir votre taux de TSH (thyroïd stimulation hormone). Quand votre thyroïde produit assez d’hormones thyroïdiennes, cela ordonne à votre hypophyse de fabriquer moins de TSH. Quand votre thyroïde ne produit pas d’hormones thyroïdiennes, cela ordonne à votre hypophyse de fabriquer plus de TSH. Par conséquent, si votre bilan sanguin indique que vous avez beaucoup de TSH, cela signifie que vous ne produisez pas assez d’hormones thyroïdiennes, que vous êtes en hypothyroïdie.

La polémique sur la TSH

Malheureusement, ce test peut s’avérer totalement insuffisant, voire faussé :

Les valeurs sont souvent périmées…

D’une part, les valeurs de références ne font pas l’unanimité, loin s’en faut. Souvent, l’hypothyroïdite n’est suspectée que si la TSH est supérieure à 4 ou même 5 mUI/L  (entre 4 à 5 mUI/l selon les références du laboratoire d’analyses). Or, de nombreuses études montrent qu’un taux de TSH supérieur à 2,5 mUI/L peut déjà être un signe d’hypothyroïdie. Il y a 10 ans, alors que je travaillais aux Etats-Unis, l’American National Academy of Clinical Biochemestry a descendu la limite supérieure à 2,5 mUI/L. L’exemple a depuis été suivi par l’Union Nationale des Endocrinologues Américains, qui a adopté la limite de 3 mUI/L. Mais ces nouvelles normes ne sont pas adoptées par tous les médecins et laboratoires…

Ce point était déjà confirmé en octobre 2007 par le Dr. Catherine de Goursac, lors d’un entretien donné au Congrès Anti-Aging  :

« Les normes ont beaucoup changé, mais de nombreux laboratoires ne les ont pas actualisées. Selon la Société américaine de la thyroïde (American Thyroid Society) la TSH doit être comprise entre 0 et 3,5 (et entre 0 et 2 en cas de cholestérol car l’hypothyroïdie augmente le taux de cholestérol). Or en France, les grands services d’endocrinologie exceptés, la norme retenue par la plupart des laboratoires se situe entre 0,5 et 4,5. C’est ainsi que de nombreux Français sont considérés comme « normaux » alors qu’ils sont susceptibles d’être en hypothyroïdie. »

Si vous présentez un taux de TSH de 3 ou 4 UI/L, et que votre médecin vous avait dit que votre thyroïde est OK, sachez que dans certains services d’endocrinologie, son analyse serait jugée dépassée. Vous pourriez être considéré en hypothyroïdie. Cela vaut la peine de reconsidérer vos vieilles analyses pour vérifier, non ?

Des valeurs peu fiables

Par ailleurs, le taux de TSH seul n’est pas fiable. Il peut être abaissé articiellement. En d’autres termes, vous pouvez avoir une TSH normale, mais ne pas avoir assez d’hormones thyroïdiennes pour autant.

Ce qui peut fausser votre taux TSH  :

  • L’inflammation : générée par exemple par une maladie chronique, une infection, le tabagisme, une allergie ou une intolérance alimentaire non détectée (au gluten ou aux produits laitiers par exemple), ou une thyroïdite auto-immune, telle que la thyroïdite de Hashimoto.
  • Le stress : le cortisol, hormone du stress, empêche la sécrétion de TSH.
  • Certains perturbateurs endocriniens : les biphenyls polychlorinés (PCBs), la dioxine, le bisphenol-A par exemple.
  • La dépression.
  • Une restriction des calories : en d’autres termes, un régime trop strict.
  • L’insulino-résistance.
  • Un déséquilibre au niveau de la flore intestinale.
  • Une carence en fer.
  • La prise de certains médicaments : la pilule contraceptive, l’aspirine…

Stress, inflammation… autant d’éléments très courants de nos jours, vous ne trouvez pas ?

Il faut aller plus loin…

En d’autres termes : le taux de TSH est utile…mais grandement insuffisant :

  • S’il est élevé, il est probable que vous n’ayez pas assez d’hormones thyroïdiennes.
  • Mais  s’il est « dans les normes » il ne faut pas conclure que tout est OK. Vous pouvez toujours ne pas avoir assez d’hormones thyroïdiennes.

Il faut donc aller plus loin, surtout si vous manifestez certains des signes possibles d’une thyroïde en sous-régime : de la fatigue, une sensibilité accrue au froid et au chaud, une perte de cheveux, de la dépression, de la rétention d’eau, de la constipation.

Prenez en considération votre historique familial : si un membre direct de votre famille (un des parents, un frère, une soeur) a un problème de thyroïde, vous êtes plus à risque.

Quelques signes cliniques qui peuvent concorder : un réflexe lent au niveau du talon d’Achille, un taux élevé de cholestérol, une température basale au-dessous de 36,5° le matin (efffectuer la prise de température plusieurs jours de suite) sont autant d’indications qui peuvent « mettre la puce à l’oreille ».

Il faut dès lors en reparler avec votre docteur, qui demandera au besoin des tests plus poussés.

Ce qui peut être utile pour repérer un problème :

Dans 90% des cas, l’hypothyroïdie est auto-immune, c’est-à-dire qu’elle est due à un dérèglement immunitaire : des anticorps  s’attaquent à la glande thyroïde. C’est pourquoi il peut être judicieux de rechercher des anticorps thyroïdiens dans les tests sanguins.

D’autres marqueurs indispensables : la T3 libre, la T4 libre, la T3 inverse (cette dernière peut s’avérer très importante et elle est rarement demandée par les médecins – voir un article complet ici, ainsi que les coordonnées d’un laboratoire si vous voulez la faire analyser), le taux de ferritine et de vitamine D.

En conclusion…

Il est facile de faire l’objet d’une erreur de diagnostic quand il s’agit de votre thyroïde… Or l’état de celle-ci peut grandement influencer votre cycle, donc votre bien-être et l’état de votre peau. Ne vous fiez pas pas à la seule analyse de votre taux de TSH si vous suspectez un problème : trouvez un endocrinologue compétent et obtenez l’aide que vous mérite

Vous aimerez aussi...