La justice annule l’arrêté antipesticides du maire de Langouët

Daniel Cueff, maire de Langouët (Ille-et-Vilaine) devant le tribunal administratif de Rennes - 22/08/2019 / © AFP - S. Salom-Gomis
Daniel Cueff, maire de Langouët (Ille-et-Vilaine) devant le tribunal administratif de Rennes – 22/08/2019 / © AFP – S. Salom-Gomis

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Nouvel épisode dans le combat de Daniel Cueff, maire de Langouët contre les pesticides. Son arrêté antipesticides a été annulé ce vendredi par le tribunal administratif, a annoncé Me Arnaud Delomel, avocat de la commune d’Ille-et-Vilaine.

Par KV avec AFPPublié le 25/10/2019 à 12:56 Mis à jour le 25/10/2019 à 14:42
L’arrêté de Daniel Cueff, maire de Langouët contre les pesticides a été annulé par la justice. « Le tribunal administratif de Rennes retient qu’un maire n’a pas le pouvoir de prendre un arrêté en matière de réglementation des pesticides. L’argumentation de la juridiction ne va pas plus loin puisqu’elle s’arrête à la compétence du maire », a déclaré Me Arnaud Delomel, avocat de la commune d’Ille-et-Vilaine. « C’est un coup dur parce que c’est le premier jugement qui est rendu au fond sur le plan national », a-t-il ajouté. La commune de Langouët a deux mois pour faire appel de cette décision.

« Pauvreté de l’argumentaire » du tribunal selon Daniel Cueff

Daniel Cueff s’est dit « évidemment déçu » de cette décision « parce qu’il s’agit de santé publique »« Le jugement du tribunal est d’une pauvreté dans l’argumentaire qui est incroyable et ne tient aucunement compte de ce que nous avons pu amener comme preuves, en particulier le fait que l’autorisation de mise sur le marché des pesticides de synthèse, de l’avis même de l’Anses, n’a jamais fait l’objet d’analyses des conséquences pour les riverains », a-t-il expliqué.

Décision du tribunal administratif de Rennes : annulation de l’arrêté antipesticide du maire de Langouët

Selon le tribunal administratif, « C’est le ministre de l’Agriculture, qui est chargé de la police administrative des produits phytopharmaceutiques. Le maire d’une commune ne peut en aucun cas s’immiscer dans l’exercice de cette police spéciale par l’édiction d’une réglementation locale. »


Un arrêté pris au mois de mai par le maire de Langouët

Pour rappeler les faits, au mois de mai dernier, le maire de la petite commune de Langouët, en Ille-et-Vilaine, village de 600 habitants, prend un arrêté municipal pour interdire l’utilisation de produits phytopharmaceutiques « à une distance inférieure à 150 mètres de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment à usage d’habitation ou professionnel ».  Distance pouvant être ramenée à 100 mètres dans certaines conditions. Il faut savoir que Langouët est depuis de longues années, une commune fer de lance en matière de protection de l’environnement et du développement durable.

Bras de fer avec la Préfecture

Depuis cet arrêté, qui a fait couler beaucoup d’encre, le combat de Daniel Cueff à Langouët, est devenu emblématique de la lutte pour la défense de l’environnement. Mais la préfecture d’Ille-et-Vilaine a engagé un bras de fer avec le maire, considérant qu’il a outrepassé ses droits, et ne lui reconnaissant pas le droit de prendre ce type de décision. Le 11 juin elle annule donc la décision de l’édile, par recours gracieux. Au mois d’août, il est convoqué devant le tribunal administratif et son arrêté est suspendu.

Audience le 14 octobre dernier

Une nouvelle audience s’était tenu le 14 octobre au tribunal administratif de Rennes, pour juger l’arrêté sur le fond. Le maire de Langouët y avait longuement défendu sa position. Ce jour-là une centaine de soutiens au maire avait fait le déplacement devant le tribunal rennais, alors que plus de 200 agriculteurs manifestaient dans la commune leur désaccord avec cet arrêté.

Le communiqué de Daniel Cueff, maire de Langouët

Le Tribunal administratif de RENNES a pris la lourde responsabilité de refuser au Maire la possibilité d’assurer la protection de la santé de ses concitoyens en matière d’épandage des produits phytopharmaceutiques, malgré la carence avérée de l’État. L’instruction du dossier avait pourtant mis en lumière l’absence totale de mesure de protection des riverains en France.
Le Conseil d’État, par son arrêt du 26 juin 2019 a reconnu l’absence de normes nationales de protection des riverains, exigées depuis 10 ans par le Règlement européen 1107/2009. Il est en outre établi, et c’est tout aussi grave, que toutes les autorisations de mise sur le marché (AMM) de produits phytopharmaceutiques délivrées par l’ANSES jusqu’en 2019 ne se préoccupaient aucunement de la protection des riverains des zones traitées.
Il est également établi que ces AMM, et cela concerne aussi au premier chef la santé des agriculteurs, ont été délivrées sans évaluation du caractère de perturbateur endocrinien des substances actives contenues dans les produits phytopharmaceutiques. Ces AMM ont été également délivrées sans tenir compte des effets « cocktail » de tous les co-formulants contenus dans les produits, y compris les nanoparticules, qui peuvent rendre un produit phytopharmaceutique beaucoup plus dangereux que la substance active autorisée au niveau européen par l’EFSA.
La proposition de distances de sécurité de 3 à 5 mètres proposées par le Gouvernement est une insulte à l’intelligence, ces distances ne tenant aucun compte des phénomènes de volatilisation et de post-volatilisation, qui entraînent les molécules des produits épandus à des centaines de mètres de la zone d’épandage, sur une durée de plusieurs jours, voire de plusieurs mois.

Si mon combat a vocation à se poursuivre sur le territoire de la commune de LANGOUËT, à l’écoute des inquiétudes de tous les habitants, y compris les agriculteurs, ce combat est aussi nécessaire à l’échelle nationale. Déjà plus de 100 maires ont pris des arrêtés réglementant l’usage des produits phytopharmaceutiques sur leurs communes, et ce mouvement se poursuit au fur et à mesure de la prise de conscience des habitants et des élus. Aujourd’hui, j’appelle toutes les ONG engagées dans la protection de la santé et de l’environnement à exiger l’abrogation des AMM déjà délivrées inconsidérément par l’ANSES et à engager toutes les actions administratives, civiles ou pénales nécessaires

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