[CP] COVID-19 : une épidémie peut en cacher une autre

PAR RES /  MARDI, 17 MARS 2020 /  PUBLIÉ DANS COMMUNIQUÉS DE PRESSEPLAIDOYERRES-ACTUS

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La gestion de la crise du COVID-19 a pris un tour déterminant avec les mesures de confinement généralisées. La recommandation s’adressait déjà plus particulièrement aux personnes âgées de plus de 60 ans et aux malades chroniques. Les premières analyses publiées en Chine montrent en effet clairement une comorbidité nettement plus élevée chez les personnes décédées que chez les survivants (67% contre 40 %), celle-ci étant le plus souvent le fait de l’hypertension artérielle, du diabète, de la maladie coronarienne ou du cancer. Le risque d’engorgement des hôpitaux est par définition lié directement au nombre potentiel de personnes susceptibles de contracter la maladie. Alors que classiquement, on oppose maladies transmissibles et maladies non transmissibles, cette crise oblige à les considérer d’un même point de vue.

Par-delà ces mesures de gestion immédiate de l’épidémie de COVID-19, cette crise doit être aussi l’occasion de prendre conscience de l’autre épidémie, celle des maladies chroniques. Le mot épidémie a été utilisée la première fois pour parler de la croissance des maladies chroniques par l’Organisation Mondiale de la Santé Europe (déclaration du 11 septembre 2006). Celle-ci prévenait que cette épidémie mettait “en péril les systèmes d’assurance maladie” et concluait sur la nécessité de mener « une action globale pour freiner cette épidémie ». L’OMS au niveau mondial va lancer, en 2008, le 1er plan d’action pour la Stratégie mondiale de lutte contre les maladies non transmissibles qui va passer néanmoins largement inaperçu. La plaquette grand public publiée à cette occasion titre pourtant en gros caractère « HALTE A L’EPIDEMIE MONDIALE DE MALADIES CHRONIQUES ». Bien que maladies chroniques et maladies non transmissibles ne recoupent pas tout à fait la même chose, l’OMS utilise cependant indifféremment les 2 termes. Le constat est sans équivoque : « L’épidémie mondiale de maladies chroniques a été largement ignorée ou sous-estimée par rapport à d’autres problèmes de santé….Depuis fort longtemps, plusieurs idées fausses font que l’on n’accorde pas toute l’importance voulue aux cardiopathies, aux accidents vasculaires cérébraux, au cancer et à d’autres maladies chroniques ». L’Assemblée Générale de ONU va adopter deux résolutions, en septembre 2011, puis en septembre 2018, en faisant le constat qu’aucune action cohérente n’a été entreprise malgré une signature unanime de ces déclarations par tous les Etats.

Richard Horton, rédacteur en chef du Lancet, s’inquiétait dans la plaquette de l’OMS de 2008 des conséquences du laisser-faire : « Sans une action politique concertée et coordonnée, les progrès accomplis dans la lutte contre les maladies infectieuses seront réduits à néant lorsqu’une nouvelle vague de maladies évitables engloutira les plus vulnérables ». Nous y sommes.

La France n’échappe pas à cette épidémie. Aujourd’hui, selon les derniers chiffres de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, 20 millions de personnes sont en situation de malades chroniques dont 10,7 millions sont classées en Affections de Longue Durée (7,2 millions en 2003), lesquelles sont, pour la quasi-totalité, des maladies chroniques.  On peut évidemment se réjouir de la baisse de mortalité constatée pour les grandes maladies chroniques, ce qui a pour conséquence d’augmenter mécaniquement la prévalence, mais il est nécessaire de considérer aussi l’incidence pour évaluer la situation sanitaire. A définition constante des ALD, celle-ci a quasiment doublé entre 2003 et 2017, passant de 0,9 à 1,7 million (+96 %) alors que, dans le même temps, la population du régime général de Sécurité sociale ne progressait que de 10 % (de 52,4 à 57,6 millions). La progression la plus forte a été celle des maladies cardiovasculaires (+171 %), suivie par celles du diabète (+94%) et du cancer (+49%).

Il est grand temps, comme le recommande l’OMS, de prendre la mesure de la réalité de cette épidémie de maladies chroniques et d’agir de façon conséquente sur les causes. Pour l’instant, le focus a été mis sur les comportements individuels, avec un certain succès s’agissant du tabagisme et de l’alcoolisme, même si des progrès sont encore possibles, mais il faut partir des connaissances scientifiques d’aujourd’hui pour agir sur les autres causes majeures, qu’il s’agisse de l’alimentation, de la sédentarité, de la pollution de l’air, de la contamination chimique. Celle-ci est encore largement sous-estimée ; c’est le cas plus particulièrement des perturbateurs endocriniens, dont l’action pendant la grossesse induit des maladies chroniques à l’âge adulte, et qui pour certains d’entre eux (perfluorés, bisphénols, phtalates…) induisent une baisse des défenses immunitaires, ce qui favorise les maladies infectieuses….Il est grand temps de mettre la santé environnementale au premier plan de la politique de santé. « C’est un changement de paradigme qui s’impose, une vision globale de la santé, qui ne se résume pas seulement au système de soin. Faute de l’avoir compris, notre société risque être de plus en plus sensible aux épidémies infectieuses même de faible intensité, constate André Cicolella, président du RES » 

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