Après une Covid-19, l’immunité dure 8 mois (au moins)

La pandémie de Covid-19, due au coronavirus SARS-CoV-2, a affecté au 18 janvier 2021 plus de 95 millions de personnes dans le monde et est responsable du décès de 2 millions d’entre elles depuis son émergence à Wuhan en Chine en décembre 2019. Si l’affection est le plus souvent bénigne, voire asymptomatique, dans 90 % à 95 % des cas, elle peut entraîner chez les sujets âgés ou ayant des comorbidités une détresse respiratoire mettant en jeu le pronostic vital et nécessitant un transfert en soins intensifs voire en réanimation pour assistance respiratoire.

Des travaux de recherche intenses ont permis de mieux comprendre la physiopathologie de cette affection en mettant en évidence une évolution en deux temps caractérisée par une phase initiale surtout marquée par la réplication virale et suivie d’une deuxième phase où la réaction inflammatoire peut être exacerbée responsable du syndrome de détresse respiratoire évoqué plus haut. L’utilisation d’antiviraux le plus souvent au sein de protocoles thérapeutiques est évaluée dans la phase initiale de même que celle d’agents immunomodulateurs tandis que celle d’anti-inflammatoires au premier rang desquels les corticoïdes est recommandée dans la deuxième phase. Le développement de vaccins est l’objet d’une compétition intense et moins d’un an après le début de la pandémie plusieurs campagnes de vaccination utilisant en particulier des vaccins issus des nouvelles biotechnologies (ayant recours à l’ARN messager ou à certains vecteurs viraux) ont pu débuter. Alors que des publications ont montré l’efficacité pour diminuer la sévérité de l’affection et la charge virale de l’administration à des patients ayant une forme modérée d’anticorps spécifiques présents chez les patients en convalescence de la Covid-19 (Chen A et al. New Engl J Med 2020 edition avancée) -surtout si administrés précocement- et que ces données ont été à l’origine du développement d’anticorps monoclonaux testés actuellement au cours de la phase initiale, les auteurs de l’article dont il s’agit ici ont voulu préciser les caractéristiques de la réponse immune chez les patients ayant été atteints de la Covid-19. 

Diminution des IgG anti-SARS-CoV-2 dès le 20e jour mais apparition de lymphocytes mémoire dès la convalescence et qui persistent au moins 240 jours

Les anticorps développés chez les patients infectés par le SARS-CoV-2 ont pour cibles principales la protéine spike du virus et les protéines de sa nucléocapside (NCP) ; ils apparaissent dès le 6e jour après la confirmation du diagnostic par PCR et ceux qui reconnaissent, sur la protéine spike, le domaine de liaison au récepteur cellulaire (RBD) sont neutralisants.

Toutefois la constatation de la très nette diminution des IgG anti-SARS-CoV-2 dès le 20e jour après le diagnostic a pu faire craindre une immunité humorale de faible durée.

L’apparition de lymphocytes T et B mémoire dès la période de convalescence a, au contraire, suggérè l’acquisition possible d’une immunisation sur le long terme et c’est ce qu’ont voulu préciser les auteurs de l’article qui se sont intéressés aux lymphocytes B mémoires (Bm).
Ces cellules Bm spécifiques du SARS-CoV-2 ont été caractérisées grâce à l’utilisation de tétramères recombinants des fragments RBD et NCP de SARS-CoV-2 marqués par fluorescence, cette technologie augmentant la spécificité de la détection. Ces cellules ont été retrouvées dans 36 échantillons provenant de 25 patients atteints de Covid-19 soit pendant la phase aiguë soit lors de la convalescence et persistent pendant au moins 242 jours ; leur présence était corrélée à celle des lymphocytes TFH circulants témoins d’une persistance d’activité des centres germinatifs ganglionnaires. Les cellules Bm IgM+ ont prédominé pendant les 20 premiers jours tandis que les cellules Bm IgG1+ augmentaient graduellement à partir du 26e jour. Les valeurs les plus hautes des cellules RBD-Bm et NCP -Bm spécifiques IgG1+ ont été observées au moins après 26 jours d’évolution.

Globalement, les cellules RBD- Bm spécifiques atteignaient leur valeur maximale entre 100 à 150 J après le début des symptômes ; les cellules NCP-Bm spécifiques augmentaient en nombre jusqu’au 150e J et ne diminuaient pas jusqu’au 240e J. Chez les patients ayant présenté une forme sévère de Covid-19, le nombre des cellules RBD -Bm et NCP-Bm avait tendance à être inférieur à celui observé chez les autres patients. Enfin, le nombre des cellules RBD-Bm spécifiques IgG+ était corrélé à celui des sous-populations de lymphocytes T : CD4+FH, CD4+FR et CD8+FH.
Cette corrélation et le fait que les cellules RBD-Bm spécifiques IgG+ exprimaient presque toutes le marqueur CD27 sont en faveur de l’existence d’une réponse immune de longue durée. A noter qu’une étude récente (pour laquelle la publication après comité de lecture est en attente) a montré également la présence de ces cellules lymphocytaires mémoires sur au moins 6 mois. (Dan JM BioRxiv 2020.2011.2015.383333).
Ainsi, si la recherche des anticorps anti-SARS-CoV-2 peut se négativer rapidement après infection par la Covid-19, cette étude montre la présence de lymphocytes B mémoires circulants détectés au moins pendant 8 mois après le début des symptômes. La recherche de ces cellules B mémoires par cytométrie en flux pourrait permettre la détection d’une réponse immune de type mémoire, de longue durée, qu’elle ait été acquise après infection naturelle ou après vaccination. Elle pourrait dans le futur être effectuée au sein de protocoles permettant d’en préciser la pertinence clinique.

Dr Sylvia Bellucci

RÉFÉRENCES

Hartley GE et coll. : Rapid generation of durable B cell memory to SARS-CoV-2 spike and nucleocapsid proteins in COVID-19 and convalescence. Science Immunology 2020:
5 :eabf8891 DOI: 10.1126/sciimmunol.abf8891

La pandémie de Covid-19, due au coronavirus SARS-CoV-2, a affecté au 18 janvier 2021 plus de 95 millions de personnes dans le monde et est responsable du décès de 2 millions d’entre elles depuis son émergence à Wuhan en Chine en décembre 2019. Si l’affection est le plus souvent bénigne, voire asymptomatique, dans 90 % à 95 % des cas, elle peut entraîner chez les sujets âgés ou ayant des comorbidités une détresse respiratoire mettant en jeu le pronostic vital et nécessitant un transfert en soins intensifs voire en réanimation pour assistance respiratoire.
Des travaux de recherche intenses ont permis de mieux comprendre la physiopathologie de cette affection en mettant en évidence une évolution en deux temps caractérisée par une phase initiale surtout marquée par la réplication virale et suivie d’une deuxième phase où la réaction inflammatoire peut être exacerbée responsable du syndrome de détresse respiratoire évoqué plus haut. L’utilisation d’antiviraux le plus souvent au sein de protocoles thérapeutiques est évaluée dans la phase initiale de même que celle d’agents immunomodulateurs tandis que celle d’anti-inflammatoires au premier rang desquels les corticoïdes est recommandée dans la deuxième phase. Le développement de vaccins est l’objet d’une compétition intense et moins d’un an après le début de la pandémie plusieurs campagnes de vaccination utilisant en particulier des vaccins issus des nouvelles biotechnologies (ayant recours à l’ARN messager ou à certains vecteurs viraux) ont pu débuter. Alors que des publications ont montré l’efficacité pour diminuer la sévérité de l’affection et la charge virale de l’administration à des patients ayant une forme modérée d’anticorps spécifiques présents chez les patients en convalescence de la Covid-19 (Chen A et al. New Engl J Med 2020 edition avancée) -surtout si administrés précocement- et que ces données ont été à l’origine du développement d’anticorps monoclonaux testés actuellement au cours de la phase initiale, les auteurs de l’article dont il s’agit ici ont voulu préciser les caractéristiques de la réponse immune chez les patients ayant été atteints de la Covid-19. 

Diminution des IgG anti-SARS-CoV-2 dès le 20e jour mais apparition de lymphocytes mémoire dès la convalescence et qui persistent au moins 240 jours

Les anticorps développés chez les patients infectés par le SARS-CoV-2 ont pour cibles principales la protéine spike du virus et les protéines de sa nucléocapside (NCP) ; ils apparaissent dès le 6e jour après la confirmation du diagnostic par PCR et ceux qui reconnaissent, sur la protéine spike, le domaine de liaison au récepteur cellulaire (RBD) sont neutralisants.

Toutefois la constatation de la très nette diminution des IgG anti-SARS-CoV-2 dès le 20e jour après le diagnostic a pu faire craindre une immunité humorale de faible durée.

L’apparition de lymphocytes T et B mémoire dès la période de convalescence a, au contraire, suggérè l’acquisition possible d’une immunisation sur le long terme et c’est ce qu’ont voulu préciser les auteurs de l’article qui se sont intéressés aux lymphocytes B mémoires (Bm).
Ces cellules Bm spécifiques du SARS-CoV-2 ont été caractérisées grâce à l’utilisation de tétramères recombinants des fragments RBD et NCP de SARS-CoV-2 marqués par fluorescence, cette technologie augmentant la spécificité de la détection. Ces cellules ont été retrouvées dans 36 échantillons provenant de 25 patients atteints de Covid-19 soit pendant la phase aiguë soit lors de la convalescence et persistent pendant au moins 242 jours ; leur présence était corrélée à celle des lymphocytes TFH circulants témoins d’une persistance d’activité des centres germinatifs ganglionnaires. Les cellules Bm IgM+ ont prédominé pendant les 20 premiers jours tandis que les cellules Bm IgG1+ augmentaient graduellement à partir du 26e jour. Les valeurs les plus hautes des cellules RBD-Bm et NCP -Bm spécifiques IgG1+ ont été observées au moins après 26 jours d’évolution.

Globalement, les cellules RBD- Bm spécifiques atteignaient leur valeur maximale entre 100 à 150 J après le début des symptômes ; les cellules NCP-Bm spécifiques augmentaient en nombre jusqu’au 150e J et ne diminuaient pas jusqu’au 240e J. Chez les patients ayant présenté une forme sévère de Covid-19, le nombre des cellules RBD -Bm et NCP-Bm avait tendance à être inférieur à celui observé chez les autres patients. Enfin, le nombre des cellules RBD-Bm spécifiques IgG+ était corrélé à celui des sous-populations de lymphocytes T : CD4+FH, CD4+FR et CD8+FH.
Cette corrélation et le fait que les cellules RBD-Bm spécifiques IgG+ exprimaient presque toutes le marqueur CD27 sont en faveur de l’existence d’une réponse immune de longue durée. A noter qu’une étude récente (pour laquelle la publication après comité de lecture est en attente) a montré également la présence de ces cellules lymphocytaires mémoires sur au moins 6 mois. (Dan JM BioRxiv 2020.2011.2015.383333).
Ainsi, si la recherche des anticorps anti-SARS-CoV-2 peut se négativer rapidement après infection par la Covid-19, cette étude montre la présence de lymphocytes B mémoires circulants détectés au moins pendant 8 mois après le début des symptômes. La recherche de ces cellules B mémoires par cytométrie en flux pourrait permettre la détection d’une réponse immune de type mémoire, de longue durée, qu’elle ait été acquise après infection naturelle ou après vaccination. Elle pourrait dans le futur être effectuée au sein de protocoles permettant d’en préciser la pertinence clinique.

Hartley GE et coll. : Rapid generation of durable B cell memory to SARS-CoV-2 spike and nucleocapsid proteins in COVID-19 and convalescence. Science Immunology 2020:
5 :eabf8891 DOI: 10.1126/sciimmunol.abf8891

Covid 19 : les asymptomatiques seraient 4 fois moins contagieux

Les formes asymptomatiques de la Covid-19 sont potentiellement impliquées dans la transmission du SARS-CoV-2 au sein de la communauté. Cependant, leur potentiel infectieux reste assez mal appréhendé, les avis les plus divers s’exprimant sur le sujet. Certains en font grand cas et d’autres le contraire, le principe de précaution se chargeant du reste. La charge virale en l’absence de symptômes est probablement plus faible, mais l’on ne peut omettre le fait qu’il existe des « superprogateurs » de l’infection et que les symptômes peuvent apparaitre secondairement…

Le tester-tracer-isoler à Singapour a un tout autre sens…

La stratégie « tester-tracer-isoler » a été appliquée à la lettre à Singapour aussi bien pour les formes symptomatiques et asymptomatiques de l’infection. Dans certaines activités industrielles relevant de la construction, du transport maritime ou de la manufacture, les travailleurs sont considérés comme à haut risque : à ce titre, la recherche du virus par PCR est effectuée toutes les une à deux semaines. La positivité du test amène à tester tous les sujets contacts (en contact étroit pendant au moins 30 minutes avec le cas index à une distance de moins de 2 mètres) et débouche sur une quarantaine étroitement surveillée.

A la fin de la quarantaine, le sujet n’est libéré que si sa PCR est négative, faute de quoi l’isolement est prolongé. Parallèlement, des tests sérologiques sont réalisés chez la plupart des patients infectés : la séronégativité suggère une contagiosité supérieure, puisque la charge virale est en règle plus élevée avant la séroconversion, même s’il ne s’agit pas là d’une loi universelle.

628 cas index, 3 790 cas contacts

Quels sont les résultats constatés lors de ce type d’intervention en termes de contagiosité relative des uns et des autres ?

Une courte lettre datée du 18 décembre 2020 et adressée à l’éditeur du Lancet répond à la question. Entre le 1er août et le 11 octobre 2020, ont été identifiés 628 sujets atteints d’une Covid-19 biologiquement confirmée et 3 790 sujets contacts ont été dépistés selon les critères signalés en excluant les cas contacts trouvés parmi les pensionnaires des dormoirs réservés aux travailleurs migrants : dans ce cas, l’environnement n’avait rien à voir avec celui du contexte communautaire traditionnel visé dans l’étude. Les incidence rate ratios (IRRs) ont été calculés à l’aide d’une analyse par régression binomiale négative après ajustement en fonction des symptômes et des résultats sérologiques du cas index.

Peu importe la sérologie du cas index

En moyenne, six membres de la communauté singapourienne ont été mis en quarantaine pour chaque cas index. Au total, 89 des 3 790 contacts étroits (2 %) ont développé la maladie pendant la quarantaine. Cinquante d’entre eux (56 %) avaient été isolés en raison de l’exposition à un cas index asymptomatique, les 39 autres (44 %) ayant été au contact d’un cas index symptomatique. Dans 43 cas contacts (48 %), le cas index était séronégatif, l’inverse étant constaté pour les 46 autres cas contacts (52 %).

L’analyse par régression binomiale négative après ajustement montre que l’IRR en cas de contact étroit avec un cas index symptomatique, versus asymptomatique était proche de quatre, soit IRR=3,85 (iC 95% 2,06–7,19; p<0,0001).

Ainsi, les cas index asymptomatiques sont certes contagieux mais nettement moins que leurs homologues

symptomatiques. Par ailleurs, la proportion de cas contacts infectés ne semble pas dépendre de la sérologie du cas index : l’explication réside probablement dans l’exposition régulière voire quotidienne des travailleurs des secteurs précédemment définis aux cas index, la transmission de l’agent viral ayant tout lieu de se produire avant la séroconversion de ces derniers.
Les auteurs concluent cette brève étude en ces termes : là où les ressources le permettent, le traçage des contacts doit inclure de manière proactive les formes asymptomatiques de la maladie : c’est le meilleur moyen pour freiner au maximum sa transmission et briser ses chaînes. Là où les ressources sont plus limitées, il est préférable de se focaliser sur les malades symptomatiques qui sont plus faciles à identifier et à isoler. A Singapour, c’est assurément la première stratégie qui a été retenue et l’épidémie est totalement contrôlée à ce jour moyennant des méthodes dignes d’une autocratie…

Dr Peter Stratford

RÉFÉRENCE

Sayampanathan AA et coll. : Infectivity of asymptomatic versus symptomatic COVID-19. Lancet 2020 ; publication avancée en ligne le 18 décembre. DOI: https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)32651-9.

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