Le regard de l’histoire des sciences sur la glande thyroïde (1800-1960)

Annales d’Endocrinologie (Encyclopédie Médicale MASSON)  Vol 60, N° 1  – mai 1999 p. 10

https://www.em-consulte.com/en/article/74995

P. FRAGU INSERM U 158, Université René Descartes, Paris V – Hôpital Necker-Enfants malades

RÉSUMÉ

Le but de cette revue est de décrire la transformation du regard médical sur la glande thyroïde entre 1800 et 1960, en soulignant les conditions nécessaires à l’acquisition des savoirs thyroïdiens successifs. Confinée dans l’espace cervical jusqu’à la fin du xviii e siècle, la thyroïde envahit durant le xix e siècle tout l’espace corporel avec la description de ses grandes entités cliniques ­ crétinisme goitreux (1802), maladie de Basedow (1835-1856), myxœdème acquis spontané ou chirurgical (1880-1888) ­ qui vont permettre l’émergence du premier schéma anatomoclinique explicatif et curatif de l’endocrinologie : une glande, un produit de sécrétion, un agent thérapeutique.

Avec la constitution de l’endocrinologie biochimique à partir de 1900, le regard médical se centre sur le produit de la sécrétion thyroïdienne, la thyroxine, qui est isolée (1914) et synthétisée (1927).

 Au début des années 1940, deux alternatives médicales sont proposées au traitement chirurgical de la maladie de Basedow, pratiqué à partir de 1880 : l’iode radioactif et les antithyroïdiens de synthèse. Ces deux outils ont permis un accroissement prodigieux des connaissances en physiologie thyroïdienne. L’iode radioactif a affiné les approches physiopathologiques de la glande thyroïde en unifiant les modes de pensées des différents groupes de chercheurs. Les principales transformations conceptuelles introduites alors concernent quatre grands domaines : la spécificité de la captation thyroïdienne de l’iode radioactif, support de son utilisation thérapeutique, le schéma de synthèse des hormones thyroïdiennes, le mode de transport plasmatique des hormones et l’imagerie thyroïdienne.

Depuis 1960, les paradigmes de l’immunologie et de la biologie moléculaire ont à nouveau transformé les conceptions physiopathologiques des maladies thyroïdiennes, sans pour autant modifier les approches thérapeutiques qui sont apparues au siècle dernier (iode, chirurgie et opothérapie) et dans les années 1940 (antithyroïdiens de synthèse et iode radioactif). N’est-ce pas le symbole de la stagnation thérapeutique actuelle ?

INTRODUCTION

Dans la Naissance de la clinique [28], Michel Foucault écrit : « Pour nos yeux déjà usés, le corps humain constitue, par droit de nature, l’espace d’origine et de répartition de la maladie : espace dont les lignes, les volumes, les surfaces et les chemins sont fixés, selon une géographie maintenant familière, par l’atlas anatomique. Cet ordre du corps solide et visible n’est cependant qu’une des manières pour la médecine de spatialiser la maladie. Ni la première sans doute, ni la plus fondamentale. Il y a eu et il y aura des distributions du mal qui sont autres. » Parmi les glandes endocrines, la thyroïde est probablement celle dont l’histoire de la pathologie illustre le mieux ce changement du regard médical et de l’espace pathologique à travers les siècles.

Confinée dans l’espace cervical durant la longue ère anatomique de son histoire [41, 54, 55, 69], la thyroïde envahit progressivement tout l’espace corporel, durant le xix e siècle, lorsque les grandes entités cliniques de sa pathologie se constituent et que la fonction de la glande émerge.

Avec la naissance de l’endocrinologie, au début du xx e siècle, l’espace thyroïdien se réduit à son unité microscopique, le follicule thyroïdien. Le regard médical se centre sur une molécule, l’hormone thyroïdienne, dont l’originalité est de contenir un élément chimique minéral, l’iode, qui est présent seulement à l’état de traces dans l’atmosphère et les surfaces terrestres.

C’est grâce à ce marqueur chimique que la première hormone thyroïdienne, la thyroxine, a pu être isolée dans les années 1920. En lui substituant un atome radioactif, il a été possible d’élucider son métabolisme glandulaire et périphérique [56]. Enfin, grâce aux techniques développées par la médecine nucléaire après la Seconde Guerre mondiale, la distribution thyroïdienne de l’iode a pu être imagée in vivo, renouvelant ainsi les bases du diagnostic et du traitement des maladies thyroïdiennes [83]. Plus récemment, les paradigmes de l’immunologie [57] et de la biologie moléculaire [51] ont à nouveau transformé les conceptions physiopathologiques des maladies thyroïdiennes.

C’est l’histoire de cette transformation du regard médical sur la thyroïde que je me propose de décrire, en soulignant le croisement des disciplines nécessaires à l’acquisition des savoirs thyroïdiens successifs.

Autre manière d’illustrer la judicieuse remarque du philosophe des sciences, Georges Canguilhem pour qui «  la découverte des fonctions de la thyroïde n’est pas, comme celle des lois de Kepler, la prouesse d’un esprit solitaire, encore que solidaire de toute la culture scientifique de l’époque. C’est le fruit d’une œuvre successive et collective dont seulement le bilan, établi à des fins pédagogiques, peut être affecté d’un nom propre. »

Je souhaite ainsi compléter sur le xx e siècle la réflexion qu’il a entreprise sur la pathologie et la physiologie thyroïdiennes au siècle dernier [11].

Le cadre clinique du goitre

En mettant fin à la fonction d’enfermement des indigents, des prostituées et des délinquants, la Révolution française a permis l’émergence de l’hôpital moderne, lieu où s’élabore le savoir médical [28]. En fait, il s’agit de l’aboutissement de tout un mouvement médical, apparu au début du xviii e siècle lorsque Hermann Boerhaave (1668-1738) recentre l’enseignement médical sur l’observation de patients hospitalisés dans sa clinique de douze lits.

Ce retournement conceptuel est aussi le résultat du dynamisme des sociétés chirurgicales qui vont insuffler une nouvelle vision de l’enseignement médical, notamment par l’introduction d’une formation commune aux médecins et aux chirurgiens, lors de la réforme de 1794. C’est enfin le résultat d’une double transformation du regard médical.

D’une part, François Bichat (1771-1802) substitue l’anatomie pathologique des membranes à l’anatomie physiologique de Giovanni Morgagni (1682-1771), qui assurait la spécificité des maladies par leur origine anatomique.

D’autre part, François Magendie (1783-1855) définit un programme de recherche qui vise à introduire les méthodes physiques et chimiques dans l’étude du vivant [50]. C’est de ce changement des pratiques médicales où excelle l’école parisienne de médecine hospitalière [1] que va naître un nouveau regard sur les sujets goitreux, avec la constitution des grandes entités pathologiques thyroïdiennes.

Le goitre endémique

La publication du Traité du goitre et du crétinisme (1802) par François Fodéré (1764-1834) est une étape importante dans cette transformation du savoir médical [16]. Fodéré met en relation le goitre dont il étudie la répartition géographique et familiale dans le Val d’Aoste et le Valais, d’une part, et le crétinisme d’autre part.

Ses explications de ce double phénomène sont très hippocratiques et restent très proches de celles de Horace Saussure (1740-1799) dont les observations font alors autorité. Les vallées étroites du Val d’Aoste et du Valais sont impénétrables au vent et à la lumière qui pourraient renouveler l’atmosphère, d’où le relâchement des solides et la formation du goitre.

En même temps, Fodéré procède à un recueil systématique d’informations sur les mœurs, les végétaux et les minéraux de cette région et en vient à la cure médicale (prescription de l’éponge séchée) et chirurgicale. Le grand mérite de Fodéré est d’avoir relié crétinisme et goitre. Le crétinisme écrit-il, « est toujours un héritage du père ou de la mère, c’est-à-dire que ses dérangements supposent déjà ou la même maladie dans les parents, ou du moins un goitre volumineux » [27]. Avec le crétinisme goitreux s’ouvre ainsi le long débat sur hérédité et dégénérescence qui donnera naissance à la fin du siècle à différentes formes d’eugénisme [13, 44]

Le goitre acquis

La distinction cancer de la thyroïde et goitre apparaît pour la première fois dans Observations on Surgical Anatomy of the Head du médecin écossais Allan Burns (1781-1813). Mais c’est dans le Traité des maladies cancéreuses (1833), paru après la mort de Gaspard Bayle (1774-1816), que l’on trouve la description des caractéristiques de cette affection, qui survient le plus souvent à l’âge adulte. La thèse de Charles Houel, Des tumeurs du corps thyroïde, consacre cette pathologie en 1860 [80]. En 1896, Bernhard Riedel (1846-1916) isole les thyroïdites chroniques [65]. Ce cadre des thyroïdites se complète par la description de la thyroïdite lymphocytaire [40], en 1912, par Hakaru Hashimoto (1881-1934). Quelques années auparavant (1904), François de Quervain (1868-1941) rapporte les premiers cas de goitre spontanément résolutif [19].

Le goitre exophtalmique

Dans les années 1830, la médecine clinique construit la triade symptomatique de cette maladie qui associe des troubles cardiaques, oculaires et thyroïdiens. C’est en 1835 que Robert Graves (1796-1853) publie les observations de trois patients atteints d’une hypertrophie thyroïdienne et de violentes palpitations cardiaques [33]. Cinq ans plus tard, Carl von Basedow (1799-1854) rapporte à nouveau les cas de quatre patients qui présentent la triade symptomatique suivante : goitre, palpitations et exophtalmie [84]. En 1856, Jean Charcot (1825-1893) publie la première observation française et insiste sur le tremblement des extrémités [14]. Dès les années 1860, la question posée est celle du mécanisme commun sous-jacent à ces trois symptômes [29]. Parmi les tentatives d’explication, celle qui s’organise autour des troubles oculaires et qui se fonde sur les travaux expérimentaux réalisés sur les mécanismes de régulation nerveuse de l’activité des organes (théorie de la névrose du grand sympathique cervical) prévaudra jusqu’à la découverte de la fonction du corps thyroïde à la fin du xix e siècle [10].

L’émergence de la fonction thyroïdienne

À partir de 1870, la description de la pathologie thyroïdienne s’enrichit. Les médecins rapportent les observations de crétinisme acquis chez l’adulte comme chez l’enfant, associé à des modifications anatomiques de la glande thyroïde qui est, à l’autopsie, soit atrophiée, soit absente. D’autre part, les progrès de l’anesthésie et l’introduction des méthodes de prévention listerienne de l’infection chirurgicale rendent les chirurgiens de plus en plus audacieux. Ils pratiquent l’exérèse de nombreux organes, notamment celle de la thyroïde dans les pays d’endémie goitreuse comme la Suisse. En refusant l’expectative thérapeutique des médecins face au goitre endémique, les chirurgiens deviennent expérimentateurs et créent une pathologie nouvelle dont le tableau ressemble au crétinisme acquis des médecins. C’est aux physiologistes qu’il revient de trouver, par leurs expériences de thyroïdectomies, le déterminisme de cette maladie, condition d’une thérapeutique active. Les hypothèses sur le rôle de la glande thyroïde sont nées de cette triple rencontre [11].

Le crétinisme sans goitre

En 1850, Thomas Curling (1811-1888) présente à la Société Royale de Médecine de Londres les deux premiers cas de crétinisme sporadique [17]. La caractéristique de ces deux patients, c’est l’absence de goitre et de tissu thyroïdien à l’autopsie. Vingt ans plus tard, Charles Fagge (1838-1883) rapporte deux observations identiques chez l’enfant [24], tandis que William Gull (1816-1890), un des élèves de Thomas Addison (1793-1880), décrit chez l’adulte un tableau de crétinisme acquis [36]. En France, la reconnaissance de cette pathologie est l’œuvre de l’école de Charcot. Gilbert Ballet (1853-1913) identifie sous le nom de cachexie pachydermique un syndrome caractérisé par un épaississement des téguments qui apparaît chez la femme d’âge mûr [4], au moment où Désiré Bourneville (1840-1909) décrit l’idiotie congénitale [8]. C’est William Ord (1834-1902) qui forge à partir d’observations similaires le terme de myxœdème (mucinous edema) [59]. Il en propose une étiologie (un envahissement de l’organisme par la mucine qui ne serait plus détoxifiée par le corps thyroïde) et un test diagnostique (le dosage de la mucine). Ainsi, deux sortes de crétinisme se côtoient, l’un endémique associé à un goitre, l’autre spontané sans thyroïde.

La chirurgie du goitre, telle qu’elle se développe à partir de 1860, va permettre de conforter, à travers l’œuvre de deux chirurgiens suisses ­ Theodor Kocher (1841-1917, prix Nobel, en 1909) et de Jean Louis Reverdin (1842-1929) ­ les observations de myxœdème spontané. En effet, ces deux chirurgiens restent perplexes quant au devenir de leurs patients thyroïdectomisés, puisque ceux qui survivent à la phase aiguë postopératoire sombrent dans le crétinisme. Après avoir écouté une communication de Kocher, Felix Semon (1849-1921), ORL allemand récemment émigré en Angleterre, fait l’hypothèse que la maladie décrite par Ord et les complications de la chirurgie thyroïdienne sont une même entité. Si Ord, Kocher et Reverdin s’accordent rapidement sur l’étiologie thyroïdienne du myxœdème spontané ou postopératoire, ce consensus n’est pas acquis à la Société Royale de Londres qui nomme une commission d’experts [79], tradition bien établie dans les sociétés savantes anglaises ou françaises.

Le travail de cette commission offre l’exemple du déplacement de la médecine d’observation et de description, caractéristique de la première moitié du xix e siècle, à la médecine expérimentale de la seconde moitié du siècle. La première tâche de la commission anglaise a été d’analyser soigneusement l’ensemble des 109 observations de myxœdème spontané alors publiées. La symptomatologie clinique et les rapports d’autopsie, obtenus dans 20 cas, font l’objet d’une revue critique.

L’accent est d’emblée mis sur les modifications de la peau et la diminution du volume du corps thyroïde qui apparaît scléreux. Semon lance une enquête sur le myxœdème chirurgical auprès de 115 chirurgiens européens impliqués dans la chirurgie thyroïdienne. Plus de la moitié répondent à son questionnaire. Si l’identité symptomatologique des deux myxœdèmes médical et chirurgical paraît confirmée, en revanche les différences notables dans son taux de survenue (à peine dans 1 % des cas pour le chirurgien viennois Christian Billroth (1829-1894), contre 50 % pour les deux chirurgiens suisses Kocher et Reverdin) ne permettent pas de conclure sur le rôle que joue l’ablation du corps thyroïde. Mais l’originalité de cette commission provient de deux experts qu’elle s’est adjointe : le chimiste William Halliburton (1860-1931) afin d’expertiser le rôle de la mucine, et le physiologiste Victor Horsley (1857-1916). Il n’est pas retrouvé d’augmentation de la teneur en mucine sur les différents fragments humains prélevés lors de dix autopsies. En revanche, cette teneur est augmentée dans les myxœdèmes expérimentaux produits par Horsley. Plusieurs espèces animales sont utilisées, mais le modèle expérimental le plus élaboré est celui obtenu chez le singe. Horsley observe deux types de myxœdème. Le premier, aigu, apparaît quelques jours après l’intervention, évoluant vers la mort dans un tableau dont certains signes évoquent le goitre exophtalmique. La teneur en mucine est élevée dans les différents tissus testés. Le deuxième, tardif, survient chez les animaux qui réussissent à survivre. Il simule le crétinisme humain, mais ne s’accompagne pas de modification de la mucine tissulaire. Devant ces résultats contradictoires, il n’est pas surprenant que le rapport final n’ait été publié qu’en 1888. Le myxœdème est reconnu comme entité clinique liée à une destruction du corps thyroïde. La commission doit cependant admettre que sa cause reste inconnue.Entre temps, d’autres faits expérimentaux ont apporté des arguments décisifs sur le rôle de la thyroïde. En 1884, Moritz Schiff (1823-1896) reprend ses expériences de thyroïdectomies réalisées 30 ans plus tôt et montre par des expériences de greffe que le maintien de la sécrétion thyroïdienne évite la mort de l’animal. La chirurgie va rapidement confirmer ces données chez l’homme puisque Odilon Lannelongue (1840-1911) réalise la première greffe de thyroïde en France en 1890.

Les travaux d’Emile Gley (1857-1930) ont largement éclairé le débat sur l’hypothyroïdie chirurgicale entre 1890 et 1900. Il reproduit expérimentalement les deux phases du myxœdème observées par les chirurgiens du goitre [31]. Quelques années plus tard, il montre que c’est l’exérèse de glandules, situées de chaque côté de la thyroïde et interprétées comme étant du tissu thyroïdien embryonnaire, qui provoque la phase aiguë du myxœdème opératoire. Ces structures ont été déjà décrites en 1880 par Yvar Sandström (1852-1889), qui, leur refusant le rôle de thyroïde accessoire, les a nommées parathy­roïdes. En 1900, le rôle spécifique des parathyroïdes est définitivement établi : leur exérèse produit un syndrome spécifique, le myxœdème aigu rebaptisé tétanie, qui peut être prévenu par l’administration d’un extrait glandulaire de cheval. Nous sommes en pleine expansion de l’organothérapie, inaugurée, en 1889, par les expériences retentissantes d’organothérapie substitutive testiculaire pratiquée sur lui-même par Charles Brown-Sequard (1817-1894).

C’est au médecin gallois George Murrey (1865-1939) que l’on doit la mise en évidence du principe actif thyroïdien [58]. En 1891, Murrey injecte, par voie sous-cutanée, de l’extrait thyroïdien de mouton à une myxœdémateuse et constate la disparition des signes de l’affection. Principe actif dont le rôle est conforté par l’une des premières intoxications par extraits thyroïdiens, décrite en 1894 par Antoine Béclère (1856-1939). Sa symptomatologie simule un grand nombre de signes cliniques du goitre exophtalmique et évolue vers la guérison spontanée [6]. Le premier schéma anatomoclinique explicatif et curatif de l’endocrinologie vient d’émerger : une glande, un produit de sécrétion, un agent thérapeutique. Avec l’agent thérapeutique et sa fabrication, l’industriel du médicament intervient désormais dans le couple médecin-physiologiste.

Le goitre exophtalmique revisité

Cette effervescence autour du myxœdème n’est pas sans conséquence sur la pathogénie du goitre exophtalmique. En 1880, Paul Tillaux (1834-1904) réalise l’ablation du corps thyroïde d’un patient  atteint de goitre exophtalmique avec, pour conséquence la plus visible, la disparition de la symptomatologie [81]. Le débat sur l’étiologie du goitre exophtalmique se recentre sur la glande thyroïde, d’autant que la théorie de la névrose sympathique laisse beaucoup de questions sans réponse. Pour expliquer l’ensemble de la symptomatologie du goitre exophtalmique, il faut admettre dans un même rameau du grand sympathique l’excitation de certaines fibres, la paralysie d’une autre et enfin le fonctionnement régulier de certaines fibres. Enfin, les lésions nerveuses restent introuvables par les méthodes histologiques en pleine expansion.

En 1888, l’histologiste lyonnais Joseph Renaut (1844-1917), recherchant une étiologie infectieuse à la fièvre du goitre exophtalmique, décrit des lésions inflammatoires autour du système lymphatique thyroïdien supposé être la voie excrétrice thyroïdienne dans le milieu intérieur

 Renaut développe sa conception de la maladie de Basedow dans un chapitre de la thèse de son élève ­Henry Bertoye, Étude clinique sur la fièvre du goitre exophtalmique et comparativement sur les fièvres spéciales à quelques névroses, Thèse de médecine, Lyon, 1888, n 409.. Dans sa Bradshaw lecture, prononcée en 1893, William Greenfield (1846-1919) insiste sur les modifications de l’épithélium thyroïdien qu’il a observées chez les six patients dont il a pratiqué l’autopsie [34]. De cubique, celui-ci devient cylindrique dans le goitre exophtalmique et se trouve associé à une diminution de la taille des acinis thyroïdiens et de leur contenu en colloïde. C’est pour lui la preuve qu’il s’agit d’une maladie qui pervertit primitivement la fonction de la glande thyroïde dans l’économie générale de l’organisme.

La dernière étape de cette identification du rôle de la glande thyroïde dans la genèse du goitre exophtalmique est étroitement associée à l’œuvre du médecin de la Mayo clinic, Henry Plummer (1874-1937). L’analyse change d’échelle : établie jusqu’alors sur un nombre limité de cas cliniques, elle intègre les résultats d’une série rétrospective de 1909 patients opérés et dont les pièces opératoires ont été examinés histologiquement entre 1909 et 1913 [63].

Dans 80 % des cas, les lésions thyroïdiennes décrites par Greenfield sont diffuses dans l’ensemble du corps thyroïde, tandis que dans les 20 % restants, la lésion thyroïdienne est seulement localisée. Mais l’élément majeur qui ressort de cette comparaison entre les deux groupes, c’est la présence d’une exophtalmie dans le seul premier groupe, par ailleurs le plus nombreux. Plummer est ainsi conduit à distinguer deux types de maladies : l’une ­ le goitre exophtalmique ou maladie de Basedow ­ est toujours associée à une exophtalmie, un goitre et des lésions histologiques diffuses du corps thyroïde ; l’autre ­ le goitre toxique ou maladie de Plummer ­ n’est jamais associée à une exophtalmie ; le goitre y est très discret sur le plan clinique et se présente à l’histologie sous une forme très localisée d’adénome thyroïdien dit toxique. C’est pour Plummer la preuve qu’une transformation, même localisée, de la structure thyroïdienne peut engendrer un hyperfonctionnement thyroïdien. Le terme d’hyperthyroïdie (hyperthyroidism), proposé par Charles Mayo (1865-1939) en 1907, regroupe ces deux entités et souligne le rôle essentiel du corps thyroïde dans la genèse de ces deux affections.

À partir de 1920, la configuration pathologique change car elle intègre le signe biologique, notamment le métabolisme de base [22]. Aux États-Unis, James Means (1885-1967) construit autour du laboratoire du métabolisme de base du Massachusetts Hospital la première Thyroid clinic américaine figure 1 , qui va devenir rapidement le lieu de rencontre pour les différents spécialistes de la glande thyroïde [53]. En France, Marcel Labbé (1870-1939), qui introduit cet examen à la même époque dans son service parisien, arrache progressivement la pathologie thyroïdienne à l’emprise des neurologues de l’école de Charcot. Derrière le symptôme, il faut dorénavant voir moins la lésion anatomique que le trouble fonctionnel et la lésion chimique.

La découverte de l’iode thyroïdien et des hormones thyroïdiennes

Le prodigieux essor de l’endocrinologie, dans la première moitié du xx e siècle, est indissociable de celui de la biochimie [47]. Ses premiers développements se situent, à partir de 1850, en Allemagne, et cherchent à appliquer les méthodes de la chimie à l’étude des phénomènes physiologiques. Le cadre institutionnel est constitué soit par les grands instituts de recherche physiologique, soit par les chaires de chimie physiologique nouvellement créées dans les facultés de médecine. Certaines chaires, comme celles de Fribourg et de Strasbourg occupées respectivement par Eugen Baumann (1846-1896) et Felix Hoppe-Seyler (1825-1895), ont acquis une renommée internationale et attirent, à la fin du siècle dernier, de nombreux visiteurs étrangers. La biochimie anglaise, qui prend son essor au début du xx e siècle autour de Frederic Hopkins (1861-1947), a un projet plus ambitieux puisqu’il s’agit d’aborder tous les phénomènes du vivant. Quant aux États-Unis, l’accent mis sur la recherche dans la formation médicale, à partir de 1890, va avoir pour conséquence d’attirer des chimistes non médecins dans les grandes institutions nouvellement créées, comme l’Hôpital John Hopkins de Baltimore (1876) ou l’Institut Rockefeller de New York (1901). Ces chimistes vont devoir appliquer leurs méthodes aux problèmes posés par les médecins et ainsi forger cette nouvelle discipline : la biochimie qui va révolutionner l’endocrinologie. La France, quant à elle, échappe complètement à ce mouvement, car la recherche endocrinologique est centrée sur les méthodes histophysiologiques développées par l’école de Nancy-Strasbourg.

La découverte de l’iode thyroïdien

C’est l’année de sa mort, en 1896, que Baumann découvre la présence d’iode dans la thyroïde [5]. Cette hypothèse avait été formulée par Kocher au moment où les chimistes ­commençaient à s’intéresser à cette glande. Le produit isolé, appelé iodothyrin, est capable de corriger les effets du myxœdème spontané ou provoqué. L’activité de l’iodothyrin apparaît fortement corrélée à sa teneur en iode. Quelques années plus tard, démonstration est faite que l’iode est contenu dans une fraction protéique de la colloïde appelée thyroglobuline. En 1900, Gley identifie la présence d’iode organifié dans la circulation sanguine, associé avec les protéines sériques [32].

La découverte de l’iode dans la thyroïde a pour conséquence immédiate de faire reconsidérer son rôle dans la genèse de la pathologie thyroïdienne, alors qu’il est utilisé depuis 1820 dans le traitement du goitre. Dans les années 1850, le goitre et le crétinisme étaient devenus un enjeu pour le gouvernement impérial, surtout avec le retour définitif de la Savoie à la France. L’Académie des Sciences et l’Académie de Médecine en ont discuté longuement et formulent des avis, notamment sur les études d’Adolphe Chatin (1813-1901) réalisées entre 1850 et 1876. Professeur de botanique médicale, théorique et pratique à l’École de Pharmacie de Paris, Chatin passe ses vacances universitaires à recueillir des fragments de végétaux et de terre, ainsi que des échantillons d’eau dont il mesure la ­concentration en iode. C’est ainsi qu’il estime de 5 à 10 µg l’apport iodé quotidien à Paris ; celui-ci n’est que de 1 à 2 µg à Lyon et à Turin, et s’effondre à 0,5 µg dans les vallées alpines où sévit le crétinisme goitreux. Ces résultats l’amènent à formuler l’hypothèse d’un lien possible entre déficience en iode et goitre. Cependant, la précision des méthodes utilisées paraît insuffisante à l’Académie des Sciences qui rejette officiellement cette théorie [64]. Il est vrai que les concepts de maladie carentielle et de cause unique d’une maladie, tels qu’il se développeront à partir de 1880 sous l’influence de la bactériologie, ne sont pas encore admis. Ces maladies carentielles étaient alors conçues comme étant essentiellement liées à la dégénérescence [74].

L’hypothèse de Chatin est reformulée dans les années 1910 par David Marine (1880-1976). Anatomopathologiste formé à l’hôpital John Hopkins où il a suivi l’enseignement de chirurgie expérimentale dispensé par William Halstedt (1852-1922), ses travaux associent une approche histologiste à des dosages d’iode [52]. Il établit que la structure histologique du corps thyroïde est étroitement liée à son contenu en iode. Une hyperplasie des cellules thyroïdiennes, l’une des caractéristiques histologiques du goitre, apparaît lorsque la concentration en iode de la thyroïde est inférieure à 100 µg par gramme de tissu. Plus la glande est hyperplasique, moins elle contient d’iode. Les travaux concomitants du chimiste suisse Th. von Fellenberg apportent des arguments également décisifs, à l’échelon macroscopique, sur cette relation structure-fonction thyroïdienne, en montrant que la fréquence du goitre est étroitement corrélée à la teneur en iode de l’alimentation : elle est d’autant plus élevée que l’apport iodé quotidien est faible [55]. Ces travaux ont jeté les bases des campagnes de prévention du goitre endémique aux USA et en Europe. Cependant, cette théorie ne sera pas unanimement admise. Ce n’est qu’en 1950 qu’elle sera finalement adoptée, lorsque les études de la cinétique de l’iode radioactif auront démontré les mécanismes thyroïdiens d’adaptation à la carence iodée [75]. En 1960, l’OMS s’engage dans une campagne internationale de prophylaxie iodée. Le but est d’éradiquer complètement cette affection avant l’an 2000.

Entre 1900 et 1940, les dosages d’iode stable sont l’outil de base de la recherche thyroïdienne [71]. Il est proposé un test de tolérance à l’iode pour explorer la pathologie thyroïdienne. La difficulté de la technique et sa mauvaise sensibilité expliquent que cet élément ait été retrouvé dans de nombreux organes tels que l’hypophyse, le diencéphale, les ovaires et les surrénales. C’est à travers l’iode que sont envisagées les relations entre ces différents organes et la thyroïde. La thyroïde, par sa teneur élevée en iode, apparaît comme le maillon central dans les interrelations glandulaires.

L’identification de la sécrétion thyroïdienne

Dès la découverte de l’iode thyroïdien, de nombreuses recherches vont s’efforcer d’identifier les produits de sécrétion thyroïdienne [62]. Une étape importante est franchie en 1909, lorsqu’il est démontré que l’élimination de l’iode de l’iodothyrin conduit, en fonction des conditions expérimentales, soit à la formation de tyrosine, soit à celle de tryptophane. En revanche, l’iodation de ces acides aminés ne permet pas d’obtenir des produits ayant une activité thyroïdienne. L’hypothèse est alors formulée que le produit actif est obtenu par iodation des résidus tyrosine ou tryptophane de la thyroglobuline, bien que la tentative d’obtention par hydrolyse se soit soldée par un échec.

Les travaux d’Edward Kendall (1886-1972, prix Nobel 1950) ont conduit à l’isolation de la thyroxine et l’identification de sa structure chimique : C11H10O3NI3, caractérisée par la présence d’un noyau indol. Il nomme ce produit thyroxine, contraction de thyroxindole [45]. Quelques années plus tard, les travaux de Charles Harington (1897-1972) menés entre 1924 et 1928 ont conduit à l’explication complète de la formule de la thyroxine, à sa synthèse chimique, à sa mise en évidence dans le tissu thyroïdien, et à la mise en évidence de l’activité biologique de ses deux formes racémiques [39]. L’identification de la diiodotyrosine a permis à Harington de proposer le premier schéma de synthèse hormonale : iodation des radicaux tyrosine pour former de la diiodotyrosine qui représente la forme de stockage dans la colloïde, tandis que le couplage de deux diiodotyrosines conduit à la formation de thyroxine.

Il apparaît progressivement que le taux d’iode sérique total dépend de l’activité thy­-roï­dienne : il est effondré dans le myxœdème, et augmenté dans le goitre exophtalmique. Le développement de méthodes plus spécifiques de dosage de l’iode organifié confirme ces données.

En 1939, il est suggéré que cette fraction d’iode sérique est probablement de la thyroxine [82], hypothèse qui sera définitivement confirmée en 1954 grâce à l’utilisation de thyroxine marquée à l’iode radioactif [77]. Mais la recherche thyroïdienne a changé de paradigme, les règles et les normes des pratiques scientifiques se sont modifiées.

L’iode radioactif et l’essor De la physiopathologie thyroïdienne

Jusque dans les années 1940, chacune des disciplines qui étudient la glande thyroïde avait sa propre approche qui faisait appel à des techniques aussi diverses que celles mises en œuvre par la chirurgie expérimentale, l’histologie, la chimie et la physiologie des échanges gazeux. L’introduction de l’iode radioactif comme moyen d’investigation a permis d’unifier les modes de pensées des différents groupes de chercheurs qui utilisaient ce radio-isotope à leurs fins propres. En tant qu’indicateur, il a été l’outil de base qui, entre 1940 et 1970, a permis d’initier de nombreuses recherches sur l’iode renouvelable et non renouvelable, et de faire émerger un nouveau regard médical sur la pathologie thyroïdienne qui, avec l’utilisation de modèles, entre dans l’ère de la mathématisation. L’iode radioactif a affiné, sinon créé, les approches physiopathologiques de la glande thyroïde. De plus, il a fourni une arme thérapeutique extrêmement efficace aux affections thyroïdiennes bénignes et malignes [72].

Le contexte scientifique

La découverte de la radioactivité artificielle en 1934 par Frédéric (1900-1958) et Irène (1897-1956) Joliot (prix Nobel 1935) d’une part, et la production des isotopes radioactifs, à partir de 1938, par le cyclotron construit à Berkeley par Ernest O. Lawrence (1901-1958, prix Nobel 1939) d’autre part, ont suscité rapidement des travaux dans le champ médical et biologique.

L’utilisation de l’iode radioactif pour l’investigation thyroïdienne est évoquée pour la première fois en 1936 dans la Thyroide Clinic que dirige Means à Harvard, à l’occasion du séminaire What physics can do for biology and medicine ? donné par le physicien Arthur Compton (1892-1962, prix Nobel 1927). L’idée d’utiliser les isotopes en biologie n’est pas nouvelle. Dès 1923, Hevesy (1885-1962, prix Nobel 1943) a formulé la théorie des indicateurs nucléaires, qui postule que lessotopes d’un même élément ont même devenir lorsqu’ils sont introduits dans l’organisme [43]. Harold Urey (1893-1991, prix Nobel 1934) découvre les isotopes stables, en particulier le deutérium puis l’azote 15, qui permet au biochimiste Rudolph Schoeheimer (1898-1941) d’élaborer les notions d’instabilité dynamique des constituants du corps et de renouvellement métabolique [46]. Le premier isotope radioactif de l’iode ­ l’iode 128 ­ est décrit en 1934 par Enrico Fermi (1901-1954, prix Nobel 1938).

Dans le domaine thyroïdien, les principales transformations conceptuelles introduites par l’iode radioactif concernent quatre grands domaines : la spécificité de la captation thyroïdienne de l’iode radioactif, support de son utilisation thérapeutique, le schéma de synthèse des hormones thyroïdiennes, le mode de transport plasmatique des hormones et l’imagerie thyroïdienne.

La radiothérapie métabolique

Les premiers travaux utilisant l’iode radioactif ont été réalisés conjointement par les trois groupes qui disposaient d’un cyclotron : Joseph Hamilton (1907-1957) et Isræl Chaikoff (1902-1966) à Berkeley ; Means, Saul Hertz (1905-1950) et Robley Evans (1907-1950) à Boston ; Joliot à Paris, où deux de ses collaborateurs, C. Leblond et P. Sue, développent un programme de recherche biologique centré sur les relations hypophyse-thyroïde [48]. Les isotopes utilisés dans ces travaux sont de deux types. Le premier est l’iode 128 (période : 12 h) qui est obtenu par bombardement neutronique de l’iode 127 ; il contient toujours de l’iode 127 qui ne peut être éliminé lors des étapes préparatives. Le deuxième isotope, l’iode 131 (période : 8 jours) ne contient jamais d’iode 127 puisqu’il est produit par bombardement du tellure par des deutons.

Associé à une quantité définie d’iode stable, l’iode radioactif doit permettre de suivre la distribution de cet élément naturel dans l’organisme. La mesure de la radioactivité permet d’éliminer les dosages d’iode stable qui sont difficiles et peu sensibles. Réalisés après injection de plusieurs mg d’iode stable et d’une infime activité d’iode radioactif, les premiers travaux, qui sont publiés autour des années 1940, mettent en évidence que la plus grande partie de l’iode radioactif est éliminée dans les urines, tandis qu’une faible fraction (5 % de la dose injectée) se trouve fixée dans la thyroïde, proportion qui se trouve augmentée après stimulation thyroïdienne pharmacologique. Cette fixation est cependant trop faible pour offrir un effet thérapeutique.

Les travaux du groupe de Chaikoff provoquent une révolution conceptuelle quant à l’utilisation de l’iode radioactif dans les études physiologiques. Physiologiste de l’Université de Berkeley, Chaikoff se charge de développer les premières applications physiologiques des isotopes radioactifs produits par le groupe de Lawrence. Utilisant dès 1940 l’iode 131, il peut l’injecter à l’animal, avec ou sans iode 127 entraîneur [61]. Il observe avec surprise que la fixation thyroïdienne en l’absence d’entraîneur atteint 65 % de la dose injectée. L’iode radioactif devient alors le traceur de l’iode endogène et non plus celui de l’iode administré. C’est la dynamique de l’iode endogène que l’on peut suivre et modéliser mathématiquement. La fixation thyroïdienne de l’iode radioactif devient un index de l’avidité du corps thyroïde pour l’iode endogène. Elle est de plus hautement spécifique. Une voie de recherche s’ouvre : celle du transport actif de l’iode et de son inhibition, qui conduira en 1949 à la mise en évidence de l’autorégulation thyroïdienne par l’iode, connue sous le nom d’effet Wolff Chaikoff. Ces travaux ont enfin permis de jeter les bases du traitement des affections thyroïdiennes bénignes et malignes par l’iode radioactif.

En effet, dès les années 1920, quelques cliniciens avaient cherché un substitut thérapeutique à la chirurgie thyroïdienne du goitre exophtalmique en utilisant la radiothérapie externe naissante [7]. En 1942, à l’occasion de la réunion annuelle de l’American Society of Clinical Investigation, les groupes de Berkeley et de Boston publient les résultats des premiers patients hyperthyroïdiens traités par une activité thérapeutique d’iode radioactif [38, 42]. Dès son apparition, la radiothérapie métabolique de la glande thyroïde entre en compétition avec un nouveau traitement médical ­ les antithyroïdiens de synthèse [3] ­ développé également à Boston par Edwin Astwood (1909-1976).

L’iode radioactif a aussi révolutionné le traitement du cancer de la thyroïde. Les premières études concernant son traitement ont été effectuées en 1940 par le groupe de Berkeley qui a montré par autoradiographie l’incapacité du tissu cancéreux de fixer l’iode radioactif [37]. Trois ans plus tard, preuve est faite que les métastases des cancers thyroïdiens, dont la structure du tissu histologique est la plus proche du tissu normal, peuvent fixer l’iode : le groupe des cancers thyroïdiens se trouve ainsi divisé entre ceux qui ont conservé une activité fonctionnelle et qui peuvent capter l’iode radioactif, et ceux qui ont perdu cette propriété [30, 73].

Le schéma de synthèse des hormones thyroïdiennes

L’hypothèse d’une seconde hormone thyroïdienne, plus active que la thyroxine, avait été soulevée à plusieurs reprises, en raison notamment de la discordance observée entre les effets de la thyroxine et des extraits thyroïdiens qui proportionnellement étaient plus actifs.

Avec l’utilisation de l’iode radioactif, la chromatographie sur papier a pris une très grande extension et permis, dès 1948, la mise en évidence d’un nombre imprévu de composés iodés dans des hydrolysats de thyroïde de rat et d’homme. L’un d’entre eux ­ la mono-iodotyrosine ­ est le premier précurseur de la synthèse de la thyroxine [26]. En 1950, un nouveau composé iodé est découvert ; il est identifié deux ans plus tard, simultanément à Londres et à Paris [35, 67], par les groupes de Rosalind Pitt-Rivers (1907-1991) et de Jean Roche (1901-1992) comme étant la 3.5.3′ triiodothyronine (T3). Il s’agit de la seconde hormone thyroïdienne, douée d’une activité hormonale cinq fois plus efficace que la thyroxine (T4). Quelques années plus tard, le groupe de Roche figure 1 , qui a joué un rôle fondamental dans la renaissance de la biochimie française après la Seconde Guerre mondiale, isolait la 3 3’5′-L-triiodothyronine (reverse T3), produit dépourvu d’activité hormonale [68]. Lorsque la radio-immunologie permettra de doser, dans les années 1970, ces deux nouvelles hormones dans différentes situations physiopathologiques (hyper et hypothyroïdie, jeûne…), il deviendra alors évident que la T4 n’est qu’une prohormone, que la T3 est l’hormone active et que la T3 inverse est une voie métabolique particulière aux situations de détresse physiologique.

Le transport des hormones thyroïdiennes

En 1940, l’histoire naturelle d’une hormone peut se résumer ainsi : sécrétée par une glande dans le sang veineux efférent, elle rejoint le système circulatoire général, ce qui en permet la distribution rapide dans tout l’organisme. On ignore tout des modalités biochimiques du transport des hormones jusqu’aux organes cibles. En 1952, année faste pour la glande thyroïde, la méthode d’électrophorèse par zones permet la mise en évidence d’une protéine spécifique, la thyroxin binding globulin (TBG), à laquelle se lie spécifiquement la thyroxine radiomarquée [66]. Le facteur limitant dans le transport est le nombre de sites de la TBG susceptibles d’être saturés par la thyroxine. D’emblée, le rôle que doit jouer cette protéine dans la distribution générale de la thyroxine est établi, tandis que se formulent les concepts d’hormones libres et liées dont les échanges sont gouvernés par la loi d’action de masse. La mesure de la capacité latente de fixation des hormones thyroïdiennes par la TBG a jeté les bases de l’exploration thyroïdienne in vitro [15].

L’imagerie fonctionnelle

imagerie fonctionnelle in vitro et in vivo est née avec l’iode radioactif. Dès les années 1920, les travaux des histologistes ont identifié le follicule thyroïdien comme unité fonctionnelle élémentaire. Les rôles respectifs de l’épithélium et de la colloïde ont été définis comme lieu de synthèse et de stockage de la thyroxine [12, 76]. Cependant, les méthodes biochimiques utilisées pour isoler la thyroxine nécessitaient de broyer de grandes quantités de tissus animaux et il fallait à tout prix éviter une perte d’iode par hydrolyse. Le couplage des méthodes histologiques et de l’iode radioactif, principe de la microautoradiographie, a permis de relier la distribution de l’iode aux structures histologiques. Dès les travaux inauguraux, deux faits essentiels apparurent d’emblée : la localisation exclusivement colloïdale de l’iode radioactif, et l’hétérogénéité de sa distribution dL’imagerie fonctionnelle’un follicule à un autre, interprétée en termes de renouvellement métabolique [49]. En bref, l’autoradiographie a ouvert la voie au programme de recherche physiologique par l’imagerie microscopique. Dans les années 1970, lorsque les techniques immunohistochimiques permettront de localiser les autres facteurs de l’hormonosynthèse thyroïdienne (thyroglobuline, peroxydase thyroïdienne), le site de l’iodation pourra être localisé au pôle apical de la cellule thyroïdienne [78]. À partir de 1980, la cartographie directe de l’iode stable par microscopie ionique [9] viendra compléter ces études, en reliant la distribution de l’iode renouvelable (iode radioactif) à celle de l’iode total (iode stable).

C’est par les mesures de radioactivité urinaire qu’ont été jetées, dès 1941, les bases de l’exploration fonctionnelle thyroïdienne à l’aide de l’iode radioactif [83]. Quelques années plus tard, tous les auteurs ont observé une diminution de l’élimination urinaire dans les hyperthyroïdies, une augmentation dans les hypothyroïdies et une élimination totale chez les patients thyroïdectomisés. Les premières mesures de la fixation thyroïdienne sont également réalisées dès 1940. Chez les sujets hyperthyroïdiens, la cinétique de l’iode est raccourcie, tandis qu’elle est ralentie dans l’hypothyroïdie. Les cinétiques thyroïdienne et urinaire sont complémentaires l’une de l’autre. Plusieurs épreuves dynamiques d’exploration de l’axe hypophyso-thyroïdien vont progressivement être introduites : test de freination hypophysaire par les hormones thyroïdiennes afin de distinguer les goitres euthyroïdiens des goitres hyperthyroïdiens, test de stimulation par la TSH afin de distinguer l’origine centrale ou périphérique des hypothyroïdies. Ces épreuves seront complétées par l’étude des fractions iodées plasmatiques, lorsque les résines échangeuses d’ions deviendront facilement utilisables. Toute une série de tests seront mis au point à partir des années 1950 pour détecter les troubles congénitaux de l’hormonosynthèse : troubles de la captation de l’iodure par absence de pompe à iodure, défaut d’organification mis en évidence par la compétition iodure perchlorate, défaut de désiodase…

Très rapidement, la radioactivité des pièces opératoires thyroïdiennes est mesurée puis corrélée avec les mesures de fixation in vivo permettant la définition d’une nouvelle sémiologie de la morphologie thyroïdienne à partir de la capacité de fixation de l’iode radioactif par le tissu thyroïdien [20]. Certains nodules apparaissent hypofixants et peuvent se révéler cancéreux. D’autres captent la totalité du radio-iode et sont hyperfixants ; ils ­correspondent à l’hyperthyroïdie sans ­exophtalmie, décrite trente ans plus tôt par Plummer, qui a trouvé son originalité ­diagnostique. Enfin, il devient possible de détecter des masses thyroïdiennes ectopiques : goitre thyroglosse et métastases fixantes de cancer thyroïdien. L’exploration fonctionnelle par l’iode radioactif sera le pilier des services de médecine nucléaire jusque dans les années 1970.

Épilogue provisoire

 partir des années 1960, le paradigme de l’immunologie qui se substitue à celui de la chimie, bouleverse à nouveau la physiopathologie thyroïdienne. La découverte d’un facteur thyréostimulant différent de la TSH dans la maladie de Basedow ­ le LATS [2] ­ survient alors que s’élabore, grâce à la rencontre de l’investigation clinique et de la médecine expérimentale, le concept de maladie thyroïdienne auto-immune : la présence d’anticorps antithyroïdiens est détectée dans le sérum de patients atteints de thyroïdite lymphocytaire [21], qui est reproduite chez le rat par injection de l’un des antigènes thyroïdiens, la thyroglobuline [70]. Au début des années 1970, la maladie de Basedow devient une maladie auto-immune liée à la présence d’auto-anticorps qui entrent en compétition avec la TSH en se fixant sur son récepteur membranaire thyroïdien ; elle trouve aussi sa spécificité par rapport au goitre toxique qui n’est jamais associé à la formation d’anticorps antithyroïdiens.

Depuis les années 1980, la biologie molé­culaire s’est emparée du modèle thyroïdien. Les RNA messagers des différents acteurs qui interviennent dans la fonction thyroïdienne ont été progressivement isolés, et leurs DNA clonés : thyroglobuline, peroxydase thyroïdienne responsable de son iodation, récepteurs à TSH et aux hormones thyroïdiennes et, plus récemment, symporteur à iode [18]. On peut s’attendre à une redéfinition de certaines entités pathologiques, comme c’est déjà le cas pour l’adénome toxique où une ano­malie génétique du récepteur à TSH emble parfois mise en cause [60]. Résultats specta­culaires obtenus grâce à la constitution de collection de sérums ou de tissus thyroïdiens portant à son paroxysme l’idéal du déterminisme bernardien qui rend indéfiniment reproductible le fait pathologique chez tous les malades semblablement atteints. Résultats décevants sur le plan thérapeutique puisque aucun traitement thyroïdien nouveau n’a été proposé. La raison de cet echec réside peut-être en la trop grande parcellisation du regard de la biomédecine qui a tendance à réduire la glande thyroïde à une association de récepteurs ou d’hormones codés par les gènes thyroïdiens et à oublier qu’elle est avant tout composée d’unités fonctionnelles ­ les follicules thyroïdiens ­ sur lesquelles doit se concentrer l’action thérapeutique. La catastrophe de Tchernobyl, avec ses conséquences thyroïdiennes surprenantes, une «  épidémie » de cancers de la thyroïde chez le jeune enfant [23] qui aurait pu être prévenue par la prophylaxie iodée, souligne avec éclat cette nécessité d’un retour à un regard plus synthétique sur les fonctions thyroïdiennes, même si la théorie des oncogènes fournit par ailleurs l’ébauche d’un schéma explicatif de l’oncogenèse thyroïdienne [25].

 Deux fondateurs de l’endocrinologie thyroïdienne moderne. 

Means est un des premiers cliniciens temps-plein recruté par l’université de Harvard, au début des années 1920. La Thyroid clinic qu’il crée et dirige de 1920 à 1955 au Massachusetts General Hospital de Boston, devient rapidement un lieu de recherche dont le point de départ est l’exploration des patients par le métabolisme basal. Il réussit à fédérer différents spécialistes intéressés par l’étude de la glande thyroïde : médecins, chirurgiens, histologistes, physiologistes et chimistes, qui ont pour mission de mettre au point de nouvelles méthodes diagnostiques et thérapeutiques, avec la participation d’industriels. C’est ainsi que sont progressivement introduits les dosages d’iode hormonal et de TSH urinaire. La contribution de ce groupe est décisive dans le développement des applications médicales des isotopes radioactifs à partir de 1940. Professeur au collège de France (chaire de Biochimie générale et comparée 1947-1972),

Roche, qui a joué un rôle primordial dans la relance de la biochimie française après la guerre, a initié une recherche centrée sur l’élucidation du métabolisme intrathyroïdien de l’iode. Codécouvreur de la T3 et de la rT3, on lui doit le concept de désiodation des iodotyrosines qui a permis d’asseoir moléculairement les troubles congénitaux de l’hormonosynthèse thyroïdienne dont l’exploration a amené la constitution des premiers réseaux de recherche clinique. L’influence de Roche a été décisive dans la transformation de l’endocrinologie clinique française. Son laboratoire a été un lieu de passage obligé pour les cliniciens, les biochimistes, les biophysiciens et les physiologistes intéressés par la glande thyroïde.

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